Les amphibiens de la famille des Anoures, qui inclut les grenouilles et les crapauds, présentent un cycle de vie divisé en trois étapes distinctes : une période embryonnaire, une phase de transformation, puis une période de vie à l’état adulte. Au fil de leur développement, leurs habitudes alimentaires évoluent considérablement, passant de la jeunesse au stade adulte. Nous vous expliquons ici comment se nourrissent ces animaux à différentes phases de leur existence.
Comment les jeunes grenouilles se nourrissent-elles ?
Lorsqu’un œuf atteint sa maturité, le têtard apparaît sous une forme ovoïde, avec une tête, un abdomen, et souvent des branchies visibles, qu’elles soient internes ou externes selon l’espèce. En milieu naturel, ces petits vivent en colonies à proximité du site de ponte. À cette étape, ils ne disposent pas encore de bouche fonctionnelle, mais d’un bec dur et crochu. Leurs yeux restent fermés, et ils respirent par la peau plutôt que par des branchies, qui ne sont pas encore développées. Leur nutrition est alors totalement reliant aux réserves accumulées dans l’œuf. Après une semaine, leur système respiratoire s’adapte à l’eau, leur permettant de respirer aussi par les branchies. Pendant les deux mois suivants, ils poursuivent leur croissance.
Au départ, ces jeunes êtres sont exclusivement herbivores. Leur régime consiste en algues ou végétation aquatique. Ceux qui élèvent des têtards peuvent leur proposer des feuilles de laitue, des épinards ou des épluchures de pommes de terre, en veillant à les ramollir et à les réduire en purée pour faciliter leur ingestion.
Lorsque leurs pattes commencent à apparaître, leur alimentation change. Les têtards deviennent omnivores, intégrant à leur régime des éléments végétaux, mais aussi de petits animaux morts ou des déchets organiques issus de la faune environnante.
En captivité, leur alimentation peut comprendre des aliments pour poissons, des larves de moustiques, des vers de terre, ainsi que des insectes comme des mouches ou des pucerons. La quantité de nourriture donnée doit être ajustée selon leur taille et leur espèce, et toute nourriture non consommée doit être enlevée pour éviter la pollution de l’eau. Cette alimentation leur sert jusqu’au moment où leur métamorphose en adulte intervient.
Que mangent les grenouilles adultes ?
Une fois à l’état adulte, la majorité des grenouilles sont carnivores. Leur menu est adapté pour inclure une grande variété de proies : insectes (comme mouches, papillons ou libellules), chenilles, vers, et parfois mollusques. Certaines espèces ne mangent que des insectes, tandis que d’autres peuvent capturer des petits poissons, des têtards ou même d’autres grenouilles. Les aliments consommés vivants sont leur norme de prédation.
Il est intéressant de noter que certains gros insectes, comme les coléoptères à ailes dures, sont ingérés par les grenouilles mais ont une étonnante résistance. Dans la majorité des cas, ces insectes traversent le tube digestif sans être digérés, souvent car ils ressortent vivants par l’anus de l’animal en raison de leur taille et de leur résistance. Cela peut occasionner une obstruction temporaire, mais ils finissent par en sortir.
L’incroyable mécanisme de projection de leur langue
Leur langue joue un rôle crucial dans leur alimentation. Emblématique, celle-ci possède une élasticité exceptionnelle, étant dix fois plus souple que la langue humaine. Lorsqu’il s’agit d’attraper une proie, la grenouille projette sa langue à une vitesse impressionnante, en seulement quelques dixièmes de seconde — un délai bien inférieur à celui de clignement d’œil humain. Mais comment parviennent-elles à faire adhérer à cette vitesse ?
Tout repose sur la texture particulière de leur langue. Elle est exceptionnellement molle, ce qui lui permet de s’enrouler autour de la proie en s’allongeant, augmentant ainsi la surface de contact. La salive qui recouvre leur langue a une viscosité qui change instantanément. Lorsqu’elle entre en contact avec la proie, elle devient plus liquide, pénétrant tous les interstices de l’insecte. En quelques millisecondes, la salive recommence à être plus épaisse, ce qui fixe la proie, rendant la capture efficace. La combinaison du mouvement rapide de leur langue et de la viscosité variable de leur salive assure l’adhésion rapide et sûre de leur proie.
Une fois la proie dans leur bouche, ces animaux s’aident de leurs dents (absentes chez les crapauds) pour la maintenir avant de l’avaler. La salive, qui s’est liquéfiée lors de l’ingestion, devient visqueuse à nouveau sous l’effet de la mouvement des yeux. La pression exercée par la rétraction de leurs globes oculaires pousse la proie dans la gorge, facilitant l’acte de manger.
Comment les grenouilles repèrent-elles leur proie ?
Les grenouilles sont surtout actives la nuit pour se nourrir. Leur vision nocturne est moins performante sur la terre ferme, car leur accommodation visuelle se fait davantage par déplacement du cristallin. Elles peuvent distinguer la plupart des couleurs, avec une sensibilité accrue aux nuances de bleu et aux teintes foncées.
En revanche, leur perception est principalement sensible au mouvement. Lorsqu’un objet ou une ombre plus volumineux approche, elles le perçoivent comme une menace, ce qui déclenche leur réflexe de fuite. À l’inverse, lorsque de petits points sombres ou lumineux s’éloignent ou s’approchent, elles tendent à projeter leur langue pour capturer ces éléments dès qu’ils bougent. Leur attention est donc surtout portée à ce qui bouge, plutôt qu’à ce qui reste immobile.
Les grenouilles possèdent également des tympans situés derrière leurs yeux, leur permettant de percevoir les vibrations sonores dans l’air ou dans l’eau. Leur sens olfactif est, quant à lui, beaucoup plus primitifs.
Les grenouilles dans nos jardins
Grâce aux insectes qu’elles consomment (mouches, chenilles, vers, mollusques), les grenouilles contribuent naturellement à la lutte contre certains nuisibles dans les jardins. Pour favoriser leur présence, il est conseillé d’aménager une zone humide ou une petite mare leur offrant un habitat propice à leur reproduction. La présence de larves de moustiques dans cette zone ne craindra pas, car elles seront au menu des têtards. Il est important de souligner qu’il est strictement interdit de ramener des grenouilles sauvages dans votre jardin : elles doivent choisir elles-mêmes de s’y établir.
La biodiversité amphibiens en France est riche, avec plus de 38 espèces différentes, ce qui représente la plus grande variété en Europe. Parmi elles, la grenouille rousse a été particulièrement étudiée pour mieux comprendre leurs cycles de vie. Elle peut atteindre des altitudes impressionnantes : jusqu’à 1 600 mètres dans le Jura, 1 800 mètres dans le Massif central, ou encore 2 800 mètres dans les Alpes.
La reproduction des grenouilles repose principalement sur un mode ovulipare, où la femelle dépose ses œufs en grappes, rapidement fécondés par le mâle qui monte sur son dos. Des mouvements de synchronisation et des fécondations successives assurent une fertilité optimale, avec une majorité d’œufs doublement fécondés, selon les études.
Malgré ces stratégies de reproduction efficaces, la population de grenouilles a drastiquement diminué – de plus de 65 % en un siècle – en raison de l’impact des activités humaines : circulation accrue, urbanisation, pollution, sécheresse et maladies comme le champignon Batrachochytrium dendrobatidis. La préservation de ces amphibiens reste donc un enjeu écologique majeur.