Origine et rôle de la langue bifide chez les serpents

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Les serpents se distinguent parmi les animaux par la présence d’une langue particulière, dotée d’une coupure au milieu, que l’on désigne en science par le terme « bifide ». Cette caractéristique, propre aux reptiles, n’est pas exclusive aux serpents puisque certains varans disposent également d’une langue en deux parties. Toutefois, cette spécificité joue un rôle crucial dans leur survie, permettant à ces animaux de mieux percevoir leur environnement et de s’adapter à leur milieu.

Une particularité observable chez plusieurs espèces vivantes

Certains reptiles appartenant à la famille des squamates possèdent une langue en deux segments, alors que leurs ancêtres n’en avaient pas. On parle souvent d’une évolution adaptative, certains individus conservant une langue plus classique, comme les pythons et les boas. Pour la majorité des serpents, cette langue bifide est une évolution progressive. La séparation entre les deux moitiés peut atteindre une taille équivalente à deux fois la longueur de leur tête.

Mais la bifurcation n’est pas propre aux reptiles : certains petits oiseaux comme les colibris ont aussi une langue segmentée, utilisée pour butiner. Chez l’homme, cette particularité peut résulter de conditions médicales ou de modifications chirurgicales connues sous le nom de « langue scindée ».

Les hypothèses concernant la fonction de la langue bifide chez les serpents

En tant que prédateurs redoutables, tous les serpents se nourrissent exclusivement de chair. Selon leur espèce, leur venin peut être mortel en quelques instant. La forme singulière de leur langue a suscité plusieurs théories pour expliquer sa raison d’être. Certains avancent qu’elle pourrait servir à piquer, d’autres pensent qu’elle permettrait de goûter la nourriture ou même de se nettoyer.

Ces idées sont cependant erronées : la langue bifide n’est pas venimeuse, bien qu’elle soit souvent soupçonnée à tort. Contrairement à l’expression « langue de vipère » qui évoque une personne de mauvaise foi, la langue de ces reptiles ne contient pas de poison. Malgré leur venin puissant, les serpents restent relativement fragiles dans la nature. Leur ouïe est faible, ils ne disposent pas de membres pour se déplacer rapidement en cas de danger, et leur champ de vision est limité. Il est donc légitime de se demander si leur langue pourrait compenser ces faiblesses en jouant un rôle protecteur ou sensoriel.

De nombreuses recherches ont été entreprises pour élucider cette question. Ce n’est que récemment que les scientifiques ont commencé à comprendre avec précision la fonction que remplit cette langue bifide chez eux.

Une langue bifide comme un détecteur d’odeurs : un véritable GPS olfactif

Il peut surprendre d’apprendre que cette langue segmentée agit comme un système de géolocalisation basé sur les odeurs, une découverte attribuée au biologiste Kurt Schwenk après vingt années d’études approfondies. Grâce à ses travaux, il a pu démontrer que la langue bifide est un outil pour capter des composés odorants dans l’air et dans le sol environnant.

Comment fonctionne ce mécanisme ? Le museau du serpent possède une petite ouverture appelée la fosse linguale, permettant à l’animal d’étendre sa langue sans ouvrir la bouche. En l’étendant, le serpent collecte dans le mucus des molécules odorantes présentes dans l’environnement. En quelques secondes, ces particules sont accumulées et ramenées dans la cavité buccale. Là, l’organe de Jacobson, situé sous le palais, analyse ces informations en transmettant des signaux électriques au cerveau. C’est ce qui explique pourquoi cet organe est aussi nommé l’organe voméronasal.

Il est important de noter que cet organe n’est pas réservé aux serpents ou aux reptiles à langue bifide. La majorité des mammifères en disposent également, un fait découvert par Ludwig Levin Jacobson en 1813. Grâce à cette capacité, les serpents peuvent détecter la présence de substances chimiques, mais aussi anticiper des variations de température, ce qui leur permet de réguler leur chaleur corporelle ou de localiser de l’eau dans leur environnement.

Quelle est réellement la finalité de cette collecte olfactive ?

Le fait que la langue bifide puisse se déployer de manière indépendante de ses deux moitiés offre l’avantage d’augmenter la quantité d’informations recueillies. Elles sont captées à différents endroits simultanément, permettant au serpent d’obtenir une image en trois dimensions de son environnement. De jour comme de nuit, cette capacité est précieuse pour s’orienter et chasser. La précision des données olfactives en fait un sens privilégié, surpassant souvent la vision ou l’ouïe dans sa hiérarchie sensorielle.

Grâce à cette aptitude, le serpent peut localiser sa proie sans avoir à la voir directement, en percevant ses odeurs dans l’air. La même sensibilité lui permet également de détecter d’éventuels prédateurs ou de repérer des menaces imminentes. En un mot, cette langue bifide est un véritable système d’alarme olfactif qui garantit leur survie depuis des millénaires.

Lors de la période de reproduction, la diffusion de phéromones par les femelles dans l’environnement est essentielle. Les mâles, grâce à leur langue, suivent ces pistes chimiques pour rencontrer une femelle. Sans cette adaptation, la rencontre entre sexes serait beaucoup plus difficile dans la nature.

Quel est le rôle du nez chez le serpent ?

Vous avez sûrement remarqué que les serpents possèdent aussi des narines placées à l’avant de leur museau. Mais si leur principal sens olfactif repose sur la langue bifide et l’organe de Jacobson, que leur servent ces narines ? La réponse est qu’elles complètent leur capacité à détecter les senteurs, notamment en détectant la chaleur émise par leurs proies ou prédateurs, même dans l’obscurité.

Ces structures ne sont pas simplement des narines classiques : elles sont souvent désignées sous différents noms comme « fossettes sensorielles », « fossettes thermosensibles » ou « fossettes labiales ». Elles permettent au serpent de repérer des phénomènes infrarouges, c’est-à-dire de détecter la différence de température entre une proie et son environnement, lui offrant ainsi un avantage supplémentaire pour chasser ou se protéger dans l’obscurité.