Le pompom jaune et noir que l’on croise souvent peut faire penser à une guêpe ou à une abeille, mais il s’agit en réalité d’un insecte totalement inoffensif dont il n’y a aucune raison de craindre. Une meilleure connaissance du monde des insectes permet non seulement d’apprécier leur rôle mais aussi d’adopter des comportements plus appropriés face à eux. Aujourd’hui, nous vous invitons à découvrir le syrphe, un petit insecte que l’on connaît peu, pourtant précieux pour le jardinier en tant qu’auxiliaire naturel.
Découverte du syrphe
Le terme « syrphe » ne désigne pas une seule espèce mais regroupe une vaste famille d’insectes, structurée en trois sous-groupes principaux. Cette famille rassemble plus de 200 genres et plus de 5 000 espèces recensées dans le monde, dont environ 500 à l’état sauvage en France métropolitaine.
Bien que souvent assimilés à des mouches, les syrphes se distinguent nettement des mouches communes, comme la musca domestica, par leur silhouette et leurs couleurs variées. Leur morphologie et leur pigmentation varient en fonction des régions, ce qui leur donne un aspect souvent ressemblant à celui des hyménoptères, tels que les abeilles ou les guêpes. Ce mimétisme, appelé mimétisme batésien, consiste à imiter l’apparence et parfois les comportements d’insectes urticants ou dangereux, afin d’échapper à leurs prédateurs. Ce phénomène résulte d’un processus évolutif complexe où les espèces modèle, imitatrices et dupées évoluent conjointement pour renforcer leur survie, au-delà d’un simple camouflage.
Les syrphes, comme tous les diptères, possèdent une seule paire d’ailes. Contrairement aux hyménoptères, qui en disposent de deux, chez les diptères, la seconde paire a été transformée en organes stabilisateurs appelés haltères ou balanciers, qui leur confèrent une grande stabilité en vol. Ces insectes se déplacent à une vitesse impressionnante, capables de faire du sur place grâce à leur capacité à réaliser un vol stationnaire, un trait distinctif de leur comportement.
En observant de près leurs ailes, on remarque la présence de veines. La disposition de ces nervures permet de différencier syrphes et hyménoptères. Chez le syrphe, une « fausse veine » (vena spuria) traverse l’aile de façon longitudinale, presque au centre, tandis qu’aucune nervure ne touche le bord de l’aile à son extrémité, ce qui constitue une autre caractéristique. Leur pièce buccale ne comporte pas de mandibules pour mâcher ou lécher ; à la place, ils ont une structure spongieuse appelée labelle, adaptée à leur régime liquide.
Le rôle du syrphe dans nos jardins
Parmi les syrphes que l’on rencontre fréquemment chez nous, le syrphe ceinturé (Episyrphus balteatus) est probablement le plus courant. Sa taille varie de 7 à 15 millimètres, et sa peau rayée jaune et noire lui vaut souvent la confusion avec les abeilles ou guêpes, mais le prédateur lui-même est trompé. Plus on observe la nature avec attention, plus on comprend leur véritable identité, et plus on peut profiter de leur présence. Si vous vous montrez vigilant, vous deviendrez rapidement incollable.
Une femelle peut pondre entre 2 000 et 4 500 œufs tout au long de sa vie, déposés en petits groupes ou isolément, souvent à proximité de colonies de pucerons. Ces larves, qui n’ont pas de pattes, se nourrissent en priorité de ces petits insectes nuisibles. Appartenant au groupe des aphidiphages, elles jouent un rôle clé dans la régulation des populations de pucerons, notamment en dévorant jusqu’à 300 insectes par nuit. De couleur blanche ou translucide, avec parfois des marbrures, leur taille oscille entre 8 et 15 millimètres. Leur cycle larvaire dure environ trois semaines, période durant laquelle elles assurent un service écologique précieux pour les jardiniers.
Après cette étape, la larve devient nymphe pendant une quinzaine de jours, pour évoluer ensuite en adulte. En phase adulte, leur alimentation change : c’est le nectar et le pollen qu’ils consomment, ce qui leur permet de participer activement à la pollinisation. Leurs préférences florales vont aux fleurs de couleur blanche ou jaune, principalement celles appartenant aux familles des Apiacées (Ombellifères) et des Astéracées, notamment le colza, un espace d’interaction vital pour eux. Ils visitent également des fleurs à faible nectar.
Selon les régions, leur cycle peut comporter entre deux et sept générations par an. L’hiver, ces insectes adoptent différentes stratégies pour survivre :
- Certains individus restent actifs dans le paysage,
- Certains entrent en pause dans la phase préimaginale,
- D’autres migrent vers le sud pour revenir au printemps,
- Parmi eux, on trouve le syrphe porte-plume (Sphaerophoria scripta),
- le syrphe du groseillier (Syrphus ribesii),
- le syrphe des corolles (Eupeodes corollae),
- et Eupeodes luniger.
En agriculture, plusieurs autres espèces d’aphidiphages peuplent également les champs, contribuant à leur manière au contrôle biologique, notamment :
Les plus courantes sont :
Le syrphe des corolles, qui arbore un abdomen noir marqué de taches jaunes, et présente un pelage du même type que ses congénères du genre Eupeodes. On le retrouve dans divers milieux ouverts, tels que prairies, dunes, lits de rivières asséchés, garrigues, cultures agricoles et espaces verts. Sa larve est particulièrement attirée par les légumineuses ainsi que par des cultures comme l’avoine, la betterave, la courge, la laitue, l’orge et le maïs. Sa présence est surtout remarquée sur les plantes de la famille des Apiacées.
Le syrphe porte-plume tire son nom de sa silhouette élancée, avec une tête volumineuse et une abdomen allongé. Chez le mâle, cet abdomen dépasse les ailes et est plus arrondi, alors que chez la femelle, il est plus court et pointu. Les deux sexes présentent un thorax noir bordé d’un trait jaune continu. Ce syrphe migrateur passe l’hiver dans le sud de l’Europe, mais on peut l’observer en France de avril à octobre. Son rôle dans la pollinisation est renforcé lorsqu’on plante des bandes fleuries, comme la phacélie, qui nourrissent aussi ses larves en fournissant des pucerons.
Pour attirer ces insectes dans un jardin, la plantation de végétaux comme les œillets d’Inde est particulièrement recommandée. Faciles à cultiver, esthétiques et peu exigeantes, ces fleurs attirent les syrphes adultes. Cependant, elles sont moins favorables aux larves, puisqu’elles possèdent des propriétés répulsives contre certains parasites. La diversité de la flore dans le jardin favorise la présence régulière de ces auxiliaires naturels, contribuant ainsi à la santé de vos plantations.