Grande alose : un poisson migrateur des rivières

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La grande alose arbore une apparence remarquable, avec une peau qui reflète des tons métallisés allant du bleu au vert, créant un contraste saisissant avec la teinte nacrée de son ventre. Originaire des eaux douces, elle migre progressivement vers la mer avant de remonter ses cours d’eau natals pour se reproduire. Ce poisson est une véritable voyageuse, parcourant de longues distances dans un périple difficile, dont la majorité ne revient pas de cette aventure épuisante.

À proprement parler, qui est la grande alose ?

Appartenant à la famille des clupéidés, la grande alose (ou Alosa alosa) partage cette famille avec des espèces comme le hareng ou la sardine. On la désigne aussi sous divers noms, tels que l’alose vraie, alose commune, allache, coulac ou sabre. Ce poisson de grande envergure — évoluant aussi bien en eaux douces qu’en milieu marin — ne montre que peu de différences visibles entre les sexes, à l’exception du fait que les femelles sont proportionnellement plus grandes et plus lourdes que les mâles. Sa taille peut varier entre 50 et 60 cm, pouvant atteindre jusqu’à 70 cm, pour un poids moyen d’environ 1,6 kilogramme.

Comment distinguer la grande alose ?

Son corps allongé, fusiforme, présente une légère compression sur les côtés, avec une courbure douce sur le dos. La tête, large et aplatie, se termine par une bouche supérieure, orientée vers le haut, idéale pour saisir les proies en surface. Cette bouche triangulaire, fine et dépourvue de dents visibles, lui confère une silhouette caracteristique. Les yeux sont protégés par une membrane nictitante, une paupière supplémentaire qui humidifie et protège l’œil. La nageoire dorsale dispose d’une vingtaine de rayons souples, tandis que la caudale est largement échancrée. Les écailles, grandes et brillantes, ont une bordure presque coupante au niveau du ventre. La coloration du dos oscille entre le bleu et le vert, alors que les flancs et le ventre présentent un éclat argenté. Parfois, on observe une tache noire importante située derrière l’opercule, accompagnée de petites taches additionnelles.

Où peut-on observer la grande alose ?

En phase adulte, ce poisson évolue principalement en mer, dans les couches pélagiques situées entre 70 et 300 mètres de profondeur. Les jeunes individus, quant à eux, restent proches des côtes et des estuaires jusqu’à ce qu’ils atteignent leur maturité. Elle est présente dans les eaux du nord-est de l’Atlantique, depuis le sud de la Norvège jusqu’aux côtes de la Mauritanie, incluant la Baltique, la mer du Nord, la Manche, et potentiellement la Méditerranée occidentale. La majorité de la reproduction se déroule en rivière ou en eau douce, notamment dans des bassins comme la Garonne, la Dordogne, la Loire, l’Adour-Gaves et la Charente, sans oublier quelques petits cours d’eau en Bretagne et en Normandie.

Quelle alimentation privilégie la grande alose ?

Cette espèce est extrêmement adaptable dans ses repas, capable d’ingérer une vaste gamme de nourriture. Elle se nourrit principalement de micro-organismes en suspension dans l’eau, ce qui en fait un planctonivore. Au début de sa vie, dans les eaux douces, ses jeunes consomment surtout des algues, puis évoluent vers le zooplancton, les larves d’insectes, et les vers de vase. En mer, elle devient principalement carnivore, se nourrissant de microcrustacés comme les copépodes, des larves de crustacés, de céphalopodes (comme les seiches et les calamars), ainsi que de petits poissons comme les alevins. Notre grande alose peut atteindre un stade piscivore, se plaçant alors au sommet de la chaîne alimentaire. Lorsqu’elle revient en eaux douces pour frayer, elle cesse de s’alimenter.

Pourquoi la grande alose migre-t-elle en eau douce pour se reproduire ?

