De nombreux amateurs de randonnées en montagne rêvent d’apercevoir cet oiseau exceptionnel, qui évolue en altitude et reste très discret. Son habilité à se camoufler repose en grande partie sur ses changements de pelage, réalisés à trois reprises chaque année, lui permettant de s’intégrer parfaitement à son environnement quelle que soit la saison. Découvrons ensemble comment il parvient à rester invisible grâce à ses capacités exceptionnelles de camouflage.
Deux variantes du lagopède alpin en France
Connu aussi sous les nom de perdrix des neiges ou jalabre, le lagopède alpin (Lagopus muta) appartient à la famille des tétraonidés, regroupant notamment le grand tétras, le tétras lyre et la gélinotte. Ce gallinacé d’environ 38 cm pour la longueur, avec une envergure située entre 55 et 66 cm, peut peser jusqu’à 750 grammes. Son corps robuste est doté de longues ailes arrondies. Chez les mâles comme chez les femelles, le bec est court et noir, avec des yeux sombres. Ses pattes et ses doigts sont recouverts d’emplumements pour faciliter leur déplacement dans la neige. En France, deux sous-espèces principales sont répertoriées :
- Lagopus muta helvetica, présente dans les Alpes ;
- Lagopus muta pyrenaica, qui habite les Pyrénées.
Le lagopède de neige, un oiseau à la robe immaculée
Alors que la majorité des oiseaux changent deux fois leur plumage chaque année, cet oiseau unique en son genre effectue trois mues annuelles, lui permettant d’adopter une coloration adaptée à chaque saison :
- En période hivernale, l’ensemble de sa plumée devient intégralement blanche, renforçant son surnom de perdrix des neiges, à l’exception des rectrices qui restent noires en toute saison ;
- Au printemps et en été, une partie du plumage, notamment le ventre et la bordure des ailes, garde son blanc, tandis que le reste du corps présente des teintes gris-brun, souvent tachetées de brun et de noir. La femelle présente un plumage plus rustique, alors que le mâle arbore une ligne noire partant du bec jusqu’à l’œil, ainsi qu’une caroncule rouge au-dessus de l’œil ;
- En automne, la coloration générale adopte une nuance grisâtre, ponctuée d’écailles blanches sur le dessus, tandis que le dessous demeure principalement blanc.
L’art du camouflage : l’homochromie
Grâce à sa capacité à changer de couleur selon la saison, le lagopède alpin est un maître du mimétisme. En été, ses teintes brunâtres se fondent dans le sol rocheux, en automne, il affiche un motif bicolore qui se confond avec la végétation sèche, et en hiver, sa robe entièrement blanche lui permet de disparaître dans la blancheur de la neige. Ce processus, appelé homochromie, sert principalement à échapper aux prédateurs. Cependant, les mâles mettent plus de temps à revenir à leur plumage blanc après l’hiver, ce qui peut augmenter leur risque de se faire repérer. Pendant cette période de transition, les femelles, elles, sont parfaitement camouflées, ayant déjà achevé leur mue.
Le lagopède alpin, un habitant des zones élevées
Avec le lagopède des saules (Lagopus lagopus), le lagopède alpin fait partie des deux tétraonidés présents à la fois en Amérique du Nord et en Europe, dans l’ancien et le nouveau continent. Sa répartition couvre tout l’hémisphère nord, notamment le Groenland, l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord. En Europe, il privilégie l’ensemble des régions nordiques, incluant la Grande-Bretagne, la Scandinavie, la Norvège, la Finlande, ainsi que les massifs alpins (français, suisses, italiens, autrichiens) et les Pyrénées. Selon la saison, il évolue à des altitudes comprises entre 1 800 et 3 000 mètres, jusqu’aux limites des glaciers. En Asie centrale, comme au Kirghizistan, il peut atteindre des altitudes supérieures à 5 000 mètres.
La température, un facteur clé de son habitat
En France, cet oiseau ne se rencontre qu’en haute altitude, dans les régions alpines et pyrénéennes. En hiver, il descend vers des zones plus protégées, souvent exposées au sud, où les éboulis et pentes dégagées par le vent laissent apparaître la végétation sous la couche de neige. Au printemps, il se répartit généralement entre 2 000 et 2 500 mètres, fréquentant les zones rocheuses, les pâturages dispersés, ou encore le fond des cirques glaciaires, où il construit ses nids. En été, il privilégie des sites où la température maximale ne dépasse pas 10 à 12 °C, car une chaleur trop intense peut entraîner un risque d’hyperthermie, une menace pour cet animal très sensible à la chaleur.
Son régime alimentaire, principalement végétarien
Le lagopède alpin se nourrit surtout de végétaux. Au printemps et en été, il consomme une grande variété de plantes comme des herbes, des fleurs, des bourgeons, ainsi que des baies, notamment les myrtilles et les airelles. Pendant la période hivernale, sa nourriture se limite souvent à des bourgeons, des rameaux de saules, des chatons de bouleau, ou d’autres brindilles émergentes de la neige. Les jeunes, eux, complètent leur alimentation avec des insectes, des araignées, des escargots et autres invertébrés, qui leur apportent les protéines essentielles à leur croissance rapide.
Formation de groupes et comportements reproducteurs
En dehors de la saison de reproduction, ces oiseaux se regroupent en petits clans, généralement composés de 10 à 20 individus, afin d’accroître leur sécurité face aux prédateurs. Les mâles et les femelles vivent dans des colonies séparées. À l’approche du printemps, ces groupes se dispersent, et les mâles choisissent des territoires qu’ils défendent par des démonstrations visuelles et sonores, comme des vols d’avertissement et des cris puissants.
Leur mode de reproduction : une monogamie »
Lorsqu’un mâle trouve une partenaire, il l’accompagne tout au long de la période d’incubation, puis la femelle assuma seule l’élevage des jeunes. Elle construit son nid à même le sol, sur un site rocheux, en utilisant de la végétation pour le camoufler. Elle dépose habituellement de 6 à 7 œufs, qu’elle couve environ trois semaines. Les oisillons, dès leur sortie du nid, sont capables de se déplacer, de se nourrir, et de voler en l’espace d’une dizaine de jours. D’abord insectivores, ils deviennent herbivores à l’automne. Leur indépendance complète intervient après environ 10 à 12 semaines.
Les menaces qui pèsent sur le lagopède alpin en France
Les principaux prédateurs naturels du lagopède alpin incluent le renard et l’aigle royal. Cependant, l’activité humaine représente aussi une menace importante : la construction et l’aménagement touristique en montagne provoquent la fragmentation de son habitat, avec la création de remontées mécaniques, de pistes de ski et de sentiers, ou encore l’expansion des pâturages. La chasse réglementée a permis de réduire certains prélèvements, mais le braconnage reste encore une problématique. La hausse des températures, conséquence du changement climatique, constitue une menace particulièrement grave : en nécessitant de monter toujours plus haut pour rester dans un environnement frais, le lagopède voit son espace vital se rétrécir. Cet ensemble de facteurs contribue à un déclin de ses populations dans certaines régions. La densité de l’espèce varie selon les zones, et elle n’est pas considérée comme en danger d’extinction sur l’ensemble de son aire de répartition. En France, il peut vivre jusqu’à 17 ans.