La majorité des personnes accordent peu d’attention à la diversité des mollusques, notamment aux huîtres. Pourtant, ces organismes marins présentent un mode de vie et des processus de reproduction étonnants, souvent méconnus. Découvrez le parcours de vie, de leur naissance à leur croissance, de ces bivalves fascinants.
Qu’est-ce qu’une huître ?
Lorsqu’on évoque une huître, il s’agit généralement du coquillage dégusté lors des repas festifs, souvent agrémenté de citron ou de vinaigrette. Cependant, cette appellation englobe en réalité plusieurs espèces. Ces mollusques, qui possèdent deux valves, privilégient les eaux salées ou saumâtres, et colonisent en majorité toutes les mers en s’accrochant aux rochers.
Leur enveloppe molle, sensible, est protégée par une carapace formée d’aragonite et de protéines. La coquille ne se fixe que sur la valve gauche. Sa coloration varie selon les espèces. Incroyablement, l’huître n’a ni tête ni oreilles, mais elle possède une capacité d’audition ! Elle peut ouvrir ou fermer sa coquille en utilisant un muscle adducteur puissant, un muscle que l’on coupe généralement pour l’ouvrir.
Savez-vous que les huîtres jouent un rôle d’ingénieures naturelles ? Elles participent à la création d’habitats en formant de petits récifs, structures protectrices qui favorisent la biodiversité. Toutefois, la dégradation des côtes et la surexploitation menacent ces habitats. En milieu naturel, elles adaptent la forme de leur coquille à leur environnement ou à celles de leurs voisines.
Qui sont les principaux prédateurs des huîtres ?
Ces mollusques ont plusieurs ennemis : la pie de mer, aussi appelée huitrier pie, ainsi que diverses espèces de crabes, poissons (comme la raie ou la dorade), étoiles de mer, et certains mollusques comme les bigorneaux perceurs. Les huîtres peuvent également être victimes de parasites térébrants tels que le Polydore.
De plus, elles ne sont pas exemptes de contamination par des substances toxiques ou de pathogènes, et la pollution liée aux activités humaines, notamment le rejet de toxiques dans l’eau, peut réduire leur présence dans les zones de récolte. Certaines huîtres d’élevage ou introduites pour recouvrir des côtes peuvent également causer une pollution génétique en se croisant avec les populations naturelles, ce qui pose problème.
Les différentes variétés d’huîtres
Il est utile de préciser que de nombreuses espèces qualifiées d’huîtres appartiennent à la famille des Ostreidae. Par exemple, certaines mollusques appelés Pteriidae, qui ressemblent à des moules, sont aussi considérés comme des huîtres, notamment celles surnommées « huîtres ailées ».
La diversité d’espèces est importante. Parmi les plus répandues, on trouve :
- les huîtres creuses, notamment la variété japonaise (Crassostrea gigas) ;
- les huîtres plates, appelées huîtres européennes (Ostrea edulis) ;
- les huîtres de Virginie (Crassostrea virginica) ;
- les huîtres portugaises (Crassostrea angulata) ;
- les huîtres Olympe (Ostrea lurida) ;
- les huîtres tropicales (Saccostrea cucullata).
En France, diverses régions pratiquent l’élevage de plusieurs de ces variétés, telles que celles de Normandie, de Poitou-Charentes, ou encore de l’île d’Oléron. La fameuse huître Claire, très prisée, est commune notamment dans la région de Marennes-Oléron et du Pays de la Loire.
comment se reproduisent les huîtres ?
La majorité des huîtres changent de sexe tout au long de leur vie, un phénomène appelé hermaphrodisme cyclique. Lorsque la température de l’eau dépasse 10 °C, elles commencent à produire leurs gamètes. Une femelle peut émettre entre 20 millions et 100 millions d’ovules, tandis que le nombre de spermatozoïdes est encore plus élevé. La libération de ces éléments—ovules et spermatozoïdes—se produit lorsque la température atteint environ 18 °C. Seulement une petite fraction des larves survivra jusqu’à l’âge adulte.
La fécondation est externe pour toutes sauf pour l’huître plate, qui féconde ses ovules de façon interne. Dans ce dernier cas, les mâles jetent leur semence dans l’eau, et la femelle la récolte dans sa cavité palléale. La période d’incubation s’étale généralement sur 8 à 10 jours, selon la température, durant laquelle les larves se développent activement.
