Serpent de mer : mythe ou véritable créature des océans ?

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Crédit photo : Sylke Rohrlach

Dans l’imaginaire collectif, le « serpent de mer » évoque une créature mythique aux dimensions impressionnantes qui s’attaquerait aux marins en mer. Cependant, derrière cette figure fantastique se cache une réalité biologique : plusieurs espèces de serpents marins existent réellement dans certains océans chauds. Ces animaux, parfaitement adaptés à leur environnement aquatique, se déplacent difficilement sur la terre ferme et peuvent manifester une certaine agressivité, surtout lorsqu’ils se sentent menacés. Leur venin, notablement puissant, en fait l’une des familles de reptiles marins les plus toxiques.

Signification de l’expression “serpent de mer”

Utilisée principalement dans le langage journalistique, cette expression désigne un sujet qui revient régulièrement dans l’actualité sans jamais aboutir à une preuve claire de sa réalité. Elle est souvent assimilée à l’Arlésienne, un personnage dont on parle abondamment mais qui n’est jamais présenté concrètement. Le « serpent de mer » fonctionne comme un symbole d’une thématique sensationnelle, fréquemment évoquée lors des périodes où l’actualité est moins riche. Les médias employaient aussi le terme de « marronnier » pour décrire ces sujets cycliques qui ressurgissent chaque saison, comme les fleurs qui repoussent chaque année.

Origine de l’expression

La légende du serpent marin remonte à l’Antiquité, où elle alimente les récits mythologiques. Dans la mythologie grecque, par exemple, l’Hydre de Lerne, un monstre à plusieurs têtes, symbolise cette creature serpentine que Hercules doit affronter lors de ses exploits. Dans l’univers babylonien, Tiamat, un gigantesque serpent divin, représente à la fois une déité marine et un agent de chaos. La Bible décrit aussi le Léviathan, un serpent colossal qui incarne une force destructive, maîtrisable uniquement par Dieu. Au Moyen Âge, dans la mythologie scandinave, Jǫrmungand, un serpent immense, pouvait enrouler tout le monde connu, le Miðgarðr. Ces légendes, mêlant pouvoir et terreur, ont perduré pour nourrir le mythe de cette créature mystérieuse.

Tentatives de rencontre et témoignages

Les premières représentations connues du serpent de mer remontent à des siècles, comme la carte du nord de l’Europe, la Carta Marina, réalisée en 1539 par l’évêque suédois Olaüs Magnus. Sur cette carte, la créature est décrite comme mesurant une soixantaine de mètres, s’approchant des navires pour attaquer ses occupants. Deux siècles plus tard, en 1740, le missionnaire danois Hans Egede déclare l’avoir aperçu sortir des eaux, avec un corps recouvert de poils et équipé de nageoires. Au fil du temps, l’image de cette créature s’est ancrée chez les marins, qui redoutaient tout contact avec elle. Outre la mer du Nord, des observations auraient été rapportées dans la Manche près de Brest, en Atlantique au large du Mexique, ou encore en Méditerranée. Des navires comme le Havre ou des explorateurs en Chine ont aussi prétendu apercevoir ces reptiles, mais aucune capture n’a jamais confirmé leur existence réelle.

La réalité derrière le mythe

En vérité, la majorité des serpents de mer sont des reptiles marins appartenant tous à la famille des élapidés, comprenant plus de 60 espèces différentes. Ces serpents sont répartis dans deux principales sous-familles :

  • Hydrophiinae : Ce sont les véritables serpents de mer, présents dans les eaux chaudes tropicales et subtropicales de l’océan Indien et du Pacifique. Parmi eux, on trouve le serpent de mer olive, le serpent annelé, ou encore le serpent marin noir et jaune, tous caractérisés par leur corps allongé et leur mode de vie exclusivement marin.
  • Laticaudinae : Contrairement aux précédents, ces serpents passent une partie de leur vie sur terre, grâce à des écailles ventrales leur permettant de se déplacer. On retrouve ces espèces dans les zones côtières, notamment en mangroves et autour des récifs coralliens. Parmi elles, figurent le tricot rayé bleu, le cobra des mers ou le tricot rayé calédonien.

