Depuis la nuit des temps, les hommes ont innové pour soigner leurs maladies, mais qu’en est-il du règne animal ? Comment nos amis à quatre pattes ou à plumes se rétablissent-ils naturellement ? La réponse est complexe, car chaque espèce a ses propres stratégies d’autoprotection, renforçant ainsi leur survie. Ces comportements témoignent de leur inventivité et de leur capacité d’adaptation face aux défis de la nature.
La zoopharmacognosie
Ce terme désigne le phénomène où un animal utilise des éléments de son environnement pour traiter ses affections. En somme, c’est une forme d’automédication instinctive. Beaucoup d’animaux ont la capacité de sélectionner dans leur milieu des substances issues de diverses origines — végétale, minérale ou microbienne — afin de combattre des parasites, des infections ou d’autres toxines ingérées avec leur nourriture.
Utilisation de plantes médicinales
Chez les animaux domestiques comme les chats et les chiens, il n’est pas rare de voir certains manger de l’herbe pour soulager leur estomac. Lorsqu’ils souffrent de troubles digestifs, ils peuvent volontairement consommer des plantes ou des herbes capable de les faire vomir, comme l’herbe à chat, composée notamment de jeunes pousses d’orge, de blé ou d’avoine. Leur instinct leur indique que ces plantes peuvent apaiser leurs douleurs ou évacuer des corps indésirables comme des os ou des plumes. Attention cependant, une consommation excessive peut irriter leur estomac ou provoquer une gastrite, il convient donc de rester vigilant.
Ce comportement est également visible dans la nature. Par exemple, les chimpanzés africains consomment des feuilles de Vernonia amygdalina lorsqu’ils ont mal au ventre ou sont infectés par des parasites. Les humains vivant à proximité ont d’ailleurs adopté cette pratique. De plus, certains groupes de chimpanzés ingèrent des baies telles que celles de Phytolacca dodecandra, qui ont un goût amer. Bien que toxiques pour d’autres espèces, ce fruit possède des propriétés antivirales et antibactériennes pour les chimpanzés.
Les éléphants, quant à eux, adaptent leur régime selon leur état de santé ou leur période de gestation et d’allaitement, en consommant jusqu’à 114 plantes différentes pour répondre à leurs besoins spécifiques.
La géophagie, ou manger de la terre
Une autre méthode d’automédication observée chez de nombreux animaux, du passereau au mammifère, consiste à ingérer de la terre ou de l’argile. Cette pratique permet de neutraliser certains toxines ingérées via leur alimentation. Par exemple, les perroquets d’Amazonie et les aras ingèrent de l’argile pour se protéger des alcaloïdes toxiques présents dans certains fruits ou graines. Certains singes, comme les colobes ou les babouins, utilisent aussi cette stratégie.
Le mode d’action repose sur les propriétés adsorbantes de l’argile, riches en minéraux tels que le kaolin ou la smectite. Ces composants piègent et empêchent la circulation dans le corps de substances nocives ou toxiques, facilitant leur élimination. De plus, la terre limite la prolifération de parasites intestinaux en capturant leurs œufs et autres agents pathogènes.
La cicatrisation naturelle et le soin des plaies
Certains animaux utilisent des matériaux naturels pour se soigner. Par exemple, les éléphants se couvrent de boue pour protéger leurs blessures et éviter l’attaque de parasites ou d’insectes nuisibles. La boue aide à maintenir la plaie propre et facilite sa cicatrisation. Au Brésil, l’arbre Myroxylon peruiferum est reconnu en médecine traditionnelle pour ses propriétés cicatrisantes et antimicrobiennes. Des espèces comme les fourmiliers ou les pécaris exploitent cette résine en la frottant sur leur corps ou leur écorce pour bénéficier de ses vertus médicinales.
L’influence des animaux sur les pratiques humaines
Depuis l’Antiquité, le comportement animal a inspiré la création de remèdes à base de plantes. Par exemple, les Navajos du sud-ouest des États-Unis connaissent les propriétés de l’Ligusticum porteri pour ses vertus antivirales et antifongiques, en se basant sur l’observation des ours. Au Gabon, certains groupes utilisent la Tabernanth iboga comme stimulant ou aphrodisiaque, en s’inspirant de l’interaction des animaux sauvages avec cette plante. Au centre de l’Inde, ils reproduisent la consommation de fleurs fermentées de Madhuca, qui ont des effets similaires à ceux de la caféine, à l’image du comportement des paresseux. Les rennes, quant à eux, se nourrissent d’amanites tue-mouches, en dépit de leur toxicité.
Stratégies évolutives pour la survie
Les animaux ont développé des mécanismes génétiques pour lutter contre le cancer, favorisant ainsi leur longévité. Chez les éléphants, la présence de multiples copies du gène TP53 — souvent appelé le « gardien du génome » — permet de réparer les lésions de l’ADN et de déclencher l’élimination des cellules défectueuses. Ce phénomène contribue à leur taux exceptionnellement faible de cancers malgré leur grande taille. De même, les baleines boréales peuvent vivre au-delà de 200 ans tout en étant préservées du cancer, grâce à des mutations spécifiques dans leurs gènes de réparation de l’ADN. Les rats-taupes nus (Heterocephalus glaber) illustrent également cette résistance, avec une production élevée d’acide hyaluronique qui renforce la santé de leurs tissus, limitant ainsi le développement tumoral.
Nature, en somme, constitue une source infinie d’inspiration pour l’Homme dans la quête de solutions thérapeutiques, illustrant à la perfection que l’intelligence de la vie sauvage recèle des clés précieuses pour la médecine moderne.