Une espèce considérée comme invasive soulève-t-elle systématiquement des préoccupations ? Quelles démarches pouvons-nous entreprendre pour limiter leur impact lorsque ces espèces s’installent ? La coccinelle asiatique, originaire d’Asie, est un exemple récent d’intrus qui apparaît de plus en plus fréquemment dans nos jardins. Quelles en sont les répercussions et quels gestes adopter face à sa présence ?
Comprendre ce qui définit une espèce invasive
Les mots « envahissant » et « invasif » se ressemblent, mais ne signifient pas la même chose. Ils décrivent toutes deux des formes de vie, qu’elles soient végétales ou animales, dotées d’un fort potentiel de prolifération. La différence réside dans leur origine : un « envahissant » est souvent une espèce locale qui se développe rapidement, tandis qu’un « invasif » provient d’un autre écosystème.
Le déplacement des espèces entre différents milieux se produit principalement via nos déplacements ou lors de transports. Parfois, l’humain introduit intentionnellement des espèces étrangères dans un nouvel environnement dans l’espoir d’y restaurer un équilibre qu’il perçoit comme perturbé.
Cependant, l’arrivée d’une nouvelle espèce peut provoquer des dégâts importants, mettant en danger la biodiversité locale. Rétablir la situation initiale est souvent une tâche complexe. En 1992, l’ONU a élaboré une Convention sur la diversité biologique invitant les États à réguler ces invasions, mais l’efficacité de ces mesures est restée limitée. En Europe, sur 14 000 espèces échappées à leur habitat d’origine, environ 10 à 15 % sont considérées comme invasives. La coccinelle asiatique en fait-elle partie ?
La diversité des coccinelles
Les coccinelles, reconnues pour leur aspect coloré et leur forme sympathique, sont en réalité des coléoptères très appréciés. Elles ne piquent ni ne mordent, ce qui en fait des alliées du jardinier. Leur présence rassure aussi les enfants, qui aiment les voir grimper sur leurs mains. Leur utilité contre les pucerons leur donne une place précieuse dans la lutte biologique pour la protection des plantations.
Il existe plusieurs espèces de coccinelles. La famille des Coccinellidés regroupe des insectes de tailles variées, allant de quelques millimètres à plusieurs centimètres. Dans nos jardins, trois types sont principalement rencontrés.
La coccinelle à sept points, scientifiquement nommée Coccinella septempunctata, se reconnaît grâce aux sept taches noires sur son dos rouge. On distingue aussi une tache blanche derrière ses yeux et deux autres, crème, au niveau du thorax. Elle mesure entre 5,5 et 8 millimètres et est présente dès la fin de l’hiver dans nos jardins.
La coccinelle à deux points, appelée Adalia bipunctata, est plus difficile à repérer en raison de sa grande variété d’aspects. Selon les conditions, elle peut adopter des teintes allant du rouge avec des points noirs à des variantes jaunes ou noires avec des points de couleurs différentes. Sa couleur noire prédomine dans les régions froides du Nord, afin d’absorber davantage de chaleur. À l’état adulte, elle consomme environ 90 pucerons par jour, un chiffre qui monte à 150 durant sa larve, qui dure entre 10 et 15 jours.
La troisième espèce couramment observée dans nos jardins est la coccinelle asiatique.
Zoom sur la coccinelle asiatique
Connue aussi sous le nom d’Harmonia axyridis, cette coccinelle provient de l’Asie du Nord-Est. Plusieurs études indiquent que, dans certains endroits, la population de cette espèce remplace presque la moitié des coccinelles à deux points, en se développant rapidement.
Elle affiche une variété de couleurs, allant du rouge, jaune, orange au noir, et est généralement plus grande que ses homologues. Son trait distinctif majeur est son thorax blanc, clairement séparé de la tête, orné d’une marque évoquant la lettre M. Sa capacité à dévorer davantage de pucerons, que ce soit lors de ses phases larvaires ou à l’âge adulte, pourrait sembler avantageuse pour le jardinier. Mais la réalité est un peu plus nuancée.
Introduite intentionnellement en Europe dans le cadre de la lutte biologique contre les nuisibles, cette introduction a mal tourné. Initialement, les populations d’Harmonia axyridis avaient du mal à se développer en raison de leurs ailes atrophiées, de leur faible mobilité et de leur vulnérabilité au froid européen.
Leur évolution a été influencée par des croisements avec des coccinelles d’Amérique du Nord, probablement dues à des activités de commercialisation non maîtrisées. La vente de cette espèce a été interdite dans beaucoup de pays, mais le mal était fait. Leur apparition a mis en danger les espèces locales, qu’elles ont concurrencées et parfois supplantées, en s’attaquant notamment aux œufs d’autres insectes et en consommant des chrysopes et syrphes présents dans nos jardins.
Malgré tout, certains scientifiques restent confiants, espérant que les espèces indigènes finiront par s’adapter pour retrouver leur équilibre initial. Seul l’avenir nous dira si ces espoirs se concrétiseront.
En attendant, il est difficile d’intervenir pour favoriser une espèce plutôt qu’une autre, car leurs modes de vie se ressemblent. Cependant, à l’automne, la coccinelle asiatique forme souvent de grands rassemblements dans des groupes compacts, pour passer l’hiver, en entrant dans les bâtiments. Si ce comportement lui est propre, la majorité des coccinelles locales ne participeront qu’à quelques individus. Vous pouvez donc, si vous le souhaitez, détruire ces grappes compactes qu’elles forment dans des recoins de murs ou dans d’autres endroits stratégiques.
Quant aux espèces indigènes, plus résistantes au froid, elles trouveront refuge sous des tas de feuilles mortes, de bois ou dans un buisson comme le buis ou le laurier-tin. Les jardiniers plus bricoleurs peuvent également créer un refuge à coccinelles en assemblant quelques planches de bois avec des tiges creuses, pour favoriser leur hivernation dans un environnement plus naturel.