Les récits historiques mettent souvent en avant les conflits armés, mais ils négligent fréquemment la participation des animaux à ces guerres. Depuis l’époque antique, ces compagnons discrets ont occupé un rôle essentiel dans divers domaines, du déplacement de matériel à la transmission d’informations stratégiques. Leur implication, qu’elle soit glorifiée ou tragique, a souvent laissé sa marque sur le déroulement des événements historiques.
Explorez ces créatures engagées en tant que soldats, véritables héros méconnus des champs de bataille, qui ont façonné le cours des guerres telles que nous les connaissons aujourd’hui.
Quelles espèces animales ont soutenu les forces armées lors des conflits ?
Depuis l’Antiquité, les chevaux, éléphants, chiens et chameaux ont été sélectionnés pour leur force, leur rapidité, ou leur sens aigu. Ils ont épaulé les soldats dans leur combat, parfois au péril de leur vie. Certains ont obtenu des décorations, d’autres sont tombés, et certains ont été oubliés par l’Histoire…
Les oies
Les oies du Capitole illustrent parfaitement l’engagement des animaux dans la défense militaire. Revenons à Rome ancienne : en 390 av. J.-C., alors que la ville est assiégée par des Gaulois menés par Brennus, c’est une troupe d’oies consacrées à Junon qui intervient. En poussant leurs cris stridents, ces oiseaux alertent les défenseurs romains et évitent une surprise désastreuse lors de l’assaut. Cet épisode est si marquant qu’il est entré dans la légende, et parce qu’il est considéré comme sacré, cet hommage est renouvelé chaque année le 3 août au Circus Maximus. Selon Tite-Live, c’est grâce à ces volatiles que le Capitole a été sauvé.
Les chevaux
L’exploitation du cheval en temps de guerre est historique. Que ce soit Bucéphale, la monture légendaire d’Alexandre le Grand, qui a pourfendu de nombreux ennemis lors de ses campagnes, ou Marengo, le cheval de Napoléon Bonaparte, qui a survécu à la campagne de Russie et à Waterloo, ces animaux ont été le pivot de nombreuses victoires ou défaites. Les descriptions anciennes montrent que Bucéphale était souvent représenté comme ayant une robe noire avec une longue marque blanche sur le visage. Pourtant, les représentations picturales varient, parfois le montrant gris ou alezan.
Les chiens
Véritable allié dans les zones de combat, le chien a souvent été envoyé en mission pour détecter les menaces ou soutenir le moral des troupes. Pendant la guerre de 1914-1918, ils se faufilaient dans les tranchées, apportant des messages ou repérant des mines et des explosifs. Leur rôle de détection est toujours valorisé aujourd’hui. Parmi eux, Stubby, un chien américain de la Première Guerre mondiale, est emblématique.
Les dauphins
Certains mammifères marins, notamment des dauphins, ont été formés par les forces russes et américaines pour discrètement se déplacer sous l’eau et détruire des navires ou repérer des sous-marins. Leur utilisation s’est notamment déroulée en Irak en 2003 et durant la guerre du Vietnam. En 2016, la Russie a acquis plusieurs dauphins dans une optique stratégique, poursuivant des missions militaires suite à l’ouverture d’un centre de dressage lors de l’annexion de la Crimée en 2014.
Les éléphants
Parmi les animaux utilisés comme soldats, les éléphants jouent un rôle historique notable. En 218 av. J.-C., Hannibal a traversé les Alpes avec un contingent d’éléphants pour attaquer l’armée romaine. Utilisés comme machines d’assaut, leur puissance et leur taille impressionnèrent leurs adversaires. Plus tard, Alexandre le Grand reçut ces pachydermes entre 356 et 323 av. J.-C., en les intégrant à ses forces. Après sa disparition, ses généraux, nommés les Diadoques, continuèrent à faire appel à ces animaux dans de nombreuses batailles pour maintenir leur empire. Leur rôle a été aussi pris en compte par les Romains, en Inde et en Iran, où ils servaient à effrayer l’ennemi. L’évolution des tactiques militaires a cependant réduit leur utilisation dans les conflits modernes.
