Depuis plusieurs siècles, le cheval de trait a joué un rôle essentiel dans les activités humaines, qu’il s’agisse de la guerre, des tâches urbaines ou agricoles. Ces dernières décennies ont vu renaître un intérêt pour la préservation de ces races, souvent menacées, en valorisant un patrimoine vivant et traditionnel. Aujourd’hui, ces animaux incarnent également une réponse durable face aux enjeux environnementaux et économiques.
Qu’est-ce qu’un cheval de trait ?
Le terme “cheval de trait” désigne, dans son sens le plus général, tout cheval utilisé pour effectuer des travaux de traction, indépendamment de sa race. Cependant, dans certains pays comme la France, la Belgique ou les États-Unis, des races spécifiques ont été sélectionnées pour leur habilité à tirer des charges lourdes. Ces équidés ont été indispensables pour tracter des matériels agricoles, des chariots ou des véhicules destinés au transport de personnes ou de marchandises.
Les caractéristiques des chevaux de trait
Au cours du XIXe siècle, sous l’initiative des Haras Nationaux, l’élevage de chevaux solides et dynamiques s’est développé autour de races phares comme le percheron ou le boulonnais. La sélection visait d’abord la taille remarquable, souvent comprise entre 1,60 m et plus de 1,80 m, un poids conséquent dépassant parfois 1 000 kg, ainsi qu’une morphologie robuste et trapue. Ces animaux présentent un dos court avec une croupe musclée, facilitant leur capacité à tracter. Leur ossature lourde, avec des fanons épaissis au-dessus du sabot et derrière le pied, leur confère une grande stabilité et puissance.
Neuf races de chevaux de trait en France
Originaire d’Europe de l’Ouest et du Nord, plusieurs races de chevaux de trait ont vu leur nombre diminuer ou disparaître. Néanmoins, la France conserve aujourd’hui encore neuf d’entre elles :
- Le percheron : reconnu pour sa puissance et son élégance, il est souvent sollicité pour des tâches de traction urbaine ou d’attelage, tout en étant apprécié pour ses qualités esthétiques et son tempérament doux.
- Le boulonnais : un cheval volontaire et énergique, idéal pour le transport, la traction ou pour des activités de prestige, apprécié pour sa silhouette élancée.
- L’ardennais : autrefois utilisé dans l’exploitation minière du Nord-Pas-de-Calais, il s’est adapté à diverses activités dans les environnements urbains ou ruraux.
- L’auxois : ce cheval est une pièce maîtresse en agriculture, notamment pour ses capacités de traction lors du débardage en forêt ou dans la production laitière équine.
- Le trait breton : doté d’allures énergiques et d’un tempérament docile, il est souvent utilisé pour les attelages de compétition ou touristiques, ainsi que pour des travaux précis en horticulture.
- Le cob normand : prisé dans le loisir et la compétition, son allure brillante et sa finesse en font un partenaire de choix pour l’attelage.
- Le comtois : avec un gabarit compact et un caractère vif, il est à l’aise dans diverses conditions climatiques, principalement dans la traction agricole ou forestière.
- Le poitevin mulassier : un grand équidé robuste, de plus en plus utilisé pour l’attelage de loisir, notamment dans le cadre touristique.
- Le trait du Nord : autrefois incontournable pour les travaux agricoles lourds, il est connu pour sa taille impressionnante, pouvant atteindre 1,90 m au garrot.
Le soutien logistique pour l’armée
Les premières traces de l’utilisation du cheval de trait remontent à l’Antiquité, où ils servaient à tirer des chars funéraires. Les Romains évoquaient ces animaux sous le nom d’Equus Magnus. Au Moyen Âge, leur rôle s’étendait dans le contexte militaire, chargés de tirer chariots, artilleurs ou ravitaillements, tout en restant calmes sous le feu ennemi. Ces traits de force et de calme leur conféraient une importance stratégique dans les batailles et les déplacements militaires.
Le succès du transport hippomobile
Au XIXe siècle, les chevaux étaient les principaux moteurs des véhicules pour le transport de passagers et de marchandises, tandis que l’agriculture utilisait encore majoritairement la traction bovine. La révolution industrielle a favorisé le développement du cheval de trait, notamment avec la création de réseaux fluviaux pour le halage. Ces animaux étaient très répandus dans plusieurs nations, comme l’Europe de l’Ouest, les États-Unis, l’Australie ou le Japon. En 1892, la France comptabilisait près de 3 millions de chevaux engagés dans la logistique ; dans Paris, on recensait quelque 80 000 chevaux engagés dans le tir des omnibus et tramways.
Le cheval de trait dans les champs
Les agriculteurs ont rapidement compris que la puissance et la docilité du cheval de trait en faisaient une option plus maniable que le bœuf pour tracter des engins agricoles. Au début du XXe siècle, la France comptait plus de 3 millions de chevaux dédiés à la traction. Ces chevaux, souvent appelés “chevaux de labour”, ont été utilisés pour tirer la charrue, puis divers équipements agricoles comme les herses, semoirs ou moissonneuses, en s’adaptant à la modernisation des pratiques agricoles. Des équipes de deux à six chevaux étaient nécessaires pour faire avancer des machines de plus en plus imposantes.
La transition vers le moteur
À la fin du XIXe siècle, l’usage du cheval de trait a commencé à décliner dans les pays industrialisés, principalement à cause de l’expansion du réseau ferroviaire, de l’électricité, et surtout de l’invention des moteurs à combustion interne. En 1913, Paris a adopté son dernier attelage hippomobile pour le service public. Après la Seconde Guerre mondiale, la mécanisation agricole, notamment avec le tracteur, a rapidement supplanté le travail du cheval dans la plupart des régions développées, mettant fin à leur usage comme animal de travail.
La renaissance du cheval de trait
Au début des années 1970, le cheval lourd, autrefois destiné à la production de viande, a retrouvé une nouvelle vie dans les activités traditionnelles. En parallèle, un regain d’intérêt pour le patrimoine rural et une explosion de la pratique de l’équitation dans les années 90 ont permis de redécouvrir cet animal comme partenaire de loisirs, notamment dans l’attelage. Désormais, de nombreux projets mettent en avant le cheval de trait comme une solution écologique pour des travaux en milieu rural ou urbain, comme le débardage, l’entretien des espaces verts ou la collecte de déchets. Son énergie renouvelable et sa convivialité en font une alternative intéressante aux machines motorisées, en particulier pour des activités de tourisme rural ou pour le travail dans des terrains difficiles ou en pente, comme la viticulture ou les petites exploitations agricoles.