La réputation de l’araignée appelée mygale en tant qu’espèce potentiellement dangereuse n’est pas totalement injustifiée, même si la majorité des espèces est inoffensive pour l’humain. La seule exception notable est une variété australienne dont le venin peut être fatal dans certains cas. Ces araignées aux appétits insatiables sont capables de dévorer de petites proies comme des oiseaux ou des reptiles. En revanche, celles présentes en France métropolitaine sont sans danger et passent le plus clair de leur temps dissimulées dans des terriers sophistiqués qu’elles construisent elles-mêmes à l’aide de leurs pattes. La majorité de ces araignées, connues sous le nom de mygales maçonnes, tirent leur nom du grec “mugalê”, qui signifie musaraigne, en référence à leur mode de vie souterrain. Voici un aperçu de ces fascinantes araignées, qu’elles soient de nos régions ou de l’ailleurs.
Que désigne la mygale ?
Appartenant à la grande famille des araignées, la classification des aranéides se divise en trois principaux sous-ordres :
- Les aranéomorphes regroupent la majorité des espèces connues ;
- Les mygalomorphes, ou orthognathes, représentent une petite fraction, environ 5 %, de la diversité arachnéenne ;
- Les mésothèles, ou liphistiomorphes, comptent seulement quelques espèces présentes en Extrême-Orient.
Comment reconnaître une mygale ?
Les mygales, appelées aussi orthognathes, se distinguent par une orientation particulière de leurs chélicères, qui pointent vers l’avant, contrairement à celles des aranéomorphes. Leur corps est également fortement poilu, un trait caractéristique qui leur confère une apparence velue. Leur taille varie grandement : d’environ 7 cm à plus de 25 cm en incluant les pattes, selon l’espèce. Les couleurs peuvent aller du noir au brun, en passant par des teintes roussies, grises, ou même bleues et vertes à certains stades de développement. Comme toutes les araignées, elles possèdent une cuticule, une structure externe durcie faite de chitine, leur assurant une protection efficace. Leur corps se divise en deux segments : le céphalothorax et l’abdomen, reliés par une région fine permettant une grande souplesse. Voici quelques détails importants :
Le prosome (céphalothorax)
Le prosome, combinant la tête et le thorax, supporte quatre paires de pattes articulées, chacune composée de sept segments. Ces appendices terminés par des coussinets poilus permettent aux mygales d’accrocher les surfaces verticales ou lisses. Sur la face avant, deux chélicères munis de crochets sont utilisés pour saisir et injecter du venin dans leurs proies. Deux pédipalpes, plus longs que les pattes, servent à détecter leur environnement et jouent également un rôle dans leur reproduction. Chez les mâles, ces derniers sont également des organes reproducteurs, dotés de bulbes contenant le sperme.
L’abdomen (opisthosome)
Ce segment contient des organes essentiels tels que le cœur, qui fait circuler une hémolymphe incolore dans tout le corps. Cette circulation se fait sans vaisseaux, contrairement aux vertébrés. Sur la partie inférieure de l’abdomen, on trouve des ouvertures pulmonaires, ainsi que l’éggyne, qui constitue l’appareil reproducteur féminin. À l’extrémité de cette section, deux paires de filières sécrètent la soie, qu’elles utilisent pour diverses fonctions telles que la construction de leurs abris ou la capture de proies.
Où vivent les mygales ?
Ces araignées habitent principalement les zones chaudes sur tous les continents. Elles sont particulièrement présentes dans les régions tropicales et subtropicales d’Afrique et d’Amérique du Sud, où leur nombre est plus élevé près de l’équateur. On les trouve aussi en Asie, en Amérique du Nord, en Europe et en Océanie, notamment en Australie, où les espèces du genre atrax sont célèbres pour leur dangerosité potentielle. Leur habitat est très varié : elles évoluent dans les forêts tropicales humides, les forêts tempérées, ainsi que dans des déserts, savanes, zones semi-arides ou côtières, en fonction des conditions locales.
Quelles sont les mygales présentes en France ?
En France métropolitaine, on recense actuellement 21 espèces réparties dans trois familles différentes. Parmi celles-ci, quelques-unes sont plus fréquemment rencontrées :
Atypus affinis (famille des atypidés)
Surnommée la mygale à chaussette ou la plus commune, cette araignée de petite taille ne dépasse pas 15 mm chez la femelle, et 9 mm chez le mâle. Elle occupe des espaces souterrains peu secs et peu ensoleillés, tels que les talus ou les jardins, y compris en ville. Sa toile, ressemblant à une chaussette, se compose d’une partie aérienne destinée à la chasse, pouvant atteindre 10 cm de long, et d’une partie souterraine deux fois plus grande. Lorsqu’une proie entre sur la toile, la vibration qu’elle ressent suscite la réaction de la mygale qui mord pour immobiliser sa victime, puis la ramène dans son abri pour la dévorer.
