Les chauves-souris occupent une place particulière dans la faune, tout en jouant des rôles essentiels dans leurs habitats. Voilées de mystère, elles demeurent largement méconnues du grand public, notamment en ce qui concerne leur mode de reproduction, qui reste souvent méconnu. Cet article vise à éclaircir ce sujet, en vous dévoilant notamment comment ces mammifères donnent naissance à leurs jeunes.
Maturité sexuelle des chauves-souris
Atteindre la capacité reproductive marque un moment clé dans le développement de tout animal. Chez les chauves-souris, cette étape varie considérablement selon l’espèce et leur environnement. Bien que peu de personnes réalisent combien la diversité de cette famille est grande, on estime qu’il en existe environ 1400 à travers le monde, réparties en plusieurs dizaines de genres. En Europe, seules une trentaine d’espèces vivent en liberté.
Pour la majorité des chauves-souris, la maturité sexuelle intervient généralement entre leur première et troisième année de vie. Par exemple, la pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus), que l’on rencontre facilement en France, peut vivre plus de 17 ans, et ses femelles atteignent souvent la maturité dès leur premier été. La chauve-souris égyptienne de taille moyenne, connue sous le nom de Rousettus aegyptiacus, en Afrique du Nord, devient capable de se reproduire dès neuf mois. Quant au grand rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum), sa maturité est atteinte généralement entre deux et trois ans. Il est important de noter que mâles et femelles ne deviennent pas toujours sexuellement actifs simultanément.
Cycle reproductif des chauves-souris
Chez la majorité des espèces, la période de reproduction est saisonnière, souvent calquée sur la disponibilité alimentaire. Dans les régions tempérées, cette saison se concentre généralement en automne, période où les chauves-souris qui restent sur le territoire se regroupent. Pendant l’hiver, elles entrent en hibernation pour échapper au froid.
Les mâles et les femelles ne vivent pas conjointement durant toute la saison estivale. La rencontre pour l’accouplement a lieu à l’approche de l’hiver, juste avant leur période d’hibernation. Le processus d’accouplement est souvent non exclusif, caractérisé par une relation de promiscuité. Les partenaires sélectionnés ne sont pas forcément choisis pour leur qualité, mais plutôt par proximité. Ainsi, un mâle tend à s’accoupler avec la femelle la plus accessible.
Certaines espèces migrent à la recherche de conditions plus favorables lors des mois froids. Leur migration suit souvent un axe nord-est versus sud-ouest, pouvant couvrir plusieurs centaines ou même 2000 kilomètres. Ces chauves-souris aux ailes longues et effilées sont adaptées à un vol rapide et précis, notamment pour traverser la canopée, comme le démontrent les noctules.
Les stratégies migratoires influencent leur mode de reproduction. Les espèces qui migrent ont tendance à produire deux portées par an, en raison du temps limité disponible pour la reproduction et la croissance. En revanche, celles qui hibernent généralement n’élèvent qu’une seule nichée, à l’exception de rares cas de naissance gémellaire, comme chez certaines pipistrelles ou noctules. La fréquence de reproduction plus élevée peut représenter une réponse à leur forte mortalité liée à leur migration.
Malgré cette compréhension, beaucoup de questions restent sans réponse, tant ces animaux hésitent encore à se laisser étudier en profondeur.
Fécondation
Chez les espèces que nous connaissons le mieux vivant dans nos régions, l’accouplement survient généralement en automne. Cependant, l’embryon ne commence à se développer qu’après la période d’hibernation. Les femelles stockent le sperme jusqu’à la fin de leur torpeur hivernale, puis la fécondation s’ensuit, déclenchant la gestation. La naissance intervient ainsi en début d’été, lorsque la nourriture est en abondance.
Ce mode de reproduction présente certains inconvénients. La longévité importante (certaines chauves-souris pouvant vivre une cinquantaine d’années) couplée à une faible fécondité permet à ces mammifères de survivre face aux aléas climatiques, mais cela limite leur capacité à renouveler rapidement leurs populations. Ainsi, une forte mortalité soudaine chez une majorité d’individus complique leur récupération. C’est pour cette raison que les chauves-souris sont particulièrement vulnérables face aux menaces telles que la destruction des habitats, l’utilisation d’insecticides ou la contamination par des métaux lourds.
La durée de gestation varie selon les espèces. En général, elle s’étend entre 40 et 60 jours, mais certaines comme la roussette de Malaisie (Pteropus vampyrus), mammifère de grande taille en Asie du Sud-Est, peuvent connaître des périodes de gestation allant jusqu’à 192 jours. La roussette noire (Pteropus niger), propre à l’archipel des Mascareignes, a une période de gestation d’environ 150 jours, correspondante à une grande taille et une alimentation principalement fruitivore.
soins parentaux et croissance des petits
Pour donner naissance à leurs jeunes, la majorité des chauves-souris se rassemblent en colonies exclusivement composées de femelles. Ces colonies offrent une protection contre les prédateurs et assurent un environnement stable, indispensable pour la croissance saine des nouveau-nés.
À la naissance, le nouveau-né est suspendu à la voûte de la grotte, accroché par ses pattes, et ses ailes sont encore inaptes au vol. La mère le maintient, puis avec le temps, le petit, qui naît sans poils ni yeux ouverts, apprend à ramper durant ses premières semaines. Son développement accélère rapidement : en quelques semaines, il peut gagner plusieurs fois son poids initial.
Seules les femelles prennent en charge l’élevage des jeunes. Elles possèdent deux mamelles et allaitent leur progéniture. Lorsqu’elles doivent chasser ou quitter la colonie, elles confient parfois leur bébé à une autre femelle, la reconnaissance se faisant par l’odeur. La plupart des jeunes deviennent autonomes vers l’âge de six semaines ou quelques mois, selon les espèces.
Une particularité surprenante concerne le murin de Bechstein (Myotis bechsteinii), qui manifeste une capacité de régulation des naissances. En période difficile, marqué par un manque de nourriture ou des perturbations, les femelles dominantes semblent coopérer pour faire en sorte que seules quelques-unes élèvent leur petite, tandis que les autres se voient interrompues dans leur gestation par une enzyme naturelle, favorisant ainsi l’avortement.
Le monde des chauves-souris reste encore largement mystérieux, en raison de la diversité de leurs comportements. Certaines espèces risquent de disparaître sans que l’on ait compris pleinement leur mode de vie. Face aux nombreux dangers qui les menacent, il est crucial de mieux connaître ces mammifères pour pouvoir mettre en place des mesures de conservation efficaces. Espérons que nos publications encouragent la recherche et éveillent la curiosité des jeunes générations, pour qu’un jour, davantage de scientifiques s’intéressent à leur destin.