Pendant de nombreuses années, la chasse aux cétacés, notamment aux baleines, était motivée par leur valeur comme source de nourriture pour plusieurs communautés. Cependant, cette activité comportait de nombreux risques. Dans l’imaginaire collectif, nourri par des superstitions populaires, la baleine était souvent perçue comme un animal maléfique, insidieux, qui trompait les navigateurs pour les engloutir ou les dévorer. De nos jours, si le mystère entoure encore ces géants des mers, la science a permis de démystifier leur comportement : il est aujourd’hui établi que la probabilité qu’une baleine puisse avaler un humain est pratiquement inexistante.
Le mythe de Pinocchio
Si vous avez déjà regardé le film d’animation de Walt Disney sorti en 1940, adapté du célèbre roman de Carlo Collodi publié en 1881, vous avez sans doute en mémoire l’épisode où le personnage principal, Pinocchio, se retrouve dans le ventre d’une baleine. Cet épisode sert à souligner le courage du héros et sa capacité à prouver sa valeur pour devenir un véritable garçon.
Concrètement, c’est à l’intérieur du ventre du cétacé que Pinocchio retrouve Geppetto, son créateur. Plutôt que d’être digéré, il apparaît comme un prisonnier. Pour s’échapper, Pinocchio tente de faire brûler du bois afin d’inciter le monstre marin, nommé Monstro, à le repousser. La tactique fonctionne, mais la baleine se met très en colère, lançant une poursuite pour détruire leur radeau. Refusant d’abandonner Geppetto, qui ne sait pas nager, le héros est sauvé d’une manière spectaculaire par une vague géante provoquée par la baleine, qui leur permet d’atteindre la côte. Geppetto survit, mais Pinocchio, lui, ne s’en sort pas indemne. Heureusement, l’intervention magique d’une fée lui redonne la vie et une apparence humaine. Il est intéressant de noter que ce récit diffère de l’œuvre originale de Collodi, où c’est un requin blanc, décrit comme « l’Attila des poissons et des pêcheurs », qui engloutit le pantin.
Avant cette scène mythique, un autre épisode témoigne de la représentation effrayante de la baleine. En 1938, dans Chasseurs de baleines, un court-métrage animé réalisé par Walt Disney, Mickey, Donald et Dingo se retrouvent confrontés à une baleine qui engloutit Dingo en moins de 8 minutes, avant que la créature ne les menace à nouveau en allumant une mèche.
Ces productions illustrent des croyances anciennes et des légendes qui ont alimenté l’image d’une baleine souvent antagoniste. Mais ces histoires sont-elles fondées sur la réalité ? Peut-on vraiment craindre qu’une baleine avale un humain ?
Ce que mangent réellement les baleines
Le mot « cétacé » provient de la langue grecque, signifiant littéralement « monstre marin ». Il désigne une famille comprenant des baleines, des rorquals, des dauphins et des marsouins. La distinction principale réside dans la morphologie de leur cavité buccale : certains possèdent des dents, d’autres sont équipés de fanons. Ces différences déterminent leur manière de se nourrir.
Les « baleines à dents » regroupent environ 70 espèces, dont la variété de leur régime alimentaire est très large, tandis que les baleines à fanons se limitent à une soixantaine d’espèces. Ces dernières se nourrissent principalement de petites particules, comme le plancton ou les crevettes, qu’elles filtrent à l’aide de leurs fanons. En revanche, les baleines à dents disposent d’un régime plus varié, comprenant des proies de taille différente, en fonction de leur milieu naturel et de leur mode de chasse. On distingue deux méthodes principales d’alimentation chez elles :
- Certaines réalisent de véritables incursion avec leur bouche grande ouverte pour aspirer大量 d’eau et leur contenu, qu’elles rejettent ensuite. Leur gueule est munie de sillons jugulaires qui leur permettent d’ouvrir très largement la mâchoire. Ce procédé, d’aspect impressionnant, doit impressionner tout être humain observant ces mammifères en milieu naturel ou en captivité.
- D’autres baleines aspirent leurs proies en passant par une seule ouverture de la bouche, puis expulsent l’eau et les débris par l’autre côté.
Mais qu’en est-il des spécimens qui ouvrent leur gueule si grand ? Ont-ils la capacité d’avaler un humain ?
La question de la possibilité pour une baleine d’avaler un humain
En théorie, une baleine peut ouvrir sa bouche assez grande pour contenir un humain, mais elle ne pourra pas l’ingérer complètement. La preuve a été apportée en juin 2021, lorsqu’un pêcheur de homards a été brièvement coincé dans la gueule d’une baleine à bosse, à proximité de Cape Cod, dans le Massachusetts. Selon ses témoignages, il a réussi à se débattre pendant une trentaine de secondes avant d’être recraché. La taille de la bouche de cette espèce peut atteindre trois mètres de long, ce qui pourrait contenir un humain. Pourtant, les spécialistes affirment qu’il est impossible qu’elle avale une personne : la gorge d’une baleine à bosse ne dépasse pas la taille d’un poing humain, et peut s’élargir au maximum jusqu’à 38 centimètres, ce qui explique qu’elle ait préféré recracher le pêcheur plutôt que de l’avaler.
Bien que de tels incidents soient peu fréquents, ils ne sont pas exceptionnels. En 2020, une baleine à bosse a accidentellement englouti des kayakistes en Californie, et d’autres cas sont recensés, notamment dans le port de Port Elizabeth en Afrique du Sud, en 2019.
La seule espèce de cétacé susceptible d’avaler un humain est le grand cachalot (Physeter macrocephalus ou P. catodon), dont la taille et la morphologie permettent à sa gorge d’être suffisamment large. Un mâle peut dépasser 20 mètres en longueur, avec une tête de plus de 7 mètres. Sa diète comprend principalement des calmars et des pieuvres, ainsi que quelques poissons ou phoques, selon leur présence dans la région. La taille de son œsophage est adaptée pour ingérer de très grosses proies, comme des calmars géants mesurant jusqu’à 14 mètres de long qui ont été trouvés dans son estomac.
Connu pour ses performances en plongée en apnée, pouvant atteindre deux heures et explorer des sites jusqu’à 2000 mètres de profondeur, le cachalot a été une cible majeure pour la chasse contre l’industrie du spermaceti, de l’ambre gris et de l’ivoire, du 18e au 20e siècle. La résistance de ces mammifères, notamment lors de conflits maritimes, a été illustrée par des exemples célèbres, comme celui d’un cachalot ayant coulé un baleinier américain au début du XIXe siècle.
Toutefois, même si le grand cachalot possède un coffre suffisamment vaste pour avaler un humain, en pratique, cela reste hautement improbable, car leur habitat naturel se situe généralement en haute mer, loin du territoire où l’on peut rencontrer des humains. Leur zone de vie est principalement en eaux profondes inaccessibles aux activités humaines.