Le mollusque emblématique des Antilles occupe une place centrale dans la gastronomie locale, étant utilisé dans diverses préparations comme la soupe, la salade, le ragoût ou encore les beignets. Bien que largement connu et apprécié dans cette région, la raréfaction de cette espèce menace sa pérennité. Profitons d’un instant pour évoquer ce coquillage fascinant et sa richesse culturelle et écologique.
Description du lambi
Également appelé strombe, le lambi appartient à une famille de mollusques gastéropodes à coquille unique. On le trouve principalement dans les régions tropicales et proches de l’équateur, notamment dans les eaux chaudes des Antilles et de Floride. À ce jour, neuf espèces sont recensées, avec une variété géante, Strombus gigas, pouvant atteindre 30 cm et 1,5 kg. La plus grande est toutefois Lambis truncata, dépassant parfois 40 cm. Comparé à d’autres géants marins, comme le bénitier ou Tridacne géant, le lambi reste toutefois modeste en taille. Ce dernier, qui peut mesurer jusqu’à 1,50 m pour plus de 200 kg, dépasse largement en grandeur la coquille du lambi. La coquille de ce mollusque est construite en carbonate de calcium, avec une structure robuste renforcée par un réseau de lamelles entrecroisées. Sa spirale ornée d’épines et son pied musclé doté d’un opercule sont caractéristiques de la morphologie de ce gastéropode. Historiquement, cet animal occupait aussi une fonction symbolique pour des civilisations anciennes, comme celle des Aztèques, qui l’utilisaient pour signaler danger ou victoire. Les mâles possèdent un organe reproducteur long et extensible, tandis que les femelles disposent de sacs à œufs.
La vie du lambi s’étend sur plusieurs années, pouvant aller jusqu’à 26 ans en profondeur, parfois jusqu’à 100 mètres, dans des fonds sableux ou vaseux situés entre 4 et 18 mètres. La coloration rose-orangé apparaît dès ses premiers mois, mais c’est vers trois ou quatre ans qu’il développe son pavillon complet. Son comportement migratoire dépend de son âge : les jeunes se regroupent à des profondeurs plus faibles, entre 1,5 et 4 mètres, alors que les adultes évoluent plus en profondeur. Sa migration peut aussi être dictée par la recherche de lumière. Il s’alimente principalement de végétaux tels que les algues ou les restes organiques présents sur les fonds.
Reproduction du lambi
La maturité sexuelle est atteinte vers l’âge de 4 ans, lorsque le mollusque atteint environ 18 cm de longueur. Lors de la période de reproduction, ils migrent vers des zones sédimentaires propices à la ponte. Selon la localisation, cette phase peut se dérouler toute l’année ou principalement entre avril et août. La reproduction donne lieu à des pontes abondantes, avec chaque femelle pouvant déposer jusqu’à 25 couches d’œufs, contenant entre 300 000 et 1,5 million d’œufs chacun, regroupés dans un filament gélatineux de 30 mètres de long. Plusieurs mâles peuvent féconder ces œufs, augmentant ainsi les chances de succès.
La pêche du lambi, autrefois pratiquée en apnée, a évolué avec l’introduction de techniques plus sophistiquées, comme la pêche à la perche puis à l’aide de scaphandres autonomes. Ces innovations ont permis de récolter de plus grandes quantités, mais aussi de mettre en danger l’espèce à partir des années 1990. Face à cette menace, des zones ont été protégées, interdisant notamment la pêche dans certaines régions. Pourtant, la pression continue de s’exercer, faisant craindre une disparition prochaine du mollusque si des mesures plus strictes ne sont pas renforcées. En Guadeloupe, la pêche est limitée à une saison précise, du 1er octobre au 1er février, et réservée aux professionnels capables de respecter une taille minimale de 250 g. En Martinique, aucune restriction saisonnière n’est en place, mais la pêche sportive y est toujours autorisée jusqu’à trois spécimens par jour. À l’inverse, cette activité est totalement interdite aux Bermudes.
La perle du lambi
Le strombe peut aussi être à l’origine de l’une des perles les plus rares, à la couleur rose foncé ou rouge, très prisée en haute joaillerie. Ces gemmes naturelles offrent une microstructure en flammèche, un phénomène optique unique qui capte la lumière d’une façon exceptionnelle. On ne trouve ces perles que dans environ une sur vingt mille coquilles pêchées, ce qui explique leur rareté et leur prix élevé. Contrairement aux perles cultivées, celles-ci ne sont pas nacrées mais porcelaineuses, très dures, et brillantes une fois polies.
Consommer le lambi
Pendant longtemps, la chair du lambi a été un produit d’exportation majeur, notamment au Belize, qui exportait plus de 500 tonnes chaque année jusqu’en 1996, principalement vers les États-Unis. Sa saveur délicate et sa texture en font une alternative appréciée à la langouste. Avant la dégustation, il est essentiel de nettoyer soigneusement la coquille pour retirer le sable, puis d’attendrir la chair en utilisant une technique traditionnelle avec des feuilles de papayer. La papaye contient une enzyme, la papaïne, capable de décomposer les protéines, rendant la viande plus tendre. Après préparation, la recette la plus simple consiste à réaliser une fricassée : faire revenir des morceaux d’un peu plus de 650 g de lambi dans un mélange d’épices comme le thym, le bois d’Inde, et la sauce tomate, puis de laisser mijoter avec de l’eau et des épices aromatiques pour obtenir un plat savoureux.
La diversité des recettes permet de savourer cette viande de différentes façons, confirmant sa place dans la cuisine des Antilles.