Comprendre l’expression ‘être pris pour un pigeon’ : origine et sens

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L’expression « se faire avoir » par quelqu’un dans une situation commerciale ou personnelle est souvent illustrée par l’image d’un pigeon. Lorsqu’une personne tente de lui vendre quelque chose à un prix exorbitant ou le dupant intentionnellement, on lui dit qu’elle a été « prise pour un pigeon ». Cette tournure évoque une certaine crédulité ou naïveté, mais pourquoi avoir choisi cet oiseau comme symbole de tromperie ? La réponse réside dans ses caractéristiques et ses représentations historiques.

Que représente réellement l’expression « prendre quelqu’un pour un pigeon » ?

Concrètement, cette expression signifie manipuler ou arnaquer quelqu’un en lui faisant croire à une offre ou une situation favorable, alors qu’elle cache une douche froide. Être considéré comme un pigeon, c’est faire preuve d’une confiance excessive ou d’une naïveté qui expose à la tromperie, au point de se faire dépouiller ou « plumer ». L’image évoque la vulnérabilité d’une cible facile à duper.

Une vieille maxime illustre cette idée : « tous les matins, un pigeon se lève ». Elle laisse entendre que certains individus sont si simples à berner qu’il suffit de les attendre pour qu’ils succombent à des manipulations, révélant une tendance à la crédulité face à des escrocs astucieux. En somme, le pigeon incarne à la fois la naïveté et la vulnérabilité face à la ruse d’autrui.

Ce comportement peut aussi résulter d’une naïveté innée ou d’un manque d’expérience, tout comme il peut résulter d’un piège mûrement préparé par un escroc habile. La distinction est essentielle : la victime peut être honnête mais trop confiante ou maladroite dans ses choix.

Origine historique de l’expression : la huppe, responsable de la métaphore !

Le terme « plumer » remonte au XIIIe siècle et évoque le fait de se faire dépouiller. Par la suite, au XVIe siècle, l’expression « se faire duper » apparaît pour désigner une escroquerie. Le mot « duper » dérive en partie de l’image de la huppe, cet oiseau au plumage orné d’une crête qui rappelle une coiffure élégante. Lorsqu’on parlait de « déhupper », il s’agissait de retirer cette crête, symbole de sophistication, pour signifier que l’on était dépouillé ou déshabillé de son apparence.

Au fil du temps, la huppe a laissé place au pigeon dans les représentations populaires. Cet oiseau était largement répandu, moins noble que la huppe, mais tout aussi vulnérable à l’exploitation ou à la tromperie. Sa simplicité apparente lui a permis de devenir le symbole de la crédulité et de la manipulation. Dans certains cercles, on qualifiait aussi de « pigeons » les joueurs peu avisés ou ceux qui perdaient de l’argent en se laissant berner.

Aujourd’hui, le pigeon symbolise toutes sortes de situations où la confiance est mal placée : dans une négociation, dans une relation amoureuse ou dans des échanges déséquilibrés où l’un en profite au détriment de l’autre.

Le pigeon, véritablement naïf ou plutôt malicieux ?

En réalité, contrairement à l’image qu’on lui prête souvent, le pigeon voyageur, surtout lorsqu’il est entraîné, n’est pas dénué d’intelligence. À l’inverse, cet animal possède des capacités cognitives surprenantes. Il est capable de distinguer des œuvres d’art, comme une peinture de Picasso d’une toile de Monet, selon une étude menée par l’université de Keio au Japon en 1995, publiée dans le Journal of the experimental analysis of behaviour. Ces résultats remarquables ont même reçu un prix IgNobel, preuve de leur sérieux.

De plus, cette espèce peut apprendre, résoudre des problématiques complexes et même utiliser des outils, ce qui réfute l’idée qu’il s’agirait d’un animal simpliste ou idiot. La prétendue naïveté du pigeon est donc une facette exagérée, façonnée par des représentations culturelles plutôt que par sa véritable nature.

D’autres expressions françaises mettant en scène le pigeon

Au-delà de la critique de naïveté, le pigeon apparaît dans plusieurs tournures populaires évoquant la tendresse ou la naïveté affectueuse. Par exemple, « roucouler comme des pigeons » évoque des couples amoureux qui échangent des paroles douces et romantiques, silencieux face au reste du monde. La comparaison avec le roucoulement, ce son discret et répétitif, souligne la douceur et l’intimité de ces échanges.

Aussi, qualifier quelqu’un de « pigeon voyageur » renvoie à une personne qui aime parcourir de longues distances ou effectuer de nombreux déplacements, à l’image de ces oiseaux utilisés pour transmettre des messages ou faire des livraisons rapides.

Quant au terme « pigeonner », il désigne l’acte de duper ou d’arnaquer. Son origine remonte aux pigeonniers, où le nombre d’oiseaux représentait la richesse d’un propriétaire. Certains aristocrates, poursimuler une fortune plus grande qu’elle ne l’était réellement, ajoutaient de faux boulins (nichoirs). Par cette supercherie, ils épousaient des jeunes filles croyant accéder à une fortune, alors qu’en réalité, ces dernières étaient « pigeonnées ».

Comment dit-on cette idée dans d’autres langues ?

Dans le monde anglophonique, l’expression équivalente est « to be taken for a ride », qui signifie être emmené dans une aventure trompeuse ou se faire berner par une ruse. En allemand, on parle de « Für dumm verkauft werden » — littéralement « être vendu comme idiot » — pour faire référence à une personne dupée ou prise pour une imbécile.

En espagnol, des expressions comme « tomar por tonto » ou « tomar por idiota » traduisent l’idée de prendre quelqu’un ou quelque chose pour un imbécile, mettant en évidence la notion de tromperie ou de crédulité de façon explicite.