Portant en lui un héritage évolutif de plus d’un siècle, le grand reptile connu sous le nom de tortue luth évolue à travers tous les vastes étendues des océans mondiaux. Lorsqu’une femelle se dresse sur la terre pour déposer ses œufs, le mâle ne s’y aventure jamais. Observez ici le portrait de la plus imposante des tortues, malheureusement en voie d’extinction, laquelle incarne à la fois majesté et vulnérabilité.
Fiche descriptive de la tortue luth
La tortue luth, ou Dermochelys coriacea, aussi désignée comme tortue à coque cuir, appartient à la famille des dermochelyidés. Elle constitue l’unique représentant encore vivante de cette famille. Avec sept groupes subdivisions, cette espèce peut atteindre une taille comprise entre 150 et 200 cm, pour un poids oscillant entre 400 et 700 kg. La différence principale entre mâles et femelles réside dans la longueur de leur queue, cette dernière étant plus prolongée chez les mâles.
La carapace exceptionnelle de la tortue luth
Son nom évoque la forme particulière de sa carapace, dont la silhouette rappelle un instrument de musique ancien, le luth. Cette carapace robuste, d’environ 4 cm d’épaisseur, se caractérise par sept crêtes ondulées qui la sillonnent longitudinalement. Elle se prolonge par une structure protectrice au-dessus de la queue, appelée éperon supracaudal. Contrairement à d’autres tortues, celle-ci possède une coque flexible, simplifiée, dépourvue d’écailles, séparée du corps par une couche de graisse et de tissu conjonctif. La composition de sa carapace inclut un réseau d’ostéodermes, des plaques osseuses en forme d’étoiles, imbriquées pour renforcer la protection. Son incapacité à rétracter sa tête dans la carapace la rend plus exposée face à certains prédateurs, comme les grands requins.
La peau résistante de la tortue luth
La surface de sa peau évoque la texture du cuir, d’un aspect lisse et brillant. Son épiderme affiche une teinte bleu-noir, ponctuée d’averses de taches blanches, brunes ou rosées aux formes irrégulières. La face inférieure, ou plastron, présente une coloration blanchâtre, parfois teintée de nuances rosées. La tête, massive, est équipée d’un bec en forme de triangle, solide et tranchant, avec une marque rosée spécifique à chaque individu. Ses nageoires longues, dépourvues de griffes — une particularité rare chez les tortues marines — lui confèrent une aisance remarquable dans son environnement aquatique. Divers mécanismes physiologiques, tels qu’un métabolisme lent et une régulation avancée de la circulation sanguine, aident cette espèce à supporter des eaux plus fraiches. Ce phénomène, appelé gigantothermie, permet à ses grands volume et taille de réguler leur température interne même dans des eaux froides.
La grande migratrice des océans
Présente dans tous les océans, la tortue luth navigue même au-delà de 60° de latitude nord, approchant ainsi le cercle polaire arctique. Elle évolue aussi bien dans les eaux tropicales qu’aux latitudes tempérées ou boréales, en Atlantique, Pacifique, Indien, ainsi qu’en mer Rouge, en Méditerranée ou en mer du Nord. Sa capacité à parcourir des milliers de kilomètres lui permet de migrer vers les sites de nidification situés dans les zones chaudes, tout en nourrissant dans les eaux plus froides riches en ressources. Elle ne quitte la terre que pour ses opérations de ponte, choisissant principalement les plages des Caraïbes, de la côte ouest africaine et, dans une moindre mesure, celles du Pacifique oriental et occidental.
La chasse aux méduses, son alimentation principale
Ce reptile se nourrit principalement de méduses, qu’il peut capturer à des profondeurs dépassant 1000 mètres. Pour varier son alimentation, il peut aussi ingérer divers poissons, mollusques, calamars, crustacés, oursins ou éponges. De plus, il consomme occasionnellement des algues et autres végétaux marins. N’étant pas doté de dents, il utilise un bec_corner pour déchirer ses proies, privilégiant les aliments tendres, car incapable de broyer des objets durs ou épaisses. Lors de sa chasse, il peut boire jusqu’à 200 litres d’eau, mais doit aussi excréter le sel accumulé via des glandes lacrymales, qui le soulage en évacuant le surplus de sel marin à travers ses yeux.
La ponte dans le sable
Les habitudes solitaires de la tortue la poussent à ne former que de rares couples pour l’accouplement, qui a lieu en mer. Lors de la saison de reproduction, les mâles migrent vers les zones propices, s’accouplant avec plusieurs partenaires. La femelle, après le bref période d’accouplement, cherche un lieu adapté pour pondre. Sur la plage, elle creuse un trou d’environ 80 cm de profondeur, où elle dépose ses œufs, puis recouvre soigneusement le tout. En migrant à nouveau, elle crée un cercle invisible de sable remué, d’environ 3 mètres de diamètre, afin de dissimuler son nid. Après la ponte, elle quitte la zone pour regagner l’océan. La température du sable détermine le sexe de ses jeunes : en dessous de 29 °C, ce sera un mâle, au-delà de 30 °C, une femelle. L’éclosion, généralement nocturne, intervient après environ deux mois, lorsque les jeunes se dirigent instinctivement vers la lumière de la mer pour commencer leur vie.
Menacée par de nombreux dangers
En majorité, une fois devenues adultes, les tortues luth ont peu de prédateurs naturels. Les tout-petits, quant à eux, sont très à risque lorsqu’ils quittent leur nid pour atteindre la grand-large, vulnérables face aux oiseaux, caïmans, crabes ou mammifères carnivores. Une fois plongés dans l’eau, ils deviennent la proie de pieuvres, requins, et autres prédateurs marins. La principale menace pour cette espèce provient des activités humaines : capture accidentelle dans des filets de pêche, pollution des eaux avec des plastiques ou hydrocarbures, dégradation des plages rocheuses pour la ponte, et prélèvement illégal des œufs. La listée rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) classe la tortue luth comme espèce vulnérable à l’échelle globale. Certaines populations, notamment dans le Pacifique, sont en danger critique d’extinction. Avec une population mondiale estimée à 100 000 individus, cet animal peut vivre plus de 50 ans et demeure une véritable icône de l’océan en danger.