Après l’exode rural massif du début du XXe siècle, une nouvelle migration vers les zones rurales s’est amorcée, portée par des citadins cherchant un changement de mode de vie. Ces nouveaux arrivants, appelés « néoruraux », ont souvent des aspirations variées, mais leur arrivée peut entraîner des défis inattendus, notamment liés au bruit animal, qui génère désormais des frictions croissantes. Cet article vise à décrypter ce phénomène.
Quand ont commencé les mouvements de migration vers la campagne ?
Une tendance de départ des villes vers la campagne remonte à la fin des années 1960. Après une période de stagnation autour du milieu des années 1970, ce flux s’est maintenu tout au long des années 1980 avant de connaître une reprise significative dans les années 1990. Cependant, les motivations des migrants et leur profil ont évolué avec le temps.
Quelles raisons motivent le départ des urbains vers les zones rurales ?
Les personnes qui choisissent la campagne cherchent souvent à transformer leur mode de vie en quête d’un meilleur rapport à leur environnement, notamment en améliorant leur qualité de vie. Elles aspirent à moins de stress, à un air moins pollué, et à une proximité renforcée avec la nature et la quiétude. Parfois, leur projet est basé sur une vision idéalisée de la ruralité, différente de la réalité quotidienne. Certains migrent à cause du coût de la vie urbain trop élevé, d’autres souhaitent se lancer dans des activités agricoles ou d’élevage biologique. La pandémie de Covid-19 a également facilité le télétravail, permettant à certains de choisir leur lieu de résidence sans impacter leur parcours professionnel.
Pourquoi la vie dans la campagne peut-elle poser des problèmes de bruit ?
Selon leur projet, les néoruraux peuvent rencontrer des difficultés d’adaptation face à la diversité des bruits propres à la vie rurale. Les sons urbains habituels laissent place à d’autres qui, pour certains, deviennent envahissants. Les chants d’animaux ou le bruit des machines agricoles, variant selon les saisons, font partie intégrante du paysage sonore rural. Pourtant, ceux qui découvrent ces bruits pour la première fois peuvent les percevoir comme gênants ou dérangeants, surtout s’ils étaient habitués à un environnement plus calme.
La transition vers la ruralité dépasse souvent la simple installation : c’est une immersion dans un mode de vie, avec ses codes et ses bruits, qui peut dépasser leurs attentes initiales. Par conséquent, la tolérance face à ces nouveaux sons devient une problématique centrale pour certains néoruraux.
La question de l’habitude face au bruit
Le chant matinal du coq, emblématique du milieu rural, peut surprendre ou déranger ceux issus d’un contexte urbain où l’agitation matinale est souvent plus discrète. Dans certaines régions, les sons produits par les cloches ou l’activité agricole, tels que les bruits des troupeaux ou le fonctionnement des machines, peuvent sembler répétitifs ou perturbants pour ceux qui découvrent ces ambiances pour la première fois.
La réalité de la vie à la campagne peut révéler un quotidien bien plus bruyant que prévu : tonte des moutons, récoltes, travaux agricoles, déplacements vers les pâturages… La campagne, loin d’être un lieu de silence, est souvent énergique et sonore.
Pourtant, les villes restent bruyantes…
Les agglomérations produisent en permanence un bruit de fond composé de sons réguliers mais homogènes. En comparaison, les sons naturels de la campagne, surtout s’ils sont irréguliers, peuvent sembler envahissants ou peu rassurants. Le bruit peut aussi devenir un intrus, notamment aux heures où la quiétude est généralement attendue, comme tôt le matin ou tard le soir.
Beaucoup de néoruraux, en découvrant la réalité rurale, réalisent que leurs attentes idéalisées sont parfois démenties par la réalité sonore du terrain. Leur sensibilité au bruit varie selon leur expérience ; pour certains, ces sons sont une source de gêne majeure, voire de stress, ce qui peut conduire à des démarches pour faire cesser ces nuisances.
La perception du bruit selon les cultures
Les sociétés ont une relation différente avec les sons selon leur contexte culturel. Dans certains pays ou communautés, le bruit témoigne de vitalité et d’énergie, tandis que d’autres le perçoivent comme une source de désordre ou d’inconfort. Pour les néoruraux, la nature sonores de la campagne est souvent vue comme favorable à la recherche de paix intérieure, mais tout son qui s’impose sans invitation peut être vécu comme une intrusion. Par ailleurs, certains discours critiquent l’activité agricole en dénonçant la souffrance animale, et des bruits d’animaux peuvent alors être jugés illégitimes ou perturbants.
Dans les grandes villes occidentales, le bruit est intégré comme une partie normale du quotidien : circulation, sirènes et bruits humains forment un environnement sonore accepté, voire toléré. La plupart des citadins développent une habitude ou une certaine inconscience face à ces nuisances. Toutefois, en s’installant en zone rurale, ils deviennent plus sensibles à ces sons, cherchant à mieux comprendre leur environnement sonore.
La nécessité d’une acclimatation au bruit pour les néoruraux
S’adapter aux nouveaux bruits demande que du temps s’écoule. Après la période de choc initiale, beaucoup de néoruraux finissent par accepter et intégrer ces sons dans leur perception de la campagne. Cette adaptation peut s’accélérer avec une meilleure compréhension et une appréciation croissante des modes de vie ruraux. Cependant, des conflits surviennent parfois, notamment lorsque certains résidents se plaignent du chant matinal du coq ou du son des cloches, voire du fonctionnement des machines agricoles. Ces disputes peuvent mener à des actions en justice ou à des tensions sociales, comme le célèbre exemple du coq Maurice en 2019, devenu emblématique des différends entre anciens habitants et nouveaux arrivants.
Les mesures de l’État français face à ces enjeux
Depuis 2021, la loi sur le patrimoine sensoriel vise à reconnaître et légitimer les sons et odeurs caractéristiques des zones rurales, valorisant leur importance culturelle et patrimoniale. Pour les néoruraux, cette législation peut faciliter leur intégration en leur offrant une meilleure compréhension du cadre sonore local. Elle contribue aussi à protéger l’identité des territoires ruraux contre d’éventuelles intrusions sonores non souhaitées.
Néanmoins, certains problèmes persistent, notamment dans le secteur agricole, où plusieurs centaines de procédures par an indiquent que les conflits liés au bruit agricole restent fréquents. La réforme et la protection de ces activités apparaissent essentielles pour préserver le tissu rural. Les autorités soulignent aussi que, même en zone rurale, les activités agricoles jouent un rôle vital pour la région, et leur encadrement doit respecter cette dimension fondamentale. La coexistence entre nouveaux habitants et tradition semble donc dépendre d’un compromis entre la préservation de la paix sonore et le maintien des activités rurales indispensables à la région.