Dans le cadre des élevages laitiers, la pratique consiste généralement à séparer les veaux de leur mère peu après la naissance, pour des motifs tant sanitaires qu’économiques. Cependant, face à une demande croissante pour le bien-être animal, une interrogation s’installe : ne pourrait-on pas envisager de laisser les veaux rester avec leur mère plus longtemps, voire tout le temps ?
Les raisons derrière la séparation des veaux et de leur mère
Dans la filière laitière, il s’agit d’une opération courante visant principalement à répondre à deux besoins fondamentaux pour l’exploitation agricole :
Aspect sanitaire
À leur naissance, les veaux sont démunis de défenses naturelles, ce qui les rend vulnérables face aux maladies. Pour leur assurer une immunité optimale, ils doivent consommer rapidement le colostrum, le premier lait très riche en anticorps produit par la mère. Généralement, cette étape se fait dans les premières heures, parfois sous forme de biberon pour mieux contrôler la quantité ingérée. La capacité d’absorber ces anticorps diminuant rapidement, souvent en moins d’une journée, l’éleveur peut choisir de retirer le veau de la mère rapidement, afin d’éviter la transmission de maladies infectieuses que la mère pourrait porter.
Aspect économique
Un veau consomme quotidiennement entre 8 et 10 litres de lait maternel, ce qui représente une perte directe pour le producteur. De plus, certains troubles digestifs, comme la diarrhée, peuvent mettre en péril la santé du veau et entraîner des pertes économiques. Il convient aussi de noter que tout le lait produit par la vache ne sera pas forcément bu par le veau, laissant ainsi la place à des infections comme la mammite, lorsque la mamelle ne se vide pas complètement. En cas d’infection, des traitements antibiotques peuvent rendre le lait impropre à la consommation et donc non commercialisable.
Les méthodes de séparation du veau et de sa mère
Après sa naissance, le jeune animal est rapidement délogé de sa mère pour être placé dans une stalle individuelle, lui permettant tout de même d’avoir une visibilité sur ses congénères. La séparation postnatale vise à limiter la transmission de maladies. Au début, le veau est nourri avec du lait reconstitué, d’abord au biberon, puis dans un seau. Vers trois semaines, il est intégré à un groupe de jeunes dans des enclos plus spacieux. À ce stade, l’alimentation s’oriente vers des aliments solides pour stimuler sa rumination. Au fur et à mesure qu’il grandit, la quantité de lait diminue, en préparation du sevrage complet vers trois mois. Certains éleveurs considèrent qu’un sevrage effectué de manière précoce réduit le stress chez l’animal, car il tend à mieux supporter cette étape que lorsque le veau reste avec sa mère, ce qui peut provoquer une grande détresse et rendre l’animal plus méfiant à l’âge adulte.
Et si l’on laissait les veaux avec leur mère ?
Le débat grandit sous la pression de l’opinion publique, de plus en plus soucieuse du traitement réservé aux animaux d’élevage. La question est désormais posée : cette pratique de séparation précoce doit-elle continuer ? L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a été saisie pour évaluer les risques liés à cette méthode. Selon leur rapport, les veaux qui restent en contact limité ou n’ont aucun contact avec leur mère sont souvent sujets à du stress, à l’isolement ou à des difficultés de téter. Les recommandations incluent un contact minimal d’une journée entre la mère et le veau, voire une période plus longue, ainsi que la mise en groupe des jeunes pour favoriser leur développement social et éviter l’usage systématique d’enclos individuels.
Les avantages d’élever les veaux au sein de la mère
Des projets pilotes dans plusieurs exploitations européennes montrent que faire naître et élever les veaux en restant proches de leur mère procure plusieurs bénéfices. Parmi eux :
- Une croissance plus rapide et plus saine, grâce à une alimentation adaptée à leurs besoins spécifiques ;
- Une meilleure résistance face à certaines maladies respiratoires ou digestives ;
- Un comportement moins perturbé par la nécessité de téter ou de chercher de la nourriture ailleurs ;
- Une interaction renforcée avec la mère, favorisant la socialisation, le jeu, ainsi que l’apprentissage de comportements liés à la nourriture et au pâturage.
Les inconvénients d’un élevage au contact de la mère
Malgré ces atouts, certains éleveurs soulignent que cette méthode peut entraîner une diminution de la production laitière, notamment en termes de volume ou de matière grasse. Cependant, cette approche pourrait ouvrir une nouvelle voie pour valoriser la viande de veau, souvent produite à moindre coût. Plusieurs modèles d’élevage expérimentaux cherchent à gérer cette coexistence du veau avec sa mère et de la traite, tout en respectant le bien-être animal. Cela demande une réorganisation du travail des fermiers, notamment pour gérer la séparation lors de la traite, assurer une surveillance régulière de la santé du jeune, et instaurer un sevrage progressif. En Europe, une réflexion est en cours pour adopter des pratiques d’élevage qui privilégient le confort des veaux, tout en répondant aux attentes sociétales en matière de bien-être animal, avec des initiatives concrètes pour faire évoluer les méthodes traditionnelles.