Le récit dans l’album Les bijoux de la Castafiore, inspiré de l’opéra de Rossini La pie voleuse, soulève-t-il une vérité ou s’agit-il d’une fiction ? Dans cette histoire, Tintin élucide la disparition d’une précieuse émeraude de la cantatrice en découvrant qu’une pie en est responsable, en la retrouvant dans un nid d’oiseau. La pie étant souvent associée à la thématique du vol ou de la cupidité, certains se demandent si cette idée est fondée ou si elle relève davantage du mythe. Quelle est la réalité derrière cette réputation ?
La attraction des pies pour ce qui brille
Souvent considérée comme un symbole de bavardage, la pie, dont le nom scientifique est Pica pica, semble également avoir une tendance à dérober des objets. Pourtant, malgré cette facette peu reluisante, elle demeure un animal très répandu, à tel point qu’elle est classée comme nuisible dans plusieurs régions françaises, avec une autorisation de tir sous conditions. Son invasion dans les campagnes est parfois reprochée pour déstabiliser la faune locale, notamment en pillant les réserves de jeunes animaux ou d’oiseaux. Cependant, aucune preuve scientifique solide n’appuie ces accusations. En réalité, la législation dans certains départements a même été revue pour préserver cette espèce, qui bénéficie aussi d’une protection légale dans d’autres pays comme la Belgique ou le Luxembourg.
Des spécialistes britanniques apportent des éclaircissements
Des chercheurs de l’université d’Exeter, en Grande-Bretagne, ont mené des études pour déterminer si la réputation de voleur des pies est justifiée ou non. En expérimentant à la fois avec des pies sauvages et élevées en captivité, ils ont présenté divers objets aux oiseaux, certains brillants, comme des morceaux de métal ou d’aluminium, et d’autres peints en bleu mat. Les tests, réalisés en extérieur comme en intérieur, ont montré que la pie n’était pas particulièrement attirée par les objets brillants. Autrement dit, elle n’a pas une prédilection pour le vol de bijoux ou d’objets scintillants.
Les chercheurs ont alors envisagé la raison pour laquelle cette image a persisté. Ils pensent que l’être humain, en étant naturellement attiré par ce qui brille, tend à souvenir principalement des rares fois où une pie aurait été vue en train de saisir un objet brillant. Ce biais cognitif, lié à notre perception accidentelle, pourrait expliquer cette croyance populaire : nous retenons davantage les anecdotes confirmant cette idée, tout en ignorant les nombreuses autres actions de ces oiseaux qui ne concernent pas le vol d’objets précieux.
La pie : un acteur clé de l’écosystème
Omnivore opportuniste, la pie se nourrit aussi bien d’insectes, de graines que de petits animaux, notamment en consommant occasionnellement des œufs ou des jeunes oiseaux pour alimenter sa propre nichée. Cependant, comme d’autres oiseaux, comme les merles ou les hirondelles, qui peuvent mener plusieurs couvées par an, la pie n’est pas en nombre suffisant pour affecter de façon notable la biodiversité locale. Les études menées montrent qu’elle n’est pas responsable du déclin des petites espèces d’oiseaux. Son impact sur la population de ces dernières reste insignifiant comparé à celui des chats ou d’autres prédateurs.
Au-delà de sa consommation de petits animaux et d’insectes, la pie se nourrit également de fruits, de graines, mais joue aussi un rôle d’agent nécrophage, participant à la décomposition des débris organiques. Sa capacité à suivre d’autres prédateurs pour cueillir de potentiels restes de nourriture, ainsi que sa faculté à voler des provisions entre oiseaux, illustrent son intelligence et sa dextérité.
La richesse cognitive de la pie et ses particularités
Appartenant à la famille des Corvidae, la pie partage avec ses proches une intelligence notable. Selon une étude de 2004, ces oiseaux rivalisent même avec certains grands singes en matière de capacités cognitives, incluant le raisonnement, la socialisation, la flexibilité mentale et la capacité d’innovation. La pie se démarque notamment par sa faculté à se reconnaître dans un miroir, une aptitude rare chez les animaux, qui témoigne d’un niveau avancé de conscience de soi.
Une hypothèse avancée pour expliquer son attirance supposée pour ce qui brille est qu’elle aurait pu être observée en train de se mirer dans des surfaces réfléchissantes. Si cette capacité à se reconnaître est bien réelle, elle pourrait également expliquer sa tendance à s’intéresser aux objets brillants, voire à en collectionner dans ses nids, qui peuvent être décorés avec divers matériaux, sans que ceux-ci aient forcément une valeur de brillance. Parmi ses stratégies, la pie sait aussi stocker intelligemment ses provisions, en créant de multiples cachettes, souvent dissimulées dans la végétation ou dans des trous au sol, pour déjouer ses congénères voraces.
En résumé, la pie est un animal doté d’une intelligence exceptionnelle, capable d’adopter des comportements complexes, à la fois pour se procurer à manger ou pour décorer son nid, mais également pour rester à l’abri des raids de ses semblables. Ce comportement, qui pourrait sembler joueur ou rusé, est en réalité une manifestation de leur grande capacité d’adaptation et leur savoir-faire dans leur environnement naturel.