Souvent qualifié de fossile vivant, le cœlacanthe appartient à une famille de poissons qui existaient il y a plus de 350 millions d’années, bien avant l’ère des dinosaures. Capable de naviguer à des profondeurs pouvant atteindre 700 mètres, il se déplace prudemment à l’aide de nageoires lobées, qui se déplacent en alternance, évoquant la démarche d’un quadrupède. Ce mode de déplacement, unique parmi les espèces de poissons modernes, constitue une fenêtre sur la transition entre vie aquatique et vie terrestre. Le portrait de cette créature fascine autant les spécialistes en biologie que les chercheurs en paléontologie.
Quelle est la nature du cœlacanthe ?
Les cœlacanthes, ou cœlacanthiformes, font partie de l’ordre des sarcoptérygiens — des poissons à os dont les nageoires possèdent une structure spécifique. Cette catégorie englobe plusieurs sous-groupes aux caractéristiques propres, jouant un rôle fondamental dans l’évolution des vertébrés : leur morphologie de nageoires a été la base pour le développement de membres capables de soutenir le corps sur la terre ferme. Parmi eux, on distingue :
- Les cœlacanthes ;
- Les dipneustes, appelés également poissons pulmonés, qui peuvent respirer de l’air en complément de leurs branchies ;
- Les tétrapodes, incluant tous les vertébrés possédant quatre membres ou structures équivalentes (amphibiens, reptiles, oiseaux, mammifères, humains).
Actuellement, deux espèces vivantes de cœlacanthes ont été identifiées :
- Le cœlacanthe africain (Latimeria chalumnae), découvert en 1938 ;
- Le cœlacanthe indonésien (Latimeria menadoensis), identifié en 1997.
Comment la découverte du cœlacanthe a-t-elle été effectuée ?
Les premiers fossiles du cœlacanthe datent du Dévonien, une période s’étendant de -419 à -358 millions d’années, laissant penser que ces poissons auraient disparu avec l’extinction des dinosaures. Cependant, le 23 décembre 1938, un chalutier sud-africain, le Nerine, captura une créature étrange dans les eaux près de la rivière Chalumna, dans l’océan Indien. La biologiste locale Marjorie Courtenay-Latimer eut alors la surprise de constater un spécimen d’environ 1,5 mètre avec des nageoires épaisses et lobées, ainsi qu’une queue caractéristique, des traits jusqu’alors inconnus chez les poissons actuels. Elle fit immédiatement appel à J.L.B. Smith, un expert en poissons, qui reconnaît en lui un sarcoptérygien, proche des fossiles de cœlacanthes. La confirmation officielle arriva en 1939 : il s’agissait bel et bien d’un cœlacanthe. Depuis, d’autres individus ont été retrouvés, surtout dans les eaux autour des Comores et en Indonésie.
En quoi le cœlacanthe incarne-t-il un ancêtre des vertébrés ?
Ce fut une découverte remarquable que d’observer un cœlacanthe encore en vie au XXe siècle, représentant une des plus importantes révélations en zoologie. Considéré comme un fossile vivant, cet animal a survécu à quatre épisodes d’extinctions de masse. Il affiche des caractéristiques anatomiques et génétiques dérivées de poissons primitifs ayant quitté peu à peu l’eau il y a environ 393 millions d’années pour évoluer vers des formes terrestres appelées tétrapodes, premiers vertébrés à vivre sur la terre ferme. La structure des nageoires du cœlacanthe, comportant muscles et os, ressemble à celle de nos membres, ce qui laisse supposer qu’il est un ancêtre direct des membres capables de supporter le poids sur la terre.
À quoi ressemble le cœlacanthe ?
Ce poisson de grande taille peut atteindre 2 mètres de long pour un poids allant jusqu’à 100 kg. Si ses nageoires lobées, soutenues par des os, sont une de ses caractéristiques majeures, ses écailles épaisses, robustes et de forme cosmoïde, revêtent une substance semblable à la dentine, la cosmine. Sa robe bleue foncée à grisâtre lui confère un camouflage efficace dans les eaux profondes, avec une luminosité faible et une dominance des teintes bleues. Il possède un organe de stockage de gaz, vestige d’un poumon ancestral, permettant de réguler sa flottabilité. Sur sa tête, un rostre équipé d’un organe électro-récepteur lui sert à localiser ses proies avec précision.
