Depuis plusieurs décennies, la dégradation de certaines populations d’oiseaux en France, en Europe et à l’échelle mondiale suscite une inquiétude croissante, notamment parce que plusieurs espèces figurent désormais sur la liste rouge de l’UICN, indiquant qu’elles sont en voie d’extinction. Pouvez-vous imaginer les conséquences d’une disparition définitive de ces oiseaux pour la biodiversité ? Quelles en sont les principales causes, et est-il encore possible d’agir pour inverser cette tendance néfaste ?
Une tendance alarmante qui fragilise une multitude d’espèces ailées
Que ce soit pour nicher, hiverner ou simplement traverser notre territoire, de nombreuses espèces d’oiseaux sont aujourd’hui reconnues comme étant en danger critique ou menacées. Le rapport de 2021 du Muséum National d’Histoire Naturelle et de l’Office français de la biodiversité souligne une menace de disparition imminente pour environ 30 % de nos oiseaux communs. En particulier, les oiseaux qui se reproduisent sur place seraient parmi les plus concernés, en particulier en métropole et en Europe.
Les oiseaux reproducteurs en voie d’extinction
Plusieurs espèces d’oiseaux qui nichent et se reproduisent dans divers habitats tels que les marais, les îles, les forêts ou même en milieu urbain se trouvent aujourd’hui dans une situation critique. Leur déclin progressif, parfois rapide, a entraîné une perte pouvant atteindre un quart de leurs effectifs en seulement une décennie. Parmi eux, on compte notamment :
- Le pigeon ramier
- La perdrix grise
- Le harle huppé
- L’eider à duvet
- Le grèbe jougris
- Le pygargue à queue blanche
- La marouette poussin et la marouette de Baillon
- La grue cendrée
- La bécassine des Marais
- Les sterne de Dougall et arctique
- Le macareux moine
- Le pic tridactyle
- La mésange rémiz
- La pie-grièche à poitrine
- L’outarde canepetière
- Le pingouin torda
- Le ganga cata
- Le pétrel tempête
Par ailleurs, d’autres espèces non encore inscrites sur la liste rouge connaissent aussi une baisse préoccupante, telles que le butor étoilé, le courlis cendré, le grand Tétras, le faucon crécerellette, la sarcelle d’hiver, certains gravelots ou encore le balbuzard pêcheur.
Les oiseaux qui migrent ou ne nichent que ponctuellement sont également concernés ; par exemple, la colonie de moineaux triquets ou certaines mésanges voit leur nombre diminuer drastiquement. L’alouette des champs, elle aussi, est gravement impactée, qu’elle soit nicheuse ou migratrice.
Les espèces hivernantes en grand danger
Un autre groupe à risque, celui des oiseaux qui passent l’hiver dans l’Hexagone ou qui y font leur étape pour migrer, est également sous surveillance : l’UICN a identifié de nombreuses espèces en déclin, qu’il s’agisse d’oiseaux vivant en zones littorales ou dans nos zones agricoles. Parmi eux, on retrouve :
- l’oie de Toundra
- la bernache à ventre pâle
- le milan royal
- la spatule blanche
- la macreuse brune
- l’oie des moissons
Enfin, certains oiseaux de passage connaissent aussi une réduction sévère de leurs effectifs, comme le bruant ortolan, le labbe à longue queue, la cigogne noire, le pétrel-tempête ou le fameux coucou.
Les facteurs de cette chute inquiétante des oiseaux communs en France
Les causes de cette crise multiple touchant aussi bien les milieux urbains que ruraux sont nombreuses. En près de 40 ans, l’Europe aurait perdu 600 millions d’oiseaux, tandis qu’aux États-Unis, ce sont près de 3 milliards d’individus qui auraient disparu. En France, le déclin est tout aussi frappant : la population de moineaux domestiques a diminué de 75 % en seulement 13 ans. La diminution concerne surtout les zones agricoles ( –57 %), tandis que les forêts ont connu une baisse plus modérée ( –18 %). Les milieux urbains ne sont pas épargnés, avec une chute d’environ 28 %.
