Peut-être vous souviendrez-vous du film sorti en 1996, Microcosmos. Le peuple de l’herbe. Ce documentaire immersif nous invitait à observer de très près le monde microscopique des insectes, des animaux de l’herbe et de l’eau. Il donnait l’impression de changer d’échelle, permettant ainsi de contempler un univers où la taille normale paraît inversée. Ce point de vue offre un voyage fascinant : à travers les yeux de ces petites créatures, notre environnement apparaît démesurément vaste et impressionnant. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi ces êtres minuscules sont généralement beaucoup plus petits que nous ? C’est justement cette question que nous allons explorer dans cet article.
La taille des insectes les plus gros au monde
Actuellement, c’est un papillon sud-américain, la sorcière blanche d’Afrique du Sud (Thysania agrippina), qui détient le record de grandeur parmi les insectes. La largeur de ses ailes peut atteindre 35 cm, ce qui correspond à peu près à l’étendue de deux mains adultes placées cuir contre cuir, les pouces écartés. Les phasmes, ces insectes souvent appréciés pour leur apparence élancée, peuvent aussi atteindre des dimensions similaires. Un exemple extrême est un phasme appelé Phobaeticus chani, conservé au musée d’histoire naturelle de Londres, qui dépasse 56,7 cm de longueur. Cependant, cette taille exceptionnelle est majoritairement liée à ses longues antennes, car le corps propre ne dépasse pas 35,7 cm.
De telles mensurations restent rares. La majorité des insectes que nous rencontrons, comme les puces, fourmis ou acariens en France, se révèlent être d’une toute petite taille. À titre indicatif, une femme mesure en moyenne 1,64 mètre, et un homme adulte environ 1,75 mètre. La différence de grandeur est donc considérable.
Qu’est-ce qui limite la taille des insectes ?
Pourquoi ne peut-on pas voir des insectes gigantesques à l’échelle de certains animaux ou de l’humain ? La réponse se trouve dans leur mode de respiration. Contrairement aux mammifères ou autres vertébrés, ces arthropodes ne disposent pas de poumons. Ils respirent via un réseau de tubes appelés trachées, qui acheminent directement l’oxygène vers leurs tissus. Ces trachées émergent par des orifices appelés spiracles, protégés par des mécanismes de fermeture pour éviter toute perte ou intrusion indésirable.
Alors que les mammifères inspirent en abaissant leur diaphragme pour faire entrer de l’air dans leurs poumons, les insectes ne possèdent pas de système de pompage efficace. Même s’ils peuvent faire vibrer leur corps pour faciliter la circulation de l’air dans leurs trachées, leur capacité à mobiliser leur souffle reste limitée, en particulier chez les plus gros. La nécessité d’un trajet court entre le spiracle et les organes internes oblige à maintenir leur taille à une échelle compatible avec leur système respiratoire.
Les études ont montré que si un insecte grandissait deux fois plus en longueur, son volume multidimensionnel augmenterait d’environ huit fois. Or, pour garantir l’approvisionnement en oxygène nécessaire à son métabolisme, une telle taille impliquerait que la majorité de son corps soit constitué de trachées, laissant peu de place aux autres organes essentiels. La taille actuelle des insectes représente donc un équilibre précis, une limite physiologique qui leur permet de survivre dans l’environnement que nous connaissons aujourd’hui.
La taille des insectes dans l’histoire géologique
Il est connu que, il y a environ 300 millions d’années, des insectes géants peuplaient la Terre. La libellule Meganeura, par exemple, pouvait atteindre un mètre de long, avec une envergure d’une soixantaine de centimètres, alors que celles que nous croisons aujourd’hui ne dépassent pas environ vingt centimètres. Des fossiles ont aussi révélé l’existence de cafards de proportions impressionnantes à cette même époque.
Ce phénomène s’expliquait par le climat et la composition de l’atmosphère à cette période. La végétation était largement plus développée, avec de vastes forêts marécageuses. La concentration d’oxygène dans l’atmosphère était alors estimée à 50 % de plus qu’aujourd’hui. Cette abondance d’oxygène permettait aux larves d’insectes, très sensibles à la quantité disponible, de grandir et de survivre à des tailles autrement impossibles. La croissance de ces arthropodes géants constituait une adaptation vitale pour exploiter efficacement cette atmosphère riche en oxygène.
Cependant, au fil des périodes, la concentration en oxygène a progressivement décroît. Lorsque cela s’est produit, la taille de ces insectes a décliné petit à petit, favorisant les espèces plus petites, mieux adaptées à un environnement où leur respiration était moins facilitée. La réduction de leur taille a donc été un processus évolutif important dans le contexte de changements atmosphériques.
La résistance des insectes face à la pénurie d’oxygène
Dans le domaine de la conservation, lorsqu’un objet en bois, comme une sculpture, est attaqué par des insectes xylophages, on privilégie parfois des méthodes naturelles pour lutter contre la infestation. Plutôt que d’utiliser des produits chimiques qui peuvent endommager la pièce, les conservateurs peuvent choisir de priver les insectes d’oxygène dans une procédure appelée « anoxie ». À une température supérieure à 20 °C, cette technique consiste à éliminer l’oxygène entourant l’objet pendant plusieurs semaines, généralement quatre, afin de garantir leur élimination complète. Cette durée contraste fortement avec le peu de temps que nous pouvons retenir notre souffle, après quoi la survie devient impossible.
Le fait que la taille des insectes soit limitée principalement par le taux d’oxygène atmosphérique actuel indique que leur évolution dépend de leur environnement. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer certains avantages liés à leur petite taille, qui leur a permis de survivre et de se diversifier dans diverses conditions.