Les sangliers radioactifs : vérité ou fiction ?

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La réalité dépasse souvent l’imagination : des animaux comme les sangliers ont été détectés avec des niveaux de radioactivité inattendus. Ce phénomène a conduit certains chercheurs à parler du « paradoxe du sanglier », une situation peu courante et encore mal comprise. L’article explore les causes possibles de cette radioactivité, en se concentrant sur ce qui peut expliquer sa présence chez ces animaux sans faire d’amalgames avec d’autres espèces ou événements.

Radioactivité et nucléaire : un lien historique

Le désastre de Tchernobyl, qui a provoqué la mort de milliers d’individus selon les estimations, reste le pire accident nucléaire jamais survenu. Située dans le nord de l’Ukraine, cette zone a été gravement touchée par une explosion ayant libéré une immense quantité de radiations. La végétation locale, notamment les conifères, a été gravement affectée, ce qui a contribué à l’émergence de paysages tristement célèbres, tels que la « forêt rouge » en raison du brunissement des feuillages. La faune a été drastiquement réduite, peu d’animaux ayant survécu dans cette zone hautement contaminée.

Ce contexte environnemental a souvent été associé à la présence de sangliers radioactifs, notamment en Bavière, où la contamination semblait provenir directement de la catastrophe nucléaire russe. Cependant, des investigations plus approfondies ont permis de remettre en question cette simple corrélation.

Comprendre la chimie pour saisir le problème

Chez certains sangliers du sud de l’Allemagne, la concentration de radioactivité dépasse celle de nombreuses autres espèces, ce qui alimente le mystère. Après Tchernobyl, on observait une baisse progressive de la contamination chez des animaux comme les cerfs ou les chevreuils, conforme aux lois de la radioactivité. Pourtant, chez ces sangliers, les taux de radiation restent étonnamment élevés et ne diminuent pas avec le temps, dépassant même les limites légales acceptables.

En chimie, on définit les isotopes comme des variantes d’un même élément chimique, partageant le même nombre de protons mais ayant un nombre différent de neutrons. Cela leur confère des masses distinctes. Le césium, utilisé dans la technologie nucléaire, possède une multitude d’isotopes. Le seul isotope stable de cet élément est le césium 133, tandis que le césium 137 est un isotope radioactif très dangereux, dont la demi-vie d’environ 30 ans implique qu’il persiste longtemps dans l’environnement. Or, dans la viande de sanglier bavarois, la constance des niveaux de radioactivité, même après plusieurs décennies, soulève des questions.

Le paradoxe du sanglier : quelles explications ?

Pour démêler cette énigme, des études de terrain ont été réalisées, analysant tant les tissus animaux que les sols alentour des centrales nucléaires. Ces recherches n’ont pas permis de détecter une contamination radioactive significative, ce qui a conduit à la relativisation du phénomène, certains le considérant même comme un mythe. Cependant, une recherche plus récente indique que la majorité des sangliers contiennent du césium 135, un isotope difficile à distinguer, qui possède une demi-vie plus longue et pourrait expliquer la persistance des niveaux de radiations.

Ce phénomène est interprété comme la trace d’événements antérieurs à Tchernobyl, notamment les essais d’armes nucléaires réalisés dans les années 1960. La voie principale d’accumulation de cette contamination est via l’alimentation des sangliers : ils se nourrissent de truffes, ces champignons souterrains qui absorbent lentement le césium, accumulant ainsi des éléments radioactifs sur le long terme. En conséquence, ils hébergent cette radioactivité bien après la période initiale de danger, notamment grâce à leur alimentation spécifique.

Le mouvement du césium dans le sol est très lent, à une vitesse d’environ un millimètre par an, ce qui explique pourquoi ces champignons à une profondeur comprise entre 20 et 40 centimètres peuvent continuer à accumuler du césium libéré par des événements passés.

Une zone de refuge inattendue pour la biodiversité

Souvent perçue comme une région glacée à cause des radiations persistantes, la zone de Tchernobyl abrite en réalité une diversité remarquable d’animaux sauvages, comme des ours, des bisons, des loups, des lynx, des chevaux de Przewalski et plus de 200 espèces d’oiseaux. La faune y a montré une étonnante résilience face aux effets du rayonnement, avec des adaptations biologiques observées chez différentes espèces. Certains insectes ont des durées de vie plus courtes ou des systèmes immunitaires modifiés, tandis que les animaux albinos deviennent plus fréquents.

Il faut noter que de nombreuses mutations observées chez des animaux comme les sangliers sont naturelles et n’ont pas forcément de lien avec la contamination radioactive. Par ailleurs, des zones de plus de 2200 km² en Ukraine et 2600 km² dans le sud du Bélarus sont déclarées impropres à la vie humaine, mais ces espaces deviennent des habitats favorables pour la faune, notamment lors des confinements liés à l’épidémie de Covid-19, où la présence humaine diminue souvent au profit des animaux.

Des espèces comme les chevaux de Przewalski, réintroduits en 1998, ont connu une progression importante dans ces territoires, témoignant de la capacité de la nature à retrouver un équilibre même dans des zones longtemps contaminées.

Les sangliers radioactifs, donc, existent bel et bien. Leur étude permet de mieux comprendre comment la faune évolue dans un environnement marqué par la radioactivité, soulignant l’importance d’échapper aux récits alarmistes et d’appuyer nos conclusions sur des données fiables et vérifiées.