De nombreuses espèces de poissons ont développé des méthodes de déplacement inhabituelles ou inefficaces, ce qui peut surprendre étant donné que la majorité d’entre eux sont de bons nageurs. Cependant, cette particularité ne remet pas en question leur capacité d’adaptation. Chaque groupe a mis en place des stratégies ingénieuses pour assurer leur survie dans leur environnement spécifique. Découvrez ci-dessous quelques familles de poissons particulièrement atypiques dans leur mode de locomotion.
1 – Les poissons-grenouilles (famille des Antennariidae)
Ces poissons, réputés pour leur faible aptitude à la nage, sont par ailleurs d’excellents chasseurs. On les rencontre principalement dans les récifs coralliens des zones tropicales et subtropicales, où ils aiment se cacher dans la biodiversité des coraux ou parmi les roches. Généralement, leur taille oscille entre 5 et 40 centimètres. Faute de pouvoir se déplacer rapidement, ils se servent de leurs nageoires pectorales et pelviennes, adaptées pour marcher sur le fond marin, plutôt que de nager. Leur mode de chasse repose largement sur leur capacité à se camoufler dans leur environnement. Un appendice charnu placé au-dessus de leur bouche, appelé “illicium”, agit comme un leurre, simulant le mouvement d’un ver pour attirer les petites proies. Lorsqu’elles s’approchent, ils se propulsent à grande vitesse en utilisant leur queue pour saisir leur proie en un éclair. L’antennaire des Sargasses, par exemple, évolue principalement parmi les grandes algues flottantes du même nom et possède des motifs mimétiques de textures végétales, qu’il utilise pour se dissimuler. Ses nageoires pectorales et pelviennes lui permettent de se déplacer en marchant sur cette végétation flottante.
2 – L’hippocampe (famille des Syngnathidae)
Ce poisson fascinant, apprécié par petits et grands, vole une attention particulière avec sa silhouette unique. Les hippocampes résident surtout dans les herbières sous-marines, autour des récifs ou dans les zones d’estuaire, principalement en eaux peu profondes. Leur taille peut varier de 2 à une trentaine de centimètres selon l’espèce. Leur faiblesse en nageur est compensée par une nageoire dorsale très fine qu’ils agitent rapidement pour se déplacer. Leur capacité à se camoufler est également remarquable : ils changent de couleur pour se fondre dans leur environnement. Leur mode de déplacement repose sur leur queue préhensile, qu’ils utilisent pour s’accrocher aux végétations sous-marines, réduisant ainsi leurs efforts en nage avec élégance.
3 – Les poissons-globes (famille des Tetraodontidae)
Les habitants des eaux chaudes et peu profondes comme les récifs coralliens, lagons ou mangroves, comptent parmi les poissons-globes, dont la taille varie généralement entre 10 et 60 centimètres. Leur régime alimentaire consiste principalement en invertébrés qu’ils broient avec leurs dents fusionnées, formant un bec puissant. Face à la menace, ils se gonflent pour augmenter leur volume, épaississant leur silhouette et rendant leur prédation difficile. Ce mécanisme est renforcé par une toxine redoutable, la tétrodotoxine, présente dans leur corps, rendant leur ingestion risquée pour leurs prédateurs, et même pour l’homme dans certains cas. Leur apparence sympathique dissimule donc une défense impressionnante.
4 – Les poissons-pierres (genre Synanceia)
Ce poisson, souvent associé aux fonds rocheux ou sableux dans les récifs, est principalement présent dans les eaux tropicales du Pacifique et de l’océan Indien. Leur taille oscille généralement entre 30 et 40 centimètres. N’étant pas de bons nageurs, ils restent souvent immobiles, utilisant leur camouflage naturel pour ressembler à une pierre ou une roche. Ils chassent surtout à l’affût durant la nuit, attrapant rapidement leur proie. Leur venin, contenu dans des épines dorsales, est très puissant et constitue leur principale défense contre tout danger potentiel.
5 – La baudroie abyssale (famille des Scorpaenidae, ordre des Lophiiformes)
Habitat des profondeurs extrêmes, ces poissons vivent à plus de 200 mètres sous la surface, dans les eaux froides et obscures. Leur taille peut dépasser un mètre selon l’espèce. Leur mode de chasse repose sur une technique unique : un appât bioluminescent situé au bout d’une excroissance de leur tête attire les proies dans l’obscurité abyssale. Une fois la proie à portée, elles la dévorent en un instant, sans la poursuivre activement.
6 – Le poisson-chauve-souris (Ogcocephalidae)
Ce groupe comprend une cinquantaine d’espèces dispersées dans des eaux profondes de l’Atlantique, de l’océan Indien et de l’Ouest du Pacifique. Leur taille varie généralement de 10 à 40 centimètres. Leur silhouette particulière, avec des nageoires pectorales fortement modifiées, leur donne une allure rappelant celle d’une chauve-souris. Ce sont des marcheurs du fond, utilisant leurs nageoires pour se déplacer lentement. Une excroissance appelée “illicium” leur sert à attirer les proies, en simulant des mouvements attractifs.
7 – Le poisson main tacheté (Brachionichthys hirsutus)
Originaire des eaux peu profondes autour de la Tasmanie, cette espèce évolue principalement sur des fonds sablonneux ou vaseux, où son camouflage est crucial pour échapper aux prédateurs. De 6 à 15 centimètres, ce poisson se déplace en utilisant ses nageoires pectorales modifiées, ressemblant à des mains, pour « marcher » sur le fond. Son corps tacheté lui offre un aspect mimétique parfait avec son environnement. La population de ces poissons, déjà fragile, est en danger critique en raison de la destruction de leur habitat et de la menace des espèces invasives comme l’étoile de mer du Pacifique Nord, qui dévorent leurs œufs.
Synthèse sur ces poissons qui nagent mal
Bien que leur capacité à se déplacer dans l’eau semble limitée, ces poissons ont choisi une voie évolutive leur permettant de minimiser leur consommation d’énergie. Plutôt que d’utiliser la nage rapide pour échapper aux prédateurs ou chasser activement, ils ont privilégié des stratégies de camouflage et de déplacement au sol ou en s’accrochant à leur environnement. Leur mode de marche, souvent lent mais efficace, leur offre une meilleure conservation de leurs forces, tout en leur permettant de rester quasi invisibles dans leur habitat. Certains, comme l’Histiophryne psychedelica, optent pour des déplacements encore plus peculiers, en réalisant des bonds ou en roulant sur le fond, ce qui leur assure une mobilité adaptée à leur environnement complexe. En résumé, ces poissons illustrent que dans la nature, parfois, ramer ou nager peu vite peut être la meilleure stratégie pour survivre, surtout quand la rapidité n’est pas leur atout principal.