À quoi ressemblent réellement ces serpents marins ?

Les véritables serpents de mer, notamment les membres de la sous-famille des Hydrophiinae, atteignent généralement une longueur comprise entre 1,20 et 1,50 m à l’âge adulte. Le plus grand d’entre eux est le serpent marin jaune, pouvant mesurer jusqu’à 3 mètres. Ces reptiles disposent de petits yeux avec une pupille ronde, et des narines situées dans leur partie supérieure. Leur dentition est relativement simple, avec de courtes crocs adaptés à leur régime alimentaire. La coloration la plus courante est une teinte sombre sur le dos, accompagnée d’un ventre jaune vif, un motif qui facilite leur reconnaissance. Leur apparence et leur morphologie sont adaptées à la vie marine, avec un corps aplati, une queue courte en forme de rame, et des narines positionnées au-dessus du museau.

Adaptations à la vie aquatique

En raison de leurMode de vie exclusivement marin, ces reptiles ont développé diverses adaptations. Leur corps est aplati pour faciliter la nage, et leur queue en forme de rame leur sert à propulser efficacement lors des ondulations. Leur peau est recouverte d’écailles non imbriquées, contrairement aux serpents terrestres, et leurs écailles ventrales sont très réduites ou absentes, ce qui limite leur déplacement sur la terre. Certains serpents marins forment une quille sur leur ventre lors de la nage, maximisant la surface pour mieux avancer dans l’eau. En outre, leur organisme a évolué pour réguler leur balance saline, car ils ingèrent beaucoup plus de sel que leurs cousins terrestres. Des glandes spécialement situées leur permettent de rejeter l’excès de sel via leur langue.

Comment respirent-ils sous l’eau ?

Contrairement aux poissons, ces reptiles ne disposent pas de branchies et doivent régulièrement remonter à la surface pour respirer. Cependant, ils peuvent rester immergés plusieurs heures grâce à leur capacité à absorber de l’oxygène à travers leur peau. La majorité des déchets de dioxyde de carbone est évacuée par la respiration cutanée, et une zone riche en vaisseaux sanguins entre le museau et le sommet du crâne facilite cette absorption d’oxygène dans l’eau. Des valves situées dans leurs narines empêchent l’eau d’entrer lors de leurs plongées, ce qui leur permet de rester longtemps sous la surface.

Où observer ces animaux fascinants ?

Les véritables serpents de mer, notamment ceux de la sous-famille des Hydrophiinae, vivent principalement dans les eaux chaudes et tropicales de l’océan Indien et du Pacifique, jusqu’en Océanie. Leur habitat privilégié est souvent constitué d’eaux peu profondes, à proximité des terres, tels que les mangroves, les récifs ou les eaux calmes près des estuaires. Certains, comme le serpent marin jaune et noir, ont une aire de répartition très étendue, allant de la côte est de l’Afrique jusqu’aux côtes d’Amérique centrale et du Sud. D’autres, comme Hydrophis platurus, évoluent en plein océan, loin des côtes, en eaux très profondes. Des populations résident aussi dans certains habitats d’eau douce, comme le lac Taal aux Philippines ou le lac Te Nggano en Nouvelle-Calédonie.

Leur dangerosité réelle

Bien que généralement peu agressifs, les serpents marins mordent uniquement lorsqu’ils se sentent en situation de légitime défense. Leur venin, cependant, est extrêmement puissant, notamment chez l’hydrophiine Belcher, considéré comme l’un des plus venimeux au monde, ou le serpent marin à bec de tortue. La majorité du temps, une morsure provoque peu de douleur initiale, les premiers symptômes pour apparaître entre une demi-heure et plusieurs heures après, comprenant des douleurs musculaires, une raideur, ou encore une paralysie progressive. Heureusement, ces incidents restent rares, car leur petite bouche limite le nombre de victimes potentielles, et leur venin injecté lors d’une morsure est relativement faible. En cas d’accident, l’administrations de soins appropriés permet généralement une récupération sans séquelles graves.