Le paon est souvent considéré comme l’un des oiseaux les plus impressionnants de la famille des gallinacés. Sa posture fière, ses plumes éclatantes qu’il déploie lors de la parade, attirent tous les regards. La manière dont cet oiseau exhibe sa parure a donné naissance à l’expression “se pavaner”. Dans cet article, nous allons explorer l’origine de la locution “fier comme un paon” et comprendre pourquoi le volaille est souvent associé à une fierté excessive teintée d’arrogance.
Que signifie réellement l’expression “être fier comme un paon” ?
Lorsqu’on décrit quelqu’un comme “fière comme un paon”, on évoque une attitude prétentieuse, empreinte d’orgueil et de condescendance. Cette personne manifeste une supériorité affichée, parfois de manière exagérée. Sur le plan animalier, une expression similaire est “fier comme un coq”. Les synonymes souvent utilisés pour qualifier cette attitude sont arrogance, mépris ou suffisance. Déjà en 1890, Georges Courteline évoquait ce trait à travers un personnage qui, tout en étant fier de son ignorance, cherchait à impressionner avec une ironie de grand seigneur. Même si cette comparaison avec l’oiseau anciennement vieilli, elle représentait souvent une attitude vaniteuse ou d’affirmation de soi un brin prétentieuse, comme le soulignent deux citations classiques :
- “Dans les rues parisiennes, un paon en train de faire la roue symbolise cette gloire vaine, si éloignée de la chaleur réelle du soleil, qui ne brille qu’aux grandes distances.” (Honoré de Balzac, 1846) ;
- “Sir Archibald, profondément orgueilleux, se comportait comme un paon, jusqu’au titre de baronnet.” (Farrère, 1907).
Faire le paon : une expression pour se montrer fièrement ?
Une autre expression célèbre, qui partage la même signification, est “faire le paon”. Elle désigne l’attitude consistant à arborer des airs avantageux, à exhiber son allure ou à se faire simplement remarquer. Voici deux exemples illustrant son usage : “Monsieur le préfet, lors de l’ouverture des foires agricoles dans votre département, n’oubliez pas que vous faites le paon en exhibant votre frac brodé d’argent” (François Coppée, 1890). Autre exemple : “Quel mystère entourait cette jeune femme magnifique, qui semblait ne penser qu’à toi, et à qui tu faisais le paon à propos de la Grèce, de l’Italie, et de tout autre sujet” (Paul Nizan, 1938).
Pourquoi associe-t-on “fier comme un paon” à une fierté excessive ?
Pour comprendre cette expression, analysons ses composants. L’adjectif “fier”, tel que défini par le Dictionnaire de l’Académie française, renvoie à un sens de la dignité et de l’estime de soi, mais aussi à une attitude hautaine ou méprisante. Le “paon”, lui, désigne l’oiseau célèbre pour son plumage chatoyant, sa queue ornée d’ocelles, qu’il déploie fièrement lors de la parade. La pratique de mettre en avant sa parure lui a valu, dans l’imagerie populaire, celle d’un animal souvent considéré comme orgueilleux. La comparaison dans l’expression renforce l’idée d’une personne qui, pensant être supérieure, manifeste cette attitude par un comportement prétentieux, parfois même dédaigneux.
Le paon : symbole d’une vanité mal placée ?
Ce n’est pas un hasard si, dès le Moyen Âge, le paon a été dépeint comme un animal peu flatteur. Un bestiaire médiéval le décrit comme un oiseau d’apparence simple mais avec une tête serpentiforme et un chant désagréable, qui déploie sa queue colorée pour recevoir des éloges tout en dévoilant ses parties vulgaires. Furetière, en 1690, évoquait déjà un animal vaniteux, fasciné par sa propre image dans sa queue. Le dictionnaire de l’Académie française, dans sa seconde édition (1718), le considérait comme un exemple de personage glorieux, mais à travers la vanité affichée par l’oiseau.
Fier ou naïf comme un paon ?
Au fil des siècles, la perception du paon s’est étendue vers celle d’un symbole de vanité et de prétention. Sa voix perçante et dissonante lui a valu d’être associé à l’idée de quelqu’un de brillant en apparence, mais insignifiant en réalité. Au XVIIIe siècle, on qualifiait “d’un paon” un homme séduisant mais dépourvu de sens. Il incarnait alors l’image de la vaine simplicité, celle qui séduit par l’apparence sans véritable substance.
La connexion entre le paon et la pavane
Au XVIe siècle, la pavane était une danse noble, lente et majestueuse, très en vogue dans les cercles aristocratiques. Les couples dansaient en procession, déployant leur élégance dans un mouvement lent et mesuré. Selon l’historien Brantôme, le nom “pavane” dérive du mot espagnol “pavo”, qui signifie “paon”, en référence à la posture fière et ouverte adoptée lors de cette danse. Le Dictionnaire de Trévoux (1704) décrivait la pavane comme une danse espagnole où les danseurs fendent la foule en faisant tourner leur queue comme des paons, ce qui conférait à la danse un air de grandeur et de majesté, rappelant la posture fière de l’oiseau coloré dans la basse-cour.
Les origines de “se pavaner”
Le terme “paon” provient du latin “pavo”, et c’est de cette racine que dérive le verbe “pavaner”. Dans l’ouvrage “Histoire naturelle des oiseaux” (1771), Buffon précise que “se pavaner” fait référence à la manie des paons de déployer leur plumage en défilant en parade. Aujourd’hui, l’expression a souvent une connotation critique, désignant quelqu’un qui marche avec ostentation, cherchant à attirer l’attention par des gestes ou des vêtements voyants. Jean-Jacques Rousseau s’en servait dans son poème satirique “Le Temple du Goût” (1733), pour illustrer un orgueil exhibé de manière vaine. Au fil du temps, d’autres expressions comme “se paonner” ou “se pavonasser” ont été utilisées pour décrire des comportements hautains ou prétentieux, souvent associés à la démarche fière du paon, dont la femelle était appelée “panesse”. La première édition du Dictionnaire de l’Académie française (1694) mentionnait d’ailleurs ce verbe avec un exemple concret : “Il se pavade comme un paon lorsque ses plumes sont déployées.”