La production de cellules reproductrices, appelée gamétogénèse, est un processus qui rend les huîtres indigestes à cause de leur saveur amère. Elles sont souvent considérées comme étant « laiteuses » pendant leur période de reproduction, généralement de mai à août, d’où le dicton : « Mois sans r ». Si les conditions ne sont pas favorables, cette période peut durer toute l’année, expliquant pourquoi il arrive parfois de trouver des huîtres laiteuses à Noël.
Le cycle de vie des huîtres
Le développement des huîtres s’étale sur plusieurs phases, depuis la fécondation jusqu’à la maturité. Leur croissance initiale est rapide, puis elle ralentit avec le temps.
1 – L’œuf
Une seule huître peut produire plus d’un million d’œufs chaque année, tous microscopiques, qu’elle disperse avec le courant.
2 – La trochophore
Après environ 6 heures, l’œuf se transforme en une larve appelée trochophore, qui nage en effectuant des rotations sur elle-même. Des cils apparaissent pour faciliter leur fixation future sur des surfaces comme les rochers, alors qu’elles vivent encore exclusivement dans l’eau.
3 – La larve D
Au bout de 24 heures, la trochophore devient une larve nommée « larve D ». Sa coquille, presque ronde, possède un côté plat rappelant la lettre « D », à partir duquel la coquille de l’huître se formera. Ses cils sont beaucoup plus développés et dirigés vers le bas, et elle commence à posséder un velum, une structure qui l’aide à se déplacer.
4 – La larve véligère
Entre deux et vingt jours après sa naissance, la larve D évolue pour devenir une larve véligère. Sa coquille prend la forme d’un coquillage, se strie, et la formation de la charnière commence, ce qui permettra à la coquille de s’ouvrir et de se fermer. Son velum est entièrement développé, ce qui lui permet de mieux se nourrir grâce à ses cils.
5 – La larve pédivéligère
La étape suivante, cruciale avant l’installation sur le fond, voit apparaître le pied de l’huître. Une tache noire, appelée larve œillée, se développe sur sa coquille. La larve se métamorphose en recherchant un support stable pour se fixer. Elle nage pour le trouver, puis s’y insiste pour poursuivre sa croissance. Elle peut tenter plusieurs fois si elle ne trouve pas le support adéquat, une période pouvant durer environ trois semaines.
6 – Le naissain
Une fois fixée de façon définitive, l’huître continue à croître sur son support durant environ deux ans et demi, jusqu’à atteindre la taille adulte. À ce stade, ses cils se rétractent, marquant la début de la phase appelée « Naissain ».
7 – La maturité
L’huître devient commercialisable vers l’âge de deux ans et demi, lorsque sa croissance atteint le stade de maturité et de qualité pour la consommation.
Le développement des huîtres
La surface des coquilles d’huîtres présente des stries caractéristiques, visibles à l’œil nu. Ces marques témoignent des cycles de croissance du mollusque, enregistrant les fluctuations environnementales. Plus une coquille comporte de stries, plus l’huître est âgée. Ces marques sont aussi un instrument pour suivre l’évolution de la population d’huîtres, qui représentent un indicateur précieux de la qualité de l’eau. La présence d’huîtres en bonne santé permet ainsi aux scientifiques de surveiller en temps quasi réel la santé de leur milieu marin.
Les huîtres de synthèse
Une variété d’huîtres artificielles, désignées comme huîtres triploïdes, a été développée. Ces mollusques, produits en élevage depuis les années 1990 dans le but de créer des individus stériles, ont une composition chromosomique différente, variant de deux à trois groupes. Leur croissance est accélérée, et ils ne produisent pas de lait lors de la reproduction, ce qui facilite leur consommation à tout moment.
Leur introduction dans le marché, validée par la réglementation française vers 2000, a suscité la controverse. Certains observateurs estiment que ces huîtres modifiées ont tendance à envahir les milieux naturels, bouleversant ainsi l’équilibre écologique. Par ailleurs, la question de l’éthique se pose, notamment parce qu’elles ne sont pas considérées comme OGM, mais comme organismes vivants modifiés, ce qui évite l’obligation d’étiquetage.
Les méthodes d’élevage de ces huîtres sont coûteuses et complexes, et leur dépendance aux écloseries limite la capacité des ostréiculteurs à reproduire leurs propres spécimens naturels. En 2014, la moitié de la production française d’huîtres provenait de ces élevages de huîtres triploïdes. Certaines associations d’ostréiculteurs valorisent leur savoir-faire en proposant un label « Ostréiculteur traditionnel », garantissant que leurs huîtres proviennent de la mer, pour préserver la transparence et la tradition.