Où évolue le cœlacanthe ?
La répartition de cette créature est très limitée et spécifique selon ses espèces :
- Le cœlacanthe africain ($\textit{Latimeria chalumnae}$) fréquente l’océan Indien occidental, notamment au large des côtes d’Afrique du Sud, des Comores, de Madagascar et de Tanzanie. Il réside dans des grottes sous-marines situées entre 150 et 700 mètres, dans un environnement à température stable et froide ;
- Le cœlacanthe indonésien ($\textit{Latimeria menadoensis}$) habite les eaux du Pacifique, particulièrement autour des îles de Sulawesi, en Indonésie, où il évolue également dans des cavernes rocheuses profondes.
De quoi se nourrit le cœlacanthe ?
C’est un prédateur carnivore qui se nourrit principalement de poissons de fond comme les poissons-lanternes, mais aussi de crustacés comme les crevettes et les crabes, ainsi que de céphalopodes tels que calmars ou seiches. Sa chasse nocturne se fait en restant immobile, appuyé sur ses nageoires, ou en se déplaçant lentement pour surprendre ses proies. Son articulation intracrânienne, une sorte de charnière, lui permet d’ouvrir sa bouche très largement pour aspirer sa nourriture, en générant un courant d’eau puissant. La mâchoire inférieure très mobile renforce cette capacité de projection pour capturer efficacement ses victimes.
Quel est le mode de vie du cœlacanthe ?
Le déplacement du cœlacanthe, à l’image d’un quadrupède terrestre, s’effectue de manière très lente grâce à ses nageoires lobées qui se déplacent alternativement. Son métabolisme, modéré, lui confère une vie calme et économes en énergie dans l’environnement des eaux profondes. Cependant, il reste capable de réagir rapidement en cas de danger. L’eau froide, comprise entre 15°C et 19°C, favorise ses activités, notamment la respiration grâce à un organe semblable à un poumon, basé sur une vessie natatoire, qui lui permet d’aspirer de l’air en surface en cas de besoin.
Comment le cœlacanthe se reproduit-il ?
Ce poisson est ovovivipare — ses œufs, de gros diamètre (environ 9 cm), éclosent à l’intérieur du corps de la mère, ce qui est exceptionnel chez les poissons. Les œufs, riches en vitellus, nourrissent l’embryon durant la gestation, qui peut durer plusieurs années. Des embryons de 5 ans ont été découverts dans le ventre d’une mère, illustrant la longévité exceptionnelle de sa période de gestation. À la naissance, les petits font environ 35 cm, sont parfaitement formés, et capables de nager et de se nourrir dès leur sortie. La maturité sexuelle est atteinte à des âges très avancés, entre 40 et 69 ans chez les mâles, et entre 58 et 66 ans chez les femelles, lorsque leur taille atteint environ 1,25 à 1,80 m.
Le cœlacanthe est-il en danger d’extinction ?
Grâce à sa taille et à son mode de vie discret, le cœlacanthe a peu de prédateurs naturels, à part certains requins et gros poissons de fond. Néanmoins, ses populations ont décliné, et il est aujourd’hui considéré comme en danger d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). La surpêche accidentelle, la destruction progressive de son habitat, ainsi que la pollution environnementale constituent des menaces majeures. La longue période de gestation du cœlacanthe accentue aussi sa vulnérabilité dans un contexte de pressions humaines croissantes.
La protection du cœlacanthe
Reconnu comme un fossile vivant exceptionnel, le cœlacanthe bénéficie d’un statut de protection international. Il est notamment inscrit à l’annexe I de la Convention de Washington (CITES), ce qui interdit toute commercialisation, sauf exception pour la recherche scientifique. En outre, dans ses régions de recoin, telles que l’Afrique et l’Indonésie, sa capture est strictement interdite, et des mesures sont prises pour préserver ses habitats. La coopération entre gouvernements et organisations internationales vise à réduire l’impact des activités humaines, telles que la pêche intensive ou l’exploitation pétrolière, afin de préserver cette espèce unique, qui peut atteindre un âge avancé, voire centenaire.