Représentant emblématique de la capitale française, la Seine est bien plus qu’un simple fleuve urbain. Elle a inspiré de nombreux artistes et continue d’attirer des photographes passionnés. Des millions de visiteurs profitent de ses rives ou embarquent à bord de bateaux pour découvrir ses paysages. Récemment, l’organisation des Jeux Olympiques de 2024 à Paris et certains évènements sportifs s’étant déroulés dans ses eaux ont suscité des débats. Cependant, au-delà des enjeux liés à la pollution, la Seine demeure un lieu où la vie sauvage s’épanouit ou transite occasionnellement. La diversité d’espèces qui y trouvent refuge dépasse parfois l’imagination, invitant à une exploration inhabituelle de ce que cache ce fleuve parisien.
Les poissons de la Seine : des habitants inattendus
Le silure est un poisson imposant, surnommé le « géant des rivières », pouvant atteindre une taille d’un à deux mètres, voire davantage. Sa présence dans la Seine surprend souvent, surtout parce qu’il dépasse la taille moyenne des poissons d’eau douce en France. Ce redoutable prédateur, aperçu à plusieurs reprises, peut susciter à la fois fascination et inquiétude chez ceux qui le croisent. Des pêcheurs amateurs, attirés par l’idée de capturer une espèce exceptionnelle, ont souvent rapporté des silures de grande taille, notamment autour de Paris. Il ne faut toutefois pas croire qu’ils sont rares dans la capitale.
Plus modeste, le sandre arbore des dimensions plus contenues, habituellement entre 30 et 60 centimètres. Malgré cela, certains spécimens exceptionnels peuvent atteindre une longueur de 1,30 m et un poids avoisinant 15 kilogrammes. Ce poisson, vivant en moyenne 10 à 15 ans, se distingue par ses reflets argentés et ses bandes noires qui en font une espèce facilement identifiable. Dans la Seine parisienne, il est fréquent, notamment parmi les pêcheurs, car il offre un défi sportif intéressant. La captures de sandres est autorisée, mais leur consommation est proscrite pour des raisons sanitaires, ce qui limite néanmoins la motivation à les pêcher à des fins de consommation.
L’anguille d’Europe a une vie migratoire remarquable. Née dans la mer des Sargasses, elle doit parcourir jusqu’à 6 000 kilomètres pour atteindre les eaux de la Seine en grandissant. Lorsqu’elle se prépare à repartir pour la mer afin de se reproduire, elle adopte un aspect argenté. À cette étape, ses organes reproducteurs prennent toute la place, rendant impossible pour elle de se nourrir. Certaines anguilles, coincées en rivière pour diverses raisons, restent juvéniles pendant plusieurs décennies. Des études en laboratoire ont montré que ces anguilles peuvent vivre jusqu’à 120 ans. Malheureusement, cette espèce est aujourd’hui en danger d’extinction, principalement à cause de la pollution et des obstacles qui entravent leur migration.
Le retour en force des saumons de l’Atlantique dans la Seine depuis quelques années témoigne d’une amélioration notable de la qualité de l’eau. En 2008, la pêche d’un saumon de 7 kg près de Paris avait marqué une étape importante après plusieurs décennies d’absence. Plus récemment, en 2020, un saumon d’environ 90 centimètres a été aperçu, renforçant l’espoir d’un résilience des milieux aquatiques par la reconstruction naturelle.
La faune mammifère : des visiteurs surprenants
En été 2022, la Seine a connu des apparitions exceptionnelles : des habitants de l’Eure ont aperçu successivement une orque, un beluga et un phoque de la famille des veaux marins (Phoca vitulina). La présence de ces mammifères marins, qui restent rares, témoigne de l’état peu conventionnel de la faune de la Seine. Le veau marin peut séjourner dans la rivière durant plusieurs semaines, voire deux mois, restant une figure occasionnelle. La première fois qu’un phoque barbu y a été observé remonte à 2006, lorsque l’animal a remonté la Seine jusqu’au Val-d’Oise, proche de Paris. Sa présence a duré quelques semaines. Originaire de l’océan Arctique, cette espèce est étonnamment descendue aussi loin vers le sud.
