Pour certains visiteurs venus aux Philippines, l’observation d’une silhouette suspendue dans l’obscurité a pu provoquer une vive surprise : enveloppée d’un drap sombre, cette forme étrange, suspendue par ses pattes, ne semblait pas être une véritable chauve-souris, mais plutôt un déguisement géant. La taille impressionnante de cet animal peut même susciter une certaine crainte, tant nous avons tendance à croiser en Europe de petits spécimens. Afin de réduire cette appréhension et mieux comprendre cette créature hors norme, voici une présentation détaillée.
Une particularité exclusive aux Philippines
Le Renard volant venant des Philippines est une espèce endémique, présente uniquement dans certaines zones des îles du pays, plus précisément dans la province de Sarangani. Bien que l’on trouve des chauves-souris portant le même nom dans d’autres régions du monde, comme Madagascar ou l’Australie, il s’agit d’espèces distinctes. L’espèce locale, désignée par le nom scientifique Acerodon jubatus, est différente de celles que l’on retrouve à Madagascar (Pteropus rufus) ou en Australie (Pteropus poliocephalus).
Le genre Acerodon rassemble plusieurs chauves-souris présentes dans les archipels philippins et indonésiens, notamment dans certaines îles de l’archipel Talaud, Sulawesi et les petites îles de la Sonde. Le spécimen Acerodon jubatus se distingue par un pelage sombre, avec une tête aux teintes jaune orangé, ainsi que des épaules jaunâtres. La membrane de ses ailes affiche une coloration allant du brun foncé au noir.
Le Pteropus rufus possède également un pelage sombre, agrémenté de larges zones jaunâtres qui recouvrent le cou, le sommet de la tête et la partie inférieure du corps. Son museau est noir, alors que le Pteropus poliocephalus, quant à lui, se reconnaît principalement à sa tête grisâtre. Toutes ces chauves-souris partagent une silhouette caractéristique, avec un long museau et des oreilles pointues évoquant celles des canidés, ce qui explique leur nom populaire de « Renard ».
Les dimensions concrètes de Acerodon jubatus
Les images souvent relayées dans les médias jouent parfois sur la perspective pour exagérer la taille réelle de cette chauve-souris. Bien que son envergure puisse atteindre 1,50 m, la longueur de son corps n’excède pas 50 cm pour un poids d’environ 1,2 kg. Les photographies manipulées donnent souvent l’impression que la bête est beaucoup plus grande qu’elle ne l’est en réalité en plaçant une personne en arrière-plan pour accentuer cet effet.
Alors, est-ce la plus grande chauve-souris au monde ? Cela dépend de la façon dont on regarde la question. La Pteropus vampyrus, appelée aussi Kalong en Malaisie ou Grand Renard volant, partage cette réputation, puisque sa envergure peut aller jusqu’à 1,70 m et son poids dépasser 1,5 kg. Cependant, en longueur du corps, le Renard volant des Philippines excède cette espèce, mesurant environ 40 cm, contre 40-50 cm pour le Kalong.
Pour donner une autre référence, la chauve-souris la plus petite, la Sérotine commune (Eptesicus serotinus), ne dépasse pas 9 cm en taille, avec une envergure comprise entre 31 et 38 cm, pour un poids léger de 18 à 35 grammes.
Habitat et régime alimentaire du Renard volant des Philippines
Ce Renard volant évolue principalement dans la forêt primaire, pouvant atteindre des altitudes de 1 100 mètres. Il est aussi rencontré dans des environnements variés comme les mangroves, les forêts de bambous ou encore les zones marécageuses. En colonies pouvant compter jusqu’à 5 000 individus, ces chauves-souris cohabitent parfois avec d’autres espèces du genre Pteropus.
Spécifiquement frugivore, Acerodon jubatus se nourrit principalement de fruits du genre Ficus. Son rôle écologique est vital, car il contribue à dispersion des graines et à la régénération des écosystèmes végétaux. La chauve-souris Pteropus vampyrus joue un rôle similaire, car elle partage également ce régime alimentaire frugivore.
Les grandes distinctions entre mégachiroptères et microchiroptères
Jusqu’au début des années 2000, les chauves-souris étaient classifiées en deux grands groupes : les mégachiroptères (de grande taille) et les microchiroptères (de petite taille). Cependant, cette distinction avait ses limites, car la plus petite chauve-souris du premier groupe, Syconycteris australis, ne mesurait que 12 à 15 cm d’envergure, bien plus petite que la Sérotine mentionnée précédemment. La classification a été refaite avec l’avancée des recherches génétiques qui ont permis de mieux distinguer ces groupes. Aujourd’hui, on utilise toujours deux catégories, mais les noms ont changé : on parle désormais d’yinpterochiroptères (qui regroupent les mégachiroptères et certains microchiroptères) et d’yangochiroptères (les microchiroptères restants). La diffusion de cette terminologie est encore limitée.
Quant au Acerodon jubatus, il appartient au groupe des mégachiroptères, tout comme ses congénères plus imposants. Comme toutes les chauves-souris, il possède un patagium, une membrane de peau fine et souple permettant le vol. Chez ces mammifères, cette membrane peut aussi envelopper le corps ou soutenir le petit lors de la naissance. Elle est alimentée par un système musculaire favorisant la circulation sanguine à sa surface.
Les différences entre les deux groupes résident également dans leur mode d’utilisation de l’écholocation : les mégachiroptères, généralement frugivores, se reposent davantage sur leur vue. En revanche, la majorité des microchiroptères, surtout insectivores, utilisent l’écholocation combinée à d’autres sens pour chasser leurs proies.
Les chauves-souris face au Coronavirus
Malgré les théories évoquant une origine animale du virus SRAS-CoV-2, il n’existe pas encore de preuve définitive que les animaux puissent en être une source directe de transmission aux humains. La pandémie actuelle est principalement expliquée par la circulation du virus entre êtres humains et la contamination par surfaces infectées.
Cependant, les chauves-souris sont souvent mentionnées car le SRAS-CoV-2 partage des similitudes avec des coronavirus naturellement présents chez certaines populations de roussettes, notamment en Europe, en Afrique, en Asie ou en Australie. Ces animaux sont ainsi considérés dans certains scénarios comme des réservoirs potentiels de virus, mais le lien direct avec la transmission humaine reste à confirmer.
Prendre des précautions, comme éviter tout contact avec ces mammifères sauvages, reste recommandé, conformément aux conseils de sécurité sanitaire, même en dehors d’un contexte de pandémie.
Une nécessité de préserver la biodiversité
Les espèces animales peuvent entrer en compétition avec l’homme et leur survie est souvent menacée par les activités humaines. Le Renard volant des Philippines est actuellement classé en voie d’extinction, principalement à cause du braconnage et de la destruction de son habitat naturel. En janvier 2020, une chaleur extrême a causé la mort de milliers d’individus sur l’île d’Australie. Sur l’île Maurice, des campagnes d’abattage destinées à contrôler la semaison du fruit de la litchi ont également impacté cette chauve-souris endémique. Pourtant, des chercheurs ont souligné que des mesures plus rationnelles, telles que la mise en place de filets pour protéger les cultures, auraient pu suffire, évitant ainsi des massacres inutiles et injustifiés.
Comme toutes les autres formes de vie, les chauves-souris jouent un rôle essentiel dans le maintien des équilibres écologiques. Malgré leur mauvaise réputation et leur rejet social, il est crucial de contribuer à leur protection, afin de préserver la biodiversité et la santé des écosystèmes dans lesquels elles évoluent.