Le Moule Quagga : Un Intrus Invasif dans Nos Lacs d’Eau Douce

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La dénomination « moule Quagga » désigne communément un mollusque d’eau douce dont le nom scientifique est Dreissena bugensis. Reconnu comme une espèce invasive, cette variété de moule cause plusieurs problématiques lorsqu’elle colonise de nouveaux environnements. Cet article explore ses origines, ses modes de dispersion, ses impacts, ainsi que les mesures envisageables pour limiter sa propagation.

Origine de la moule Quagga

Ce mollusque présente une silhouette arrondie, y compris au niveau de sa face inférieure. Sa taille maximale avoisine 3 cm, avec une moyenne généralement autour de 2 cm. Bien qu’on la classe souvent parmi les moules d’eau douce, elle est aussi capable de prospérer dans des eaux légèrement salées. Son point d’origine serait la mer Caspienne et la mer Noire.

Sa diffusion mondiale s’est accélérée via le transport maritime, notamment dans les ballasts de navires. La capacité de tolérer temporairement des variations de salinité lui a permis de survivre aux traversées en mer et dans les eaux portuaires ou intérieures où leur eau de ballast a été prélevée. La durée de voyage impacte leur survie, puisqu’adultes ou larves peuvent persister jusqu’à leur relâchement dans un nouvel environnement aquatique.

Les moules Quagga possèdent une faculté d’accroche remarquable grâce à leur « byssus », un ensemble de fibres adhésives riches en protéines, fer et vanadium. Elles peuvent s’attacher à une diversité de surfaces solides, ce qui leur offre un avantage certain face aux moules indigènes d’eau douce avec lesquelles elles entrent en compétition.

Ce phénomène pose non seulement des enjeux écologiques, mais aussi des difficultés pour l’homme. En effet, leur capacité à coloniser des matériaux artificiels tels que béton, métal ou plastique engendre des coûts de maintenance importants pour les infrastructures aquatiques comme les centrales, les systèmes de traitement d’eau ou les barrages.

Zones géographiques concernées

Les Quagga peuplent principalement des fonds rocheux, sablonneux ou végétalisés, particulièrement dans des eaux plus profondes pouvant atteindre ou dépasser 100 mètres. Elles privilégient des environnements froids et calmes, où elles s’agglutinent souvent en colonies, formant ainsi une couverture importante sur un fond vaseux.

Actuellement, leur présence est attestée dans toute l’Europe, notamment en Allemagne, ainsi qu’en Amérique du Nord—dans divers cours d’eau des États-Unis tels que l’Iowa, le Kentucky, le Michigan, le Minnesota, l’État de New York, et en Ohio. La région des Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent sont aussi touchés. La limite sud de leur expansion semble être à l’aval de Québec, où la salinité de l’eau devient trop élevée pour leur survie.

Depuis 2022, des traces ADN ont été détectées dans le lac d’Annecy, ce qui déclenche une vigilance accrue quant à leur possible établissement, vue comme une menace écologique pour ces écosystèmes lacustres.

Facteurs favorisant leur prolifération

Dans des conditions favorables, la densité des Quagga peut dépasser 5 000 spécimens par mètre carré. Leur capacité à s’accrocher aux moules autochtones plus volumineuses leur confère un avantage concurrentiel. Chaque individu peut filtrer jusqu’à 2 litres d’eau par jour, ce qui lui permet d’engloutir phytoplancton, zooplancton, bactéries et autres matières organiques essentielles à leur alimentation—au détriment des autres espèces. Leur domination dans ces ressources leur confère une nature invasive.

Leurs impacts modifient souvent la limpidité des eaux : par exemple, dans certains lacs américains, la transparence est passée de 2 mètres à plus de 15 mètres. Ce changement indique une réduction significative des nutriments dans l’eau, ce qui peut favoriser la croissance d’espèces végétales envahissantes et altérer la dynamique de l’écosystème.

L’un des défis majeurs réside dans leur absence de prédateurs naturels dans les territoires qu’elles colonisent, contrairement à leur milieu d’origine où certains poissons, crustacés ou invertébrés se nourrissent d’elles, notamment de leurs larves. La connaissance sur ces prédateurs potentiels reste encore limitée.

Concernant leur reproduction, les moules Quagga atteignent rapidement la maturité sexuelle, parfois en quelques mois seulement. Elles produisent exclusivement des gamètes mâles ou femelles, avec une fertilisation externe. Une température d’au moins 10°C est nécessaire pour leur reproduction, qui peut avoir lieu toute l’année, avec des pics en hiver et au printemps. Les femelles très fécondes peuvent pondre jusqu’à un million d’œufs annuellement. Les larves (véligères), en suspension dans l’eau, peuvent se disperser sur de longues distances via les courants, durant 15 à 30 jours selon la température.

Solutions pour limiter leur expansion

Depuis leur apparition dans le lac Léman en 2015, la moule Quagga a rapidement compromis la capacité de pompage des installations locales. Les services responsables, comme les Industriels de Terre Sainte et Environs (SITSE), ont lancé des initiatives pour adapter leur infrastructure. En 2023, un programme de prévention a été lancé, mobilisant un budget de 900 000 francs suisses.

Étant donnée la difficulté à éliminer totalement cette espèce, les actionnaires privilégient une stratégie d’adaptation et de prévention. La Suisse, via la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL), recommande notamment de nettoyer minutieusement tout matériel nautique, de respecter des protocoles d’inspection et de décontamination avant tout déplacement entre plans d’eau. La coopération entre gestionnaires des grands lacs alpins facilite la mise en commun des connaissances pour contrer leur progression.

Concernant le lac d’Annecy, seule la détection d’ADN atteste actuellement de leur présence. La prévention repose donc surtout sur la sensibilisation des usagers : inspection régulière des embarcations, vidange et nettoyage des surfaces, élimination des débris et matériels aquatiques, avec séchage prolongé si possible. Il est également essentiel de ne pas déverser l’eau ou les déchets dans le lac, et d’adopter des comportements responsables lors des activités nautiques. Des ambassadeurs sont mobilisés pour informer et rappeler ces bonnes pratiques.

Enfin, pour tous ceux qui fréquentent des plans d’eau alpins ou ailleurs, il est fortement conseillé de s’intéresser à la situation locale et d’adopter les bons réflexes pour empêcher l’expansion de la moule Quagga et préserver la biodiversité. Se tenir informé et agir collectivement demeure la clé pour maîtriser cette invasion.