Les pigeons
Les pigeons voyageurs ont été des messagers indispensables lors des grandes guerres. La difficulté de communication dans les tranchées a fait de ces oiseaux une solution efficace pour transmettre des renseignements vitaux. La fierté nationale, comme celle de Tendances et animaux, rappelle que ces oiseaux ont sauvé de nombreux soldats. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni a constitué le National Pigeon Service, envoyant des milliers de pigeons à travers la Manche pour des missions de communication. Parmi eux, Gustav et Paddy sont célèbres. Outre la transmission de messages, certains pigeons étaient équipés de petits appareils photo pour agir comme agents secrets. Leur usage remonte aux guerres napoléoniennes, où Napoléon Bonaparte utilisait également régulièrement ces volatiles pour assurer la liaison entre ses commandements.
Un ours
Un exemple hors norme est celui de Woktek, un ours brun utilisé par des soldats polonais durant la Seconde Guerre mondiale. Initialement mascotte, il devint caporal et participa au transport de munitions. Aujourd’hui, une statue lui est dédiée à Cracovie, en Pologne, et une autre à Édimbourg, où il a passé sa fin de vie dans un zoo.
Les chameaux
Adaptés aux environnements désertiques, les chameaux à deux bosses ont été massivement utilisés dans des zones arides. Leur résistance exceptionnelle leur permet de transporter des charges lourdes sur de longues distances, sans manger ni boire pendant plusieurs jours. Leur déplacement silencieux, associé à leur capacité à franchir des terrains inaccessibles à la mechanisation, en faisait des véhicules de choix dans le passé. Dans l’Antiquité, lors du Moyen-Orient et d’instances en Afrique du Nord, ils étaient essentiels pour la logistique militaire. Avec le temps, leur rôle s’est poursuivi durant les conflits du XXe siècle, notamment en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Aux États-Unis, l’expérience du United State Camel Corps dans le XIXe siècle visait à exploiter ces animaux comme bêtes de somme, mais l’armée américaine a fini par abandonner cette initiative lors de la guerre civile.
Quel effet ont eu les conflits sur ces animaux de combat ?
La Première Guerre mondiale a mobilisé environ 14 millions d’animaux, dont 120 000 ont été décorés pour leur bravoure. Selon Eric Baratay, historien, auteur de « Bêtes des tranchées », on recense notamment :
- 11 millions de chevaux
- 100 000 chiens
- 200 000 pigeons, plusieurs ayant péri sous le feu ou à cause des gaz
Pour la Seconde Guerre mondiale, ce chiffre grimpe à 30 millions d’animaux engagés dans les batailles, d’après Martin Monestier. Bien que difficile d’estimer leur nombre total, il est certain que de nombreux animaux ont sauvé des vies humaines, souvent en risquant leur propre existence.
Quelles autres espèces accompagnaient les soldats durant les hostilités ?
En plus des animaux de combat, certains moins communs ont aussi pris part aux conflits, comme les puces, les poux ou encore les rats. Les soldats de la Première Guerre mondiale, pour échapper aux morsures, dormaient parfois dans des lits cages. Les poux, appelés affectueusement « totos », faisaient partie du quotidien dans les tranchées, aggravant la misère et contribuant à la propagation de maladies comme le typhus. Ces parasites, ainsi que les mouches piquantes ou charbonneuses, qui contaminent la nourriture ou l’eau, rendaient la vie encore plus difficile pour les combattants. Les rats, attirés par la vermine et les cadavres, devenaient une menace sanitaire majeure. Aujourd’hui, selon l’association 30 millions d’amis, on dénombre environ 950 chiens dans les unités militaires françaises et dans la police.
Examiner le rôle de ces animaux dans les guerres permet de découvrir leur courage, leur sacrifice et leur capacité d’adaptation — des valeurs que, parfois, l’humanité ne sait pas toujours reconnaitre… quand elle ne les oublie pas.