Les rongeurs semi-aquatiques, comme le castor et le ragondin, s’implantent de plus en plus dans l’environnement fluvial parisien. Le castor, capable de bâtir des barrages, est considéré comme un ingénieur de la nature, tandis que le ragondin, venu d’Amérique du Sud, est parfois mal perçu pour les dégâts qu’il cause aux berges. À certains moments, il arrive aussi de croiser un rat musqué, introduit pour sa fourrure, et qui a tendance à occuper nos cours d’eau en transit, en quête de nouveaux territoires. Ces animaux, observés par des photographes amateurs, contribuent à donner une image vivante et évolutive de la Seine.
Oiseaux de la Seine : mélanges de pêcheurs et de voyage
Les cormorans deviennent un spectacle de plus en plus fréquent au-dessus de la Seine. Leur aptitude à plonger profondément pour capturer leur nourriture en fait des figures remarquables pour les observateurs. Si certains critiquent la compétition entre ces oiseaux et les populations piscicoles, ils participent néanmoins à l’ambiance sauvage qui confère au paysage parisien une touche sauvage.
Les mouettes et les goélands, quant à eux, peuplant abondamment le fleuve, apportent un dynamisme visible. Bien que souvent confondues, ces deux espèces jouent des rôles distincts dans l’écosystème : les mouettes, fines et élégantes, contrastent avec la taille et l’attitude plus audacieuse des goélands qui cherchent leur nourriture avec insistance. Leur présence crée un ballet aérien qui divertit souvent les promeneurs.
Le héron cendré, avec ses longues pattes et son cou élégant, observe en silence la rivière. Cet oiseau est adoré pour sa posture gracieuse et sa patience lors de la chasse. Sa présence au cœur de la ville rappelle que même dans un environnement urbain, la Seine continue d’accueillir une faune riche et variée.
Le martin-pêcheur est une espèce peu commune à Paris, mais qui s’y trouve encore, malgré une population en déclin en Île-de-France. On peut l’apercevoir sur les berges de la Seine ou dans les petits points d’eau des grands parcs parisiens comme Bercy, Montsouris ou la Villette. En 2018, un couple y avait même élu domicile, nichant dans une cavité. La présence de ce petit oiseau aux couleurs électriques de bleu et d’orange est considérée comme un précieux trésor pour les ornithologues amateurs, témoignant de la richesse écologique de la région.
Présences étonnantes et insolites
En juin 2009, un promeneur a signalé la découverte d’une tortue alligator (Macrochelys temminckii) dans la Seine, près du pont de Bir-Hakeim. La tortue, originaire des États-Unis, avait été capturée par les pompiers puis confiée à une ferme tropicale à Paris. Sa carapace pointue et ses mâchoires puissantes en faisaient une créature impressionnante, pouvant dépasser 70 centimètres pour 100 kilogrammes. Restant probablement abandonnée, cette espèce invasive présente un danger potentiel, en particulier en cas de morsure. Certains pays européens la considèrent comme une espèce à proscrire.
Une légende urbaine affirme que des crocodiles vivraient dans les égouts de Paris, mais il s’agit d’une simple rumeur. La réalité historique est différente : en mars 1984, un jeune crocodile du Nil femelle, mesurant 80 centimètres, a été découvert dans les égouts, puis transféré au Jardin des Plantes avant de finir ses jours à la Ferme aux crocodiles de Pierrelatte. Ce fut une situation isolée, sans évolution vers une population sauvage.
Enfin, la Crapesdacusta Sowerbyi est une méduse d’eau douce rare, mesurant une vingtaine de millimètres. Originaire de Chine, cette espèce s’est répandue sur tous les continents. La première observation en Europe date de 1880 à Londres, probablement introduite via des plantes aquatiques importées. Dans la Seine, lorsque la température dépasse 20°C, cette méduse peut se fixer et devenir une vraie meduse. Son contact peut provoquer des réactions allergiques bénignes, mais elle ne constitue pas une menace majeure.
Chacune de ces espèces témoigne de la richesse insoupçonnée d’un écosystème à la fois fragile et surprenant. La Seine, bien connue pour son romantisme, cache également une vie sauvage méconnue, témoignant de la capacité de la nature à résister et à s’adapter, même dans un environnement urbain aussi densément artificialisé.