Le nom de cerf-volant attribué au lucane provient de ses mandibules massives et puissantes, qui évoquent les bois d’un cerf, et qui restent une caractéristique marquée chez le mâle. Ce genre d’insecte, le plus grand et le plus commun en Europe, mérite une attention particulière.
Le lucane cerf-volant et sa femelle à l’aspect imposant
Appartenant à l’ordre des coléoptères, la famille des Lucanidés, et la super-famille des Scarabéidés, le lucane cerf-volant possède une distinction sexuelle flagrante : la femelle, surnommée la grande biche, se distingue par des mandibules plus petites. La différence de taille entre les sexes est significative : le mâle peut atteindre 8,5 cm, en grande partie grâce à ses mandibules hypertrophiées ressemblant à des bois de cerf, alors que la femelle mesure généralement entre 2 et 5 cm. La croissance de cet insecte est influencée par la qualité de la nourriture disponible dans le bois qu’il consomme, ce qui explique que ses dimensions varient selon les régions françaises, étant classé comme majeur, médium ou mineur.
Quel rôle jouent ses mandibules impressionnantes ?
Les mandibules du mâle sont principalement utilisées comme armes lors d’affrontements pour s’accoupler avec une femelle. Elles ne perforent pas la carapace de l’adversaire, mais servent plutôt à le saisir, à le déséquilibrer ou à le faire reculer, tout en maintenant une certaine distance. La perdante est celle qui se retrouve à l’envers sur le dos. Lors de la copulation, le mâle utilise aussi ses mandibules pour maintenir la femelle. La femelle, pour sa part, possède des mandibules plus petites mais plus puissantes, qu’elle emploie pour creuser dans les arbres pourris afin d’y pondre ses œufs, puis pincer lors de la ponte.
Un coléoptère lourd et bruyant
Chez le lucane cerf-volant, la tête, le pronotum (partie supérieure du thorax) et ses six pattes sont noirs, tandis que ses antennes en forme de coudes se finissent par des lamelles. Les élytres, qui protègent ses ailes, affichent une teinte brun foncé à brun rougeâtre, en harmonie avec ses mandibules. Son activité est principalement visible entre mai et août, avec un pic en juin, notamment dans les zones boisées ou les chemins forestiers orientés au sud. Très actifs lors du crépuscule, ces insectes se distinguent par leur vol lourd et sonore.
Son habitat et son alimentation : un lien indissoluble
Présent dans toute l’Europe, jusqu’au sud de la Scandinavie, le lucane cerf-volant requiert des arbres pour vivre et se nourrir tout au long de ses différentes phases de vie. En France, on le trouve fréquemment dans des forêts de chênes et de châtaigniers, mais il n’hésite pas à solliciter également d’autres feuillus comme les ormes, érables ou hêtres. Même si le coléoptère préfère les grands massifs forestiers, il peut aussi habiter des bosquets, parcs et haies. Les femelles, munies de mandibules pointues, creusent dans le bois pour en faire sortir la sève qu’elles consomment, un nectar également apprécié par le mâle. Quant aux larves, qui se nourrissent exclusivement de bois en décomposition, elles se développent lentement dans des environnements riches en matière organique.
Les trois étapes de vie du lucane cerf-volant
La femelle dépose ses œufs dans le sol, généralement à proximité de souches de bois pourri ou mortes. La croissance de l’insecte passe par trois phases successives :
- La période larvaire. Cette étape, durant laquelle la larve peut atteindre 10 cm de long et peser jusqu’à 30 g, peut durer jusqu’à six ans, avec une alimentation à base de bois humide ;
- La phase nymphale. L’automne venu, après plusieurs années dans son arbre nourricier, la larve creuse une coquille ovoïde de terre et de bois pour se transformer en nymphe ;
- La vie adulte (imago). La nymphe se métamorphose en un insecte mature, qui quitte son abri pour se reproduire au printemps suivant.
Après la reproduction, la longévité des adultes est généralement d’un mois. Le mâle disparaît souvent peu après l’accouplement, tandis que la femelle meurt après la ponte durant l’été.
Une population fragilisée par les menaces
Les principaux prédateurs du lucane adulte sont certains oiseaux (geai, pie, rapaces), qui profitent de sa lenteur en vol pour l’attraper, tandis que ses larves sont la proie de guêpes et d’autres coléoptères carnivores, notamment la cicindèle. Cependant, le développement lent de l’insecte et la gestion forestière intensive — comme le dessouchage, l’élimination des vieux arbres, ou la transformation des forêts feuillues en résineux — compromettent gravement sa survie, en empêchant l’accès à des sources de nourriture essentielles.
Le lucane cerf-volant, une espèce protégée
Classée en voie de disparition, cette espèce figure à l’annexe II de la directive européenne « habitats faune-flore » de 1992, ce qui impose la création de zones protégées par les États membres. Elle bénéficie également de la Convention de Berne et figure sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). En tant que saproxylophage, le lucane ne représente pas une menace, mais participe plutôt au maintien écologique en dégradant le bois mort. Pour contribuer à sa conservation, il est conseillé de préserver dans nos jardins et allées de vieux troncs d’arbres et des souches, qui offrent un habitat idéal pour cette espèce.