Nemesia caementaria (famille des némésiidés)
Ce groupe comprend la majorité des espèces françaises, avec 16 représentants. La *Nemesia caementaria*, très présente en Méditerranée et en Occitanie, construit un terrier pouvant atteindre 30 cm de profondeur. La femelle, plus grande que le mâle (environ 20 mm contre 12 mm), peut vivre jusqu’à 20 ans, tandis que le mâle ne survit généralement pas plus d’un an après la reproduction. Elle saisit tout insecte passant près de son entrée.
Cteniza sauvagesi (famille des cténizidés)
On la surnomme parfois la mygale pionnière, vivant en Corse, mais aussi en Sardaigne et en Italie continentale. Elle construit une galerie souterraine recouverte d’un opercule en soie et terre, qu’elle utilise comme porte pour attraper ses proies. Le mâle, qui ne creuse pas de tunnels, se cache sous les pierres. La taille de cette espèce varie : le mâle mesure entre 20 et 27 mm, la femelle entre 25 et 38 mm. Une autre espèce, Cteniza genevieveae, a été découverte récemment en Corse (2018).
Leur alimentation
Les mygales mangent principalement des invertébrés, mais leur régime peut inclure des proies plus grandes. Leur menu type inclut coléoptères, mille-pattes, grillons, fourmis, blattes, criquets ainsi que des scorpions ou d’autres araignées. La célèbre mygale Goliath, originaire d’Amazonie, est capable de se nourrir occasionnellement de petits animaux vertébrés : petits serpents, lézards, géckos, grenouilles, crapauds, rongeurs, voire de petits oiseaux. Ces araignées vivent souvent en solitaire, pouvant passer plusieurs semaines, voire des mois, sans se nourrir si nécessaire.
Comment chasse la mygale ?
Pour capturer sa nourriture, la plupart des mygales construisent des toiles, dont la forme varie d’une espèce à l’autre : certains creusent un entonnoir menant à leur terrier, d’autres élaborent des tapis plats en surface. Elles attendent souvent près de leur abri ou à son entrée. Leur faiblesse visuelle et auditive leur impose de détecter les proies essentiellement par le biais de vibrations, que transmettent leurs nombreux poils sensoriels. Lorsqu’une victime est sur la toile, la mygale bondit pour la mordre et y injecter son venin, qui la paralysera. Ensuite, elle utilise des enzymes digestives pour liquéfier la proie de l’intérieur. La nourriture pilotée par ces enzymes devient plus aisément absorbable, permettant à la mygale de se nourrir de cette soupe de substances organiques.
La reproduction de la mygale
Une fois l’accouplement terminé, la femelle stocke le sperme dans une spermathèque, un réservoir interne. La fécondation intervient lors de la ponte, qui a lieu quelques semaines ou mois après la copulation selon les espèces. La mygale fabrique alors une nappe de soie pour déposer plusieurs centaines d’œufs et forme un cocon pour les protéger. Elle peut déplacer ce cocon à sa guise à l’aide de ses chélicères afin de le dissimuler des prédateurs. Après une période d’incubation de 3 à 5 semaines, de jeunes araignées en sortent. Elles restent près de leur mère pendant quelques semaines, puis commencent à explorer leur environnement.
La mue chez la mygale
Une étape cruciale dans leur croissance, la mue permet aux mygales d’éliminer leur ancienne peau. Elles doivent pour cela cesser de se nourrir plusieurs semaines avant, et relâchent des enzymes pour ramollir leur vieille cuticule. En gonflant leur corps en aspirant de l’air et de leur hémolymphe, elles provoquent la rupture de leur vieille peau au niveau du céphalothorax. La nouvelle peau étant encore molle, la météo et les prédateurs leur imposent une période de vulnérabilité pendant laquelle elles doivent attendre que leur nouvelle enveloppe durcisse, avant de redevenir actives. La longévité de ces araignées est remarquable : une femelle peut vivre jusqu’à 20 ou 30 ans, une longévité exceptionnelle. La recordwoman connue est une mygale de l’espèce Gaius Villosus, qui a atteint l’âge de 43 ans en Australie.
La dangerosité de la mygale pour l’humain
Malgré leur réputation de destructrices, toutes les mygales ne se révèlent pas être une menace pour l’homme. Seule une espèce, originaire d’Australie, possède un venin pouvant entraîner la mort : l’atrax robustus. La période de reproduction rend cette espèce plus agressive, en particulier chez le mâle, dont le venin est cinq fois plus toxique que celui de la femelle. Leur venin contient la robustoxine, ou delta-atracotoxin, qui peut provoquer une forte augmentation de la pression artérielle, une accélération du rythme cardiaque, une chute de tension, voire un arrêt cardiaque. Chez les enfants, la morsure peut être fatale en moins de 15 minutes, chez l’adulte en quelques jours. Un antidote spécifique, mis au point en 1981, doit impérativement être administré dans l’heure suivant la morsure pour limiter les risques. D’autres mygales, notamment celles d’Amérique latine, ont un venin moins puissant mais dont les poils urticants peuvent provoquer des irritations, des brûlures ou des réactions allergiques sur la peau, les muqueuses ou les voies respiratoires. En général, celles rencontrées en France n’ont pas de venin très dangereux, mais leur morsure reste douloureuse.