Pour retracer l’origine de l’expression très courante “rusé comme un renard”, il faut remonter au Moyen Âge. Alors que l’animal est souvent considéré comme particulièrement intelligent dans cette expression, il est légitime de se demander si le renard possède réellement cette finesse ou si cette idée relève davantage d’une perception mythifiée. Quelles preuves concrètes pouvons-nous avancer pour étayer cette réputation?
Le renard, maître en stratégie
La formule “rusé comme un renard” évoque quelqu’un d’assez ingénieux, capable de faire preuve d’une habileté à résoudre des énigmes complexes, à se sortir de situations épineuses, ou encore à éviter les pièges tendus par ses adversaires. Napoléon Bonaparte lui-même soulignait cette finesse tactique en déclarant qu’il fallait parfois délaisser la force brute pour adopter une approche plus rusée, en comparant cela à la différence entre un lion, symbole de puissance, et un renard, maître dans l’art de la dissimulation. La référence à la ruse du renard symbolise la nécessité de déjouer ses ennemis avant de pouvoir agir.
Le renard, parfois perçu comme rusé et sournois
Il faut noter que dans la langue française, “rusé comme un renard” porte aussi une connotation négative, associée à la perfidie et à la tromperie. Certains synonymes évoquent cette idée : malin, astucieux, débrouillard, habile ou futé. La comparaison avec “malin comme un singe” évoque aussi ce trait de ruse, mais dans l’histoire, le singe a souvent été associé au démon ou à des êtres malicieux à cause de ses comportements astucieux mais également malhonnêtes dans certains récits. Le renard, dans la littérature, est souvent présenté comme un animal rusé qui n’hésite pas à utiliser la ruse de façon malhonnête pour obtenir ce qu’il veut.
La réputation intelligent du renard dans l’Antiquité
Les Grecs anciens ont toujours attribué au renard une capacité stratégique remarquable. Dès le Ve siècle avant J.-J.-C., Aristophane évoquait dans sa pièce “Les Chevaliers” la ruse du renard, le dépeignant comme sournois, agile et malin. Un proverbe grec de cette période disait que le renard attendait patiemment que sa proie, comme une poule, tombe dans son piège, ce qui montre qu’on le voit comme un maître planificateur. Ces références indiquent dès cette époque que le canidé est considéré comme un expert dans l’art de la tromperie et de la dissimulation.
La fable du corbeau et du renard d’Ésope
Bien avant l’époque classique, Ésope, écrivain grec du VIIe ou VIe siècle avant J.-C., a illustré cette idée avec une célèbre fable mettant en scène un corbeau et un renard. Le corbeau, attaché à son morceau de viande qu’il tient dans le bec, se fait flatter par le renard qui lui loue la beauté et la grâce, mais surtout l’intelligence. En ouvrant le bec pour répondre à la flatterie, le corbeau laisse tomber sa nourriture, permettant au renard de s’en saisir. La morale implicite souligne la maîtrise du renard pour manipuler le cœur et l’esprit des autres, afin de parvenir à ses fins.
L’origine littéraire de l’image du renard rusé : le Roman de Renart
L’expression “rusé comme un renard” doit énormément à la littérature médiévale, notamment au “Roman de Renart”, un recueil de récits du XIIIe siècle qui racontent les aventures de ce goupil rusé. Le héros, Renart, se montre constamment malin, usant de fourberie pour piéger ses adversaires, en particulier Ysengrin le loup. À cette époque, “goupil” était le terme utilisé pour désigner un renard. La figure de Renart, malicieux et espiègle, est devenue un symbole de ruse et de débrouillardise, si bien que le mot est passé du langage populaire à une représentation littéraire. Au fil des siècles, cette image a été renforcée par la littérature et le théâtre, ancrant durablement la réputation de l’animal dans l’imaginaire collectif.
La renommée du renard dans le dictionnaire
La réputation de ruse attachée au renard perdure à travers les âges. Dès le XVIIe siècle, notamment grâce à Jean de La Fontaine, l’animal acquiert une célébrité littéraire avec la célèbre fable “Le corbeau et le renard”, où la flatterie devient la clé de la victoire du canidé. Cette histoire a cementé la plume du renard comme un symbole d’intelligence pratique. En 1678, l’expression “rusé comme un renard” entre officiellement dans le dictionnaire français, officialisant cette réputation populaire et littéraire de l’animal.
Le vrai visage de l’intelligence du renard : mythe ou réalité
Les exploits présumés de ruse chez le renard alimentent de nombreuses anecdotes, parfois étonnantes. Par exemple, lorsqu’il veut se préserver d’un danger, certains racontent qu’il urinait sur un hérisson ou se roulait dans la terre rouge pour simuler une blessure ou la mort, afin de tromper ses prédateurs ou les oiseaux qui l’entourent. On prête aussi au renard la capacité de traverser des rivières lors de chasses pour dissimuler ses traces. Architecte de ses stratégies, il possède un museau pointu, des oreilles dressées et des yeux aux pupilles verticales, rappelant ceux des félins, pour lui conférer un regard vif, rusé et toujours en alerte.
Le renard, à la fois rusé et parfois dupé
En réalité, le renard est un animal extrêmement adaptable. Sa capacité à survivre dans divers environnements, des steppes arctiques aux forêts d’Europe, en passant par les zones urbaines, illustre sa débrouillardise. Son sens aiguisé, notamment la vision nocturne, l’odorat, l’ouïe fine et les vibrisses sensibles, lui permet de chasser efficacement et d’éviter les dangers. Toutefois, même le plus rusé peut être victime de ses propres stratagèmes : plusieurs fables de La Fontaine illustrent comment d’autres animaux, comme la cigogne ou le chat, parviennent à le tromper, prouvant que l’intelligence n’est pas toujours une garantie totale contre la ruse d’autrui.