La silhouette caractéristique des poissons-scies doit son nom à leur rostre impressionnant, qui ressemble à une lame tranchante. Utilisé à la fois comme arme pour chasser et se défendre, cet appendice aiguisé leur offre de nombreux avantages. Pourtant, ces créatures discrètes mais particulières sont aujourd’hui confrontées à une menace critique d’extinction, en raison de la pêche intensive, des dégradations de leur habitat naturel, et des captures accidentelles. Explorons ensemble l’univers de ces poissons inhabituels et vulnérables présents dans les eaux chaudes et tempérées de notre planète.
Qu’est-ce qu’un poisson-scie ?
Les poissons-scies appartiennent à une catégorie particulière de requins, appelés chondrichthyens, qui se distinguent par leur squelette fait entièrement de cartilage. Au sein de cette classe, ils sont classés dans l’ordre Pristiformes et la famille Pristidae. Deux grands groupes principaux composent cette famille :
- Le genre Pristis, regroupant notamment le poisson-scie commun (Pristis pristis), le poisson-scie trident (Pristis pectinata) et la variété naine (Pristis clavata).
- Le genre Anoxypristis, représenté par le poisson-scie à rostre pointu (Anoxypristis cuspidata).
Comment différencier un poisson-scie ?
Les spécimens plus imposants (comme Pristis pristis ou Pristis pectinata) peuvent atteindre entre 5 et 7 mètres en incluant leur rostre, tandis que les plus petits, tels que Pristis clavata, ont une longueur comprise entre 2,5 et 3 mètres. La longueur du rostre représente habituellement une proportion importante, allant d’un quart à un tiers de la longueur totale. Cet appendice se caractérise par sa forme de scie, bordée de dents pointues disposées de façon régulière. Leur corps est fin et aplati de haut en bas, avec d’étroites nageoires pectorales. La peau de ces requins est recouverte de petits denticules dermiques qui leur servent de protection contre les parasites et les blessures. Leur coloration est généralement discrète, mélange de gris ou de brun sur le dos, avec un ventre plus clair. La queue asymétrique, déviée vers un côté avec un lobe supérieur plus développé, est typique des requins.
À quoi sert le rostre chez le poisson-scie ?
Le rostre est un outil à multiples usages pour ces animaux. Son premier rôle est de faciliter la chasse : grâce à leurs électrorécepteurs, appelés ampoules de Lorenzini, ils détectent les champs électriques faibles produits par les muscles et le cœur de leurs proies. Cette capacité leur permet d’identifier des organismes enfouis dans le sable ou dans l’eau trouble. Lors d’une attaque, leur mouvement latéral rapide du museau leur permet de frapper, piquer ou repousser un adversaire. La puissance de cette arme, combinée à leurs dents acérées, peut provoquer des blessures graves à ceux qui tentent de leur faire du mal.
Où évoluent les poissons-scies ?
Présents dans toutes les mers tièdes et chaudes, ces requins se répartissent principalement entre l’Atlantique, le Pacifique et l’océan Indien. Dans l’Atlantique, on les trouve aussi bien dans les eaux américaines que africaines. Sur le Pacifique, leur zone d’implantation s’étend de l’Australie à l’Asie du Sud-Est, notamment dans l’Indo-Pacifique. Certaines espèces, comme Anoxypristis cuspidata, sont particulièrement répandues dans cette zone, incluant le golfe Persique, les eaux indiennes, indonésiennes, ainsi que la côte nord-australienne.
Quel environnement naturel leur convient ?
Les poissons-scies privilégient surtout les eaux peu profondes, généralement inférieures à 10 mètres. Leurs habitats préférés incluent les zones côtières comme les mangroves, lagunes, estuaires et petites baies. Certaines espèces sont capable de remonter dans les eaux saumâtres, voire dans certains cours d’eau pour de longues distances. Par exemple, le poisson-scie commun est connu pour évoluer à la fois en mer et en eaux douces, notamment dans la partie supérieure de l’Australie et en Amazonie.
Que consomment-ils ?
Leur alimentation se compose principalement de petites espèces de poissons osseux évoluant près du fond, mais aussi de crustacés comme les crabes ou crevettes, et de mollusques tels que poulpes ou calamars. Leur rostre, doté de dents pointues, leur sert à dégager ou désorienter leurs proies enfouies dans le sable ou à frapper pour les faire sortir. Lorsqu’ils repèrent une cible, ils utilisent leur bouche située sous le corps pour aspirer leur nourriture.
Quel est leur mode de vie ?
Ce sont des animaux principalement actifs la nuit, période où ils chassent et mangent. Pendant la journée, ils se dissimulent souvent dans le sable, adoptant un mode de vie discret. Bien qu’en général solitaires, ils peuvent se rassembler en groupe dans des zones riches en nourriture ou lors de la reproduction. Ces requins n’ont pas tendance à attaquer l’homme, mais lorsqu’ils sont stressés ou manipulés, leur rostre peut causer des blessures graves.
Comment se reproduisent-ils ?
Les poissons-scies ont une reproduction ovovivipare, signifiant que leurs embryons se développent dans des œufs à l’intérieur du corps maternel et naissent alors entièrement formés. La période de gestation peut durer entre 6 et 12 mois, en fonction de l’espèce et des conditions. La naissance donne généralement naissance à une dizaine de petits, mesurant entre 60 et 90 cm. Pour éviter d’endommager leur mère lors de la sortie, leur rostre est protégé par une gaine temporaire qui se détache peu après. Les jeunes sont autonomes dès leur naissance, prêts à chasser et à se défendre.
Qui sont leurs principaux prédateurs ?
Les jeunes poissons-scies sont vulnérables face à plusieurs carnassiers : les grands requins comme le requin-tigre, le requin-marteau ou le requin-bouledogue leur portent souvent la pire menace. Dans certaines zones, notamment les estuaires ou eaux saumâtresses, les crocodiles marins peuvent aussi attaquer ces jeunes. Des poissons carnivores tels que les barracudas ou les mérous représentent également des risques. En revanche, adultes, leur taille imposante leur confère une meilleure protection, bien que les requins plus grands ou affaiblis puissent s’en prendre à eux.
Le poisson-scie, une espèce en danger ?
Il figure parmi les espèces marines les plus menacées au monde. La majorité des espèces de poissons-scies sont classées comme vulnérables, en danger ou en danger critique par l’UICN. La pêche accidentelle est un danger majeur : leur rostre peut s’accrocher dans les filets, causant souvent leur mort prématurée. La dégradation des habitats naturels tels que mangroves et zones côtières, sous la pression de l’expansion urbaine, de la pollution et du changement climatique, accentue leur déclin. Le braconnage, souvent motivé par la valeur décorative ou trophée de leur rostre, contribue également à leur disparition rapide.
Le poisson-scie bénéficie-t-il d’une protection ?
Ils sont tous inscrits à l’Annexe I de la Convention CITES, garantissant la régulation de leur commerce international. Certaines espèces sont aussi protégées par la Convention sur les espèces migratrices, qui vise à préserver les animaux traversant plusieurs régions. De nombreux pays ont adopté des lois pour leur défense, incluant la création de réserves marines, des interdictions de pêche ciblée, ou des campagnes de sensibilisation. La durée de vie moyenne en milieu naturel est estimée entre 30 et 50 ans, mais peu d’individus atteignent cet âge à cause des pressions humaines.