Les origines de l’expression « prendre la mouche » nous plongent dans la campagne française du XVIIe siècle. Ce voyage dans l’histoire révèle comment cette locution a été utilisée pour illustrer la tendance d’une personne à s’irriter rapidement ou à se vexer facilement. Auparavant, le mot « mouche » désignait en milieu rural diverses sortes d’insectes, notamment le taon, une « mouche » qui piquait les bovidés, ce qui a influencé le sens actuel de l’expression.
Que veut dire l’expression « prendre la mouche » ?
De façon littérale, cette expression évoque le fait d’être piqué par un taon ou une mouche semblable. Par exemple, une illustration ancienne mentionne un bœuf irrité par une mouche qui l’a piqué, provoquant une réaction de colère ou d’agitation. Dans son sens figuré, cette formule est utilisée pour décrire une réaction de mauvaise humeur ou de colère soudaine face à une petite contrariété. Elle reflète une tendance à s’énerver ou à s’offusquer pour des motifs insignifiants, souvent sans raison valable. Cela implique souvent une réponse disproportionnée par rapport à la cause réelle, comme le montrent plusieurs citations historiques : un Rousseau décrivant quelqu’un qui s’énerve pour un rien, un Le Tarare évoquant la nécessité de « faire attention pour ne pas prendre la mouche », ou un Boulanger qui se défend de s’énerver face à une critique.
Au fil du temps, cette expression est devenue un idiome courant pour désigner une réaction excessive ou brusque face à une situation mineure.
Pourquoi évoque-t-on une mouche et non un autre insecte ?
Dans l’utilisation de cette expression, le verbe « prendre » indique une expérience d’effet ou de ressentiment, similaire à « prendre froid » ou « prendre peur ». Au Moyen Âge, le terme « mouche » désignait un large éventail d’insectes, comme la mouche des bœufs (le taon), l’abeille (mouche à miel), la tique (mouche à chiens) ou encore le scarabée (mouche cornue). La variété d’insectes considérés dans ce vocabulaire permet d’expliquer la métaphore sous-jacente à l’expression : une piqûre ou un insecte provoquant une réaction immédiate et violente, symbolisant une irritation soudaine.
Pourquoi « prendre la mouche » signifie-t-il s’énerver ?
Au XVIIe siècle, l’insecte considéré comme le principal représentant de cette expression est le taon, appelé aussi « mouche aux bœufs ». Ce gros insecte pique en suçant le sang des animaux, notamment en perçant la peau de façon douloureuse. Cette douleur soudaine suscite une réaction immédiate chez l’animal, qui peut s’emballer, se cabrer ou même s’enfuir à toute vitesse. Chez l’humain comme chez le bétail, cette réaction brusque et inexplicable a donné naissance à la tournure « prendre la mouche » pour décrire une colère soudaine et inexplicablement grave par rapport à une cause mineure.
Depuis quand l’expression « prendre la mouche » est-elle en usage ?
Les premiers enregistrements de cette formule remontent à environ 1350, où elle apparaît sous la forme « prendre mouskes » dans un recueil de Gilles Li Muisis, avec une signification liée à l’irritation ou à l’agacement. Au XVe siècle, d’autres expressions similaires existent, évoquant la colère ou l’éveil d’un souci soudain. La version moderne, avec la tournure « prendre la mouche », s’affirme au XVIIe siècle. En 1640, Antoine Oudin la définit comme signifiant se mettre en colère, tandis qu’en 1694, le dictionnaire de l’Académie française inscrit cette expression pour illustrer une panique ou une colère imprévue, associée à un insecte métaphorique représentant une pensée négative ou un souci brutal.
Autres expressions liées à la mouche
Les insectes nommés « mouche » ont laissé leur empreinte dans de nombreuses tournures, symbolisant souvent irritation ou objectif atteint :
- « Quelle mouche l’a piqué ? » évoque une réaction soudaine de colère ou d’irritation, souvent provoquée par une piqûre ou une provocation inattendue ;
- « Faire mouche » signifie toucher précis un point visé ou réussir à impressionner ;
- Une « fine mouche » désigne un individu malin ou rusé, à l’esprit vif ;
- « On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre » suggère qu’une approche douce est plus efficace qu’une méthode agressive ;
- Les « pattes de mouches » désignent une écriture fine et difficile à lire ;
- La « mouche du coche » désigne une personne qui se donne un rôle important sans réelle utilité, illustré par la fable de La Fontaine ;
- « Gober des mouches » exprime le fait de perdre du temps à attendre ou à se laisser berner ;
- « Faire d’une mouche un éléphant » signifie exagérer un petit problème ou une faute insignifiante.