Ce poisson appartient à la catégorie des migrateurs appelés migrateurs anadromes : il naît en milieu d’eau douce, se développe en milieu marin, puis retourne à ses lieux de naissance pour se reproduire. Au début du printemps, il entame une longue traversée pouvant atteindre 600 kilomètres pour atteindre ses zones de frai. La remontée vers son endroit d’origine est essentielle pour assurer la reproduction. La zone de reproduction idéale dispose d’un lit de graviers, délimité en amont par une dépression et en aval par une zone à forte courant peu profonde. La ponte se déroule sur un substrat caillouteux, où sont déposés les œufs. Après la reproduction, les jeunes commencent leur développement à environ 50 cm de profondeur.

Les risques de la migration de la grande alose

Ce périple migratoire est semé d’obstacles. La faiblesse relative de sa nage par rapport à d’autres migrateurs, combinée à son incapacité à sauter, rend la traversée périlleuse. Si le niveau de l’eau est trop bas ou si des barrages empêchent la remontée, la majorité de ces poissons ne parviennent pas à atteindre leurs zones de reproduction. La construction de barrages hydroélectriques, notamment au XIXe et XXe siècle, a considérablement limité leur habitat. Leur comportement grégaire — la migration en grands groupes — est vital pour leur survie, mais cette même caractéristique accentue leur vulnérabilité. La fatigue, la difficulté à trouver de la nourriture, et les obstacles physiques entraînent une mortalité massive après la reproduction. En outre, cette espèce est classée comme sémelpare, ce qui signifie qu’elle ne se reproduit qu’une seule fois dans sa vie avant de mourir.

Comment la grande alose se reproduit-elle ?

La reproduction a lieu de nuit, lors d’une parade nuptiale bruyante où les poissons se forment en cercles en frappant la surface de l’eau avec leur queue, produisant un bruit pouvant atteindre 50 décibels. Ce comportement, appelé « Bull », permet la fécondation : la femelle, fortement fécondée, libère entre 100 000 et 250 000 œufs par kilogramme de poids. Ces œufs, minuscules, se déposent dans le gravier, à une profondeur d’environ 50 cm, pour les protéger des prédateurs. La température de l’eau doit être d’au moins 17 °C pour assurer leur incubation, qui s’étale de 4 à 8 jours.

De quoi dépend la réussite de la première étape de vie, appelée avalaison ?

Après 15 à 20 jours, les larves éclosent, se transforment en petits aloses nommés alosons, et restent à proximité des zones de frai pour poursuivre leur croissance. En 1 à 2 mois, ces jeunes poissons forment des bancs pour descendre vers l’océan lors de la dévalaison, qui débute en été et dure plusieurs mois. Leur premier hiver s’effectue en milieu marin, où ils poursuivent leur développement jusqu’à atteindre la maturité sexuelle, généralement vers 4 ans pour les mâles et 5 ans pour les femelles. C’est alors qu’ils entament leur migration en sens inverse pour se reproduire à nouveau.

La situation de la grande alose est-elle préoccupante ?

Les obstacles liés à la construction de barrages, combinés à la surexploitation par la pêche commerciale, ont fortement réduit ses populations. Depuis les années 1990, des mesures ont été introduites pour améliorer leur passage, comme l’installation d’ascenseurs à poissons sur certains barrages. Cependant, la grande alose reste vulnérable face à la pollution, à la navigation intensive, à la modification des cours d’eau, à l’extraction de granulats, et à tout obstacle entravant sa migration vers ses zones de reproduction. Ces facteurs contribuent à la raréfaction de cette espèce.

La grande alose : une espèce sous protection

Suite à une forte décroissance au fil des décennies, la grande alose est aujourd’hui considérée comme en danger critique d’extinction selon la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Elle bénéficie d’un statut de protection sur tout le territoire français, conformément à un arrêté datant du 8 décembre 1988, qui interdit la destruction de ses œufs et la dégradation de ses habitats, notamment ses sites de reproduction. Au niveau européen, elle figure sur l’annexe III de la convention de Berne, laquelle réglemente son exploitation, ainsi que sur les annexes II et V de la Directive habitats-faune-flore.

Crédit photo : Hans Hillewaert