Le retour du loup en France : un bénéfice pour la biodiversité ?

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Longtemps perçu comme une créature dangereuse et redoutée, le loup a été chassé et ses habitats détruits, entraînant une chute significative de ses populations. Aujourd’hui, en France, cet animal est considéré comme une espèce en voie de disparition. Pourtant, plusieurs études suggèrent que le loup pourrait jouer un rôle essentiel dans le maintien de la biodiversité. Pour mieux comprendre cette problématique, il convient d’adopter une approche analytique et raisonnée.

Quel loup concerne-t-on ?

En métropole, la référence au loup concerne principalement le loup gris européen (Canis lupus lupus), également appelé loup d’Europe ou loup des steppes. Il est généralement de taille plus modeste que ses homologues d’Amérique du Nord, avec une carrure assez compacte. La taille varie selon les régions, ceux en Russie ou en Scandinavie étant souvent plus grands que ceux présents en France. La hauteur au garrot atteint en moyenne 80 cm. Pour avoir une idée, le chien dogue allemand, considéré comme l’une des plus grandes races canines, dépasse rarement cette taille. Quant au poids, un mâle lupin peut atteindre une quarantaine de kilos, tandis que le dogue allemand peut atteindre 70 kg. Ainsi, à l’échelle, le loup ne paraît pas si imposant ou effrayant.

Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui évalue la situation de nombreuses espèces animales à l’échelle mondiale, le loup gris n’est pas classé parmi celles en danger critique ou menacées. En Europe, il figure dans la catégorie « préoccupation mineure », ce qui indique une présence ample et des populations abondantes. Cependant, alors que l’espèce semble bien répartie, des débats persistent quant à sa conservation en France. Quelles sont donc les raisons de cette inquiétude apparente ?

La situation du loup en France : protection et présence

Après avoir disparu du territoire français en 1937, le loup a été observé de nouveau dans la région en 1992, migré depuis le sud de l’Italie où une petite population subsistait. La réintroduction s’est alors accélérée grâce à la reforestation, née de l’exode rural italien dans les années 70, qui a permis à la faune de se renforcer et aux loups de se rétablir dans certains secteurs. La Convention de Berne, adoptée en 1979, a permis de protéger cet animal à l’échelle européenne, la France intégrant ces dispositions dans ses lois en 1989.

La mise en place de plans spécifiques pour la gestion de l’espèce, ainsi que la création de zones protégées, ont permis au loup de faire une percée dans le nord de l’Italie, notamment dans le parc national du Mercantour en France. En 1993, un arrêté ministériel a officiellement protégé l’espèce sur tout le territoire français, interdisant toute mise à mort intentionnelle. Cependant, dans certains cas, des dérogations pouvaient être accordées, notamment pour protéger les activités agricoles ou élevage, sous réserve de conditions précises. En 2007, cette réglementation a été mise à jour, pour confier aux préfets le soin d’accorder ces dérogations, avec un quota annuel d’abattages fixé par les autorités.

En 2018, la France a élaboré un plan national visant à gérer la coexistence entre l’espèce et les activités humaines, prévu pour la période jusqu’en 2023. L’objectif était de permettre la croissance d’une population de 500 loups d’ici là. La gestion a été renforcée par des quotas d’abattage, qui peuvent atteindre jusqu’à 21 % de la population totale estimée, en fonction des situations. La dynamique de la population a montré qu’elle est en croissance constante, avec environ 624 loups visibles à la fin de l’hiver 2020-2021, contre 580 un an plus tôt, soit une augmentation de 7 %. La population française semble donc dépasser les prévisions et occuper de plus en plus d’habitats, notamment dans les Alpes, le Massif central, ainsi que dans certains départements du Nord-Est, comme la Lorraine. Des observations ponctuelles ont aussi été recensées dans des régions éloignées, telles que la Normandie, la Charente ou la Vendée.

La notion de biodiversité

Malgré la croissance de sa population, le loup gris reste classé comme « vulnérable » dans la liste rouge de l’UICN en France. La coexistence avec cette espèce suscite des tensions, notamment chez les éleveurs et les chasseurs, qui doivent adapter leurs pratiques face aux risques réels de prédation. Certains critiques avancent que le comptage des loups pourrait être faussé par la présence d’individus hybrides issus d’un croisement avec des chiens, ce qui compliquerait les estimations exactes. Selon l’OFB, l’effectif global demeure modéré et cohérent avec ce qui est observé dans d’autres pays européens.

Le vrai défi réside dans la manière de dialoguer sur ces enjeux, car même les données scientifiques restent sujettes à débat selon les points de vue et les visions philosophiques. La question essentielle est de savoir si l’homme doit être considéré comme un élément à part de la nature ou comme une partie intégrante de celle-ci. La majorité opte aujourd’hui pour la première hypothèse, pensant que l’homme, souvent perçu comme une espèce invasive, doit réorienter ses actions pour favoriser la préservation de la biodiversité. La notion de biodiversité, introduite dans les années 1980, a été formalement reconnue lors du sommet de la Terre à Rio en 1992, puis ratifiée par la France en 1994. Depuis lors, les activités humaines, comme l’urbanisation, la pollution ou le changement climatique, sont analysées à la lumière de leur impact sur la diversité biologique. Certains argumentent que la biodiversité a toujours évolué au fil des éons, même avant l’apparition de l’homme, soulignant que la planète a connu plusieurs périodes d’extinctions massives. Actuellement, la Terre traverse une sixième extinction, dont l’origine humaine est largement acceptée, rendant indispensable une gestion responsable pour limiter ses effets désastreux. Cependant, la complexité des enjeux montre que manipuler l’environnement n’est pas sans risques, et l’homme pourrait se révéler un apprenti sorcier, provoquant de nouvelles crises à force de vouloir contrôler la nature.

Le rôle du loup gris dans la biodiversité : un allié ou une menace ?

Une recherche menée par des experts de France et des États-Unis, publiée en février 2020 dans Biological Reviews, met en lumière l’impact positif que peut avoir la présence du loup sur les écosystèmes. Si ses conséquences néfastes, comme la prédation du bétail, sont facilement quantifiables, les bénéfices qu’il apporte à la biodiversité sont plus subtils et moins faciles à mesurer.

Le retour du loup est en partie dû à l’augmentation de ses proies principales, comme les cerfs et les chevreuils, dont la population a été régulée par des efforts de conservation. Cette présence permet de rétablir un équilibre dans la chaîne alimentaire : lorsque les grands prédateurs disparaissent, certains herbivores deviennent trop nombreux, ce qui engendre des dégâts dans les forêts et les zones agricoles, ainsi qu’un appauvrissement de la végétation. Le surpeuplement de cervidés nuit à la biodiversité en empêchant la régénération de la végétation et en réduisant la diversité des espèces végétales et animales. La présence du loup, en contraignant ces grands herbivores à se déplacer pour chercher de la nourriture, favorise une meilleure diversité des habitats et des espèces.

Concilier la préservation du loup avec les activités humaines constitue un véritable défi, mais des initiatives comme celles du WWF montrent qu’une cohabitation équilibrée pourrait émerger. En impliquant directement les populations rurales et en développant des stratégies adaptées, il devient possible d’intégrer le loup comme un acteur bénévole de la biodiversité, plutôt que comme un ennemi à repousser.