La biodiversité regorge d’étonnantes adaptations, parmi lesquelles figure la capacité de certains animaux à modifier leur sexe au fil de leur vie. Cette capacité est désignée sous le terme d’hermaphrodisme séquentiel ou successif. Elle leur permet d’ajuster leur stratégie reproductive face aux circonstances de leur environnement, augmentant ainsi leurs probabilités de transmettre leur patrimoine génétique. Dans cet article, nous vous proposons un aperçu des principales espèces capables de changer de sexe à un moment donné de leur existence.
Focus sur l’hermaphrodisme séquentiel
L’hermaphrodisme séquentiel désigne une situation où un organisme opère un changement de sexe à un stade précis de sa vie. Il ne faut pas confondre cette démarche avec l’hermaphrodisme simultané, qui se caractérise par la coexistence permanente d’organes reproducteurs mâles et femelles chez un même individu. Dans le cas du séquentiel, l’animal naît en tant que mâle ou femelle, puis, sous l’influence de facteurs environnementaux ou sociaux, modifie son sexe pour optimiser ses chances de reproduction. Certaines limaces de mer, par exemple, présentent ce dernier type d’hermaphrodisme, où elles possèdent en même temps des organes des deux sexes. Cependant, ce n’est pas celui-ci qui est traité ici. Nous nous concentrons sur les espèces dont l’individu, initialement mâle ou femelle, peut évoluer vers le sexe opposé lors de sa vie.
1 – Le poisson-perroquet (Scaridae)
Ces poissons vivent en groupes hiérarchisés, comprenant un mâle dominant entouré de plusieurs femelles. Chez cette espèce, seules certaines femelles peuvent changer de sexe pour se transformer en mâles, mais cela n’arrive pas systématiquement. En situation de disparition du mâle principal, la plus grande femelle du groupe peut muter en prenant sa place et en adoptant une nouvelle morphologie masculine. On parle alors d’hermaphrodisme protogyne, où la femelle devient mâle à la suite de circonstances précises.
2 – Le mérou brun (Epinephelus marginatus)
La sexualité du mérou ne se révèle pas immédiatement : il n’a pas de sexe clairement défini avant l’âge de quatre ans. Durant cette période, ses gonades, appelées hermaphrodites, produisent tour à tour des ovules ou des spermatozoïdes. Ce poisson n’effectue qu’un seul changement de sexe dans sa vie, passant de femelle à mâle, généralement entre 5 et 12 ans. Une fois devenu mâle, il conserve cette identité jusqu’à la fin de sa vie, pouvant atteindre cinquante ans. Ainsi, il est classé parmi les hermaphrodites protogyne, qui débutent leur existence en tant que femelles.
3 – Le poisson-clown (Amphiprion ocellaris)
Dans leur groupe social, les poissons-clowns vivent en hiérarchie, avec une femelle dominante entourée de plusieurs mâles. Le seul à pouvoir se reproduire avec cette femelle est le mâle dominant. Lorsqu’elle disparaît, c’est le mâle principal qui grossit et change de sexe pour devenir une femelle, un processus connu sous le nom d’hermaphrodisme protandre.
4 – L’huître
Ces mollusques marins peuvent modifier leur sexe plusieurs fois au cours de leur vie, souvent d’une saison à l’autre ou à chaque cycle de reproduction. En général, elles naissent mâles, puis peuvent devenir femelles lorsque les conditions sont favorables. Au printemps, la température de l’eau dépassant 10°C déclenche la maturation de leurs gamètes. Pendant l’été, lorsqu’elles libèrent leurs œufs ou sperme en grande quantité, leur reproduction est à son apogée, donnant souvent à l’eau une teinte blanchâtre due aux gamètes.
5 – La patelle
Ces mollusques réclamant des rochers, se caractérisent par une progression du sexe de mâle à femelle avec l’âge. Dès 9 mois, une patelle reproduit en libérant ses spermatozoïdes. Après plusieurs années, elle évolue en femelle, pondant ses œufs dans la mer durant l’hiver. Les larves, après avoir fixé leur position sur un support rocheux, se métamorphosent rapidement en petits spécimens ressemblant à des patelles adultes, mais en version miniature.
6 – La crevette du genre Lysmata
Ces crevettes débutent leur cycle en tant que mâles, puis changent de sexe vers leur troisième ou quatrième année pour devenir des femelles. La taille varie selon le sexe : les mâles atteignent généralement 2,5 à 3 cm, tandis que les femelles peuvent mesurer environ 6,7 cm.
7 – Le vers de terre
La majorité des vers de terre atteignent leur maturité sexuelle en moins d’un an. Leur différenciation entre jeunes et adultes se remarque par la présence d’un anneau spécial, appelé le clitellum, situé près de leur tête, qui joue un rôle clé dans la reproduction. En tant qu’hermaphrodites protandres, ils possèdent à la fois des organes mâles et femelles, mais les organes mâles deviennent fonctionnels en premier. Lors de l’accouplement, deux vers se solidariser au niveau du clitellum, où du mucus facilite l’échange de sperme, qui est ensuite stocké dans des réceptacles spécifiques jusqu’à la fertilisation.
Pourquoi changer de sexe ?
La faculté de modifier son sexe est une adaptation évolutive visant à optimiser la réussite reproductive dans des habitats aux conditions changeantes. En changeant de sexe selon les besoins, ces animaux peuvent maximiser leurs chances de se reproduire lorsque les opportunités sont rares ou inégales. De plus, dans certains cas, ce changement permet aussi de préserver la cohésion sociale au sein de groupes hiérarchisés, notamment chez les poissons.
D’un point de vue biologique, tous les mammifères et oiseaux sont de nature « gonochoriques », c’est-à-dire qu’ils conservent leur sexe tout au long de leur vie, déterminé génétiquement par la paire de chromosomes du chromosome 23. L’humain, par exemple, ne compte aucun individu hermaphrodite capable de produire simultanément spermatozoïdes et ovules. Cependant, certains individus intersexués présentent un développement sexuel ambigu, qui ne correspond ni entièrement au mâle ni entièrement à la femelle. En conséquence, leur sexe biologique ne peut pas être modifié par des opérations chirurgicales ou autres interventions, une fois leur développement complété.