Privée de nageoires pelviennes, l’anguille évoque la forme d’un serpent grâce à son corps allongé. Ce poisson possède une particularité remarquable : il évolue en eaux douces, mais se rend en mer pour se reproduire. Explorons ensemble le parcours de l’anguille lors de sa longue odyssée.
Présentation de l’anguille
Le terme « anguille » désigne plusieurs espèces de poissons à la silhouette élancée, dépourvus de nageoires pelviennes. Parmi celles-ci figurent l’anguille abyssale, l’anguille électrique, l’anguille d’Amérique, celle des sources ou encore l’anguille épineuse. En France, l’espèce la plus rencontrée est l’anguille d’Europe, aussi appelée anguille commune (Anguilla Anguilla). Elle grandit dans les eaux douces, avant de migrant vers la mer pour se reproduire, ce qui lui confère un mode de vie diadrome ou amphibiotique. Sa forme évoque celle d’un serpent, d’où son nom, qui vient du latin anguis, signifiant serpent.
Description de l’anguille
La morphologie de l’anguille rappelle celle d’un serpent, avec un corps recouvert de petites écailles et un mucus qui la rend très visqueuse, compliquant sa capture. Ses longues nageoires dorsale et ventrale fusionnent derrière la tête en une seule, s’étendant jusqu’à la queue, et elles se situent derrière les nageoires pectorales, typiques de la famille des Anguillidés. La coloration varie selon sa phase : chez les jeunes, son dos est brun-vert et son ventre jaune, on parle alors d’anguille jaune. Lorsqu’elle se prépare à migrer, elle adopte une teinte plus sombre avec un dos noirâtre et un ventre argenté, nommée anguille argentée. La mâchoire inférieure dépasse légèrement, tandis que ses narines tubulaires facilitent sa recherche de nourriture. La taille de l’anguille d’Europe varie entre 40 et 150 cm, pouvant peser jusqu’à 6 kg, avec une taille généralement plus importante chez les femelles.
Distribution en mer
L’étendue géographique de l’anguille d’Europe s’étend du nord jusqu’au sud : de l’Islande et la Laponie, jusqu’au Maroc et aux îles Canaries. Pour accomplir sa reproduction, elle doit atteindre les eaux de la mer. Pendant cette étape cruciale, son éventail de distribution englobe toutes les côtes de l’Atlantique Nord, allant de la Floride au Groenland, et du Sénégal à la Scandinavie, en passant par la Méditerranée et la mer Noire.
Milieu de vie
Adaptable, l’anguille peut évoluer dans un large éventail d’habitats aquatiques, grâce à ses facultés d’euryhalinité. Elle colonise lagunes, marais littoraux, estuaires et sources fluviales qui se déversent dans l’Atlantique ou la Méditerranée. Toutefois, elle privilégie souvent les eaux calmes, saumâtres ou douces, peu profondes, où elle s’enfouit dans les fonds sablo-vaseux. On la trouve aussi à plus de 1000 mètres d’altitude dans les rivières peu rapides, où la température reste fraîche et ne concerne pas uniquement les zones proches des côtes.
Migration et cycle de reproduction
Lorsqu’elle se prépare à se reproduire, l’anguille d’Europe entreprend un voyage lointain vers la mer des Sargasses, lieu où elle terminera sa vie. La traversée peut durer entre six mois et plus d’un an, parcourant des milliers de kilomètres. La zone de reproduction se situe dans des eaux à faible courant, proches du Gulf Stream et du triangle des Bermudes, où la température et la salinité sont compatibles avec la ponte. Les anguilles y déposent leurs œufs à environ 500 mètres de profondeur, au-dessus des fonds abyssaux situés à 6 000-7 000 mètres.
Phases de développement
La vie de l’anguille comprend cinq principales étapes de transformation :
- Les œufs donnent naissance à des larves plates et translucides, appelées leptocéphales, qui dérivent pendant environ un an dans l’Atlantique Nord en direction des côtes européennes ;
- À leur arrivée en estuaires, ces larves se métamorphosent en civelles, dont le corps s’affine notamment à la tête et à la queue, et migrent en eaux douces pour se nourrir et continuer leur croissance ;
- En remontant les rivières, elles deviennent des anguilles juvéniles, aussi appelées anguillettes ;
- Une fois en eau douce, leur coloration change rapidement : le dos devient brun olive, le ventre jaune, et elles acquièrent le nom d’anguilles jaunes. Celles-ci restent sédentaires en moyenne une décennie ;
- Lors de leur voyage de retour pour la reproduction, elles subissent de nouvelles transformations : peau plus épaisse, teinte sombre et reflets argentés sur les flancs et le ventre, aboutissant à l’état d’anguille argentée.
alimentation
L’anguille se nourrit principalement de proies variées, selon qu’elle évolue en mer ou en eau douce. C’est un carnivore opportuniste, capable d’utiliser son odorat très développé pour traquer ses renseignements nocturnes. En milieu marin, ses repas favoris sont des petits crustacés, des vers marins, ainsi que divers poissons comme les gobies ou épinoches. Elle consomme également des gastéropodes et des bivalves tels que moules ou coques. En eaux douces, ses choix incluent larves et nymphes d’insectes, petits poissons comme la gardonne, ainsi que des vers de terre. Pendant sa croissance, elle peut engloutir chaque jour jusqu’à un quart de son poids afin d’accumuler de la graisse, nécessaire pour sa survie lors des périodes où les températures deviennent extrêmes ou qu’elle doit jeûner.
Prédateurs
Pendant sa phase larvaire, l’anguille fait face à une prédation intense de la part d’autres poissons carnassiers. Lorsqu’elle atteint les eaux continentales sous forme de civelles, elle est également la cible des grands poissons comme les brochets ou les sandres, tout comme des anguilles de grande taille. À l’âge adulte, elle devient une proie pour des prédateurs plus gros tels que les loutres ou les oiseaux piscivores comme les hérons et cormorans. Par ailleurs, la civelle est très prisée par les pêcheurs professionnels et amateurs.
Conservation
La vulnérabilité de l’anguille s’intensifie en raison de la surpêche, du braconnage, mais aussi des parasites qui la parasitent, des barrages qui entravent ses migrations ainsi que la pollution, notamment par les pesticides, qui nuit à sa fertilité et affaiblit ses défenses naturelles. Considérée comme en danger critique d’extinction, elle bénéficie d’un plan de gestion à l’échelle européenne visant à limiter ses mortalités. Les mesures engagées concernent la lutte contre la pêche illégale, un encadrement plus strict de la pêche, la réduction des pollutions, la restauration de ses habitats naturels et le repeuplement à partir de civelles récoltées. En moyenne, une anguille d’Europe peut vivre jusqu’à 50 ans.
Crédit photo : BMR & MAM