La diminution des sites de reproduction naturels
La croissance urbaine et la bétonisation limitent considérablement l’espace disponible pour la nidification, affectant des espèces comme les hirondelles ou les martins-pêcheurs. Dans les campagnes, la disparition de haies, la mécanisation excessive et la bétonisation des sols rendent plus difficile la recherche de sites de nidification ou d’aliments, particulièrement pour des espèces comme l’alouette des champs ou la perdrix. La raréfaction des insectes, indispensables à l’élevage des jeunes oiseaux, aggrave encore leur déclin.
Les changements climatiques comme facteur exacerbatif
Le réchauffement planétaire, principalement dû à des activités humaines, complique aussi la survie des oiseaux sensibles au froid. La reproduction, la ponte ou encore l’émergence des jeunes peuvent être compromise par des conditions climatiques inhabituelles. Par exemple, certains oiseaux migrateurs ou nicheurs voient leur cycle de reproduction désynchronisé ou perturbé, ce qui complique leur survie et leur dynamique démographique.
Les impacts de l’agriculture intensive
Après la Seconde Guerre mondiale, l’intensification agricole s’est accélérée, impactant considérablement les populations avicoles. La dépendance aux pesticides, aux engrais et à la mécanisation détruit non seulement l’habitat mais aussi la nourriture essentielle à de nombreux oiseaux insectivores. La diminution d’insectes, notamment, diminue la capacité de reproduction des oiseaux qui en dépendent, comme les gobemouches ou les moineaux. Des études sur 37 années montrent comment l’agriculture moderne provoque la chute de ces populations, avec l’utilisation accrue de produits toxiques ayant des effets délétères de façon directe ou indirecte.
Les pesticides, une menace à long terme pour l’avi-faune
Chaque année, des millions de tonnes de pesticides sont déversées dans le cadre de l’agriculture intensive, contaminant également les habitats naturels. Ces substances toxiques, ingérées involontairement par les oiseaux, provoquent une baisse de leur nombre. L’utilisation de produits comme la bromadiolone, qui est toxique pour les prédateurs comme les rapaces, ou les néonicotinoïdes, interdits depuis 2018 mais toujours présents dans l’environnement, contribue grandement à leur déclin. De plus, les traitements vétérinaires administrés aux animaux d’élevage peuvent aussi causer des effets indésirables chez la faune avicole consuming ces excréments ou résidus.
Les pesticides endommagent aussi le foie, le cerveau, perturbent la reproduction et affectent la fertilité. Des molécules telles que le DDT, interdit depuis plusieurs décennies, laissent encore des traces dans l’environnement. L’imidaclopride, enrobant certaines semences, a été retrouvé dans le pollen et le nectar, impactant directement les insectes pollinisateurs mais aussi leur chaîne alimentaire, comprenant les oiseaux.
Quelle démarche pour sauvegarder la biodiversité avicole dans nos territoires ?
Face à la forte diminution du nombre d’oiseaux chaque année, protéger les espaces naturels devient une priorité. La création de zones de refuge où ces espèces pourraient s’épanouir serait essentielle, d’autant que leur capacité d’adaptation face au changement climatique est limitée. La perte d’habitat, liée à l’urbanisation ou à la modernisation agricole, pourrait laisser un vide difficile à combler pour ces oiseaux à longue adaptation. Leur rôle dans la régulation des insectes et leur participation à l’équilibre écologique est crucial. Dans les milieux urbains, il est urgent de préserver ou de restaurer des habitats avec des arbres, des haies ou des zones sauvages, tout en réduisant l’usage des pesticides, la pollution lumineuse et l’étalement urbain.
Des actions à petite échelle, telles que l’aménagement de nichoirs ou la mise en place de corridors écologiques, ont déjà montré leur efficacité. Cependant, une stratégie globale impliquant la régulation de la chasse, la lutte contre le braconnage, la réduction des pesticides et une agriculture respectueuse de l’environnement offrirait une réelle chance de préserver notre patrimoine aviaire. Promouvoir une agriculture durable, d’abord en limitant ou en supprimant l’usage des produits toxiques, constitue une étape essentielle. Enfin, il est nécessaire d’encadrer de façon stricte l’usage des substances chimiques pour limiter leur impact à long terme, notamment en contrôlant leur résorption dans le sol ou la chaîne alimentaire.