La diversité des poissons qualifiés de “carpe” est vaste, comprenant notamment la carpe argentée (Hypophthalmichthys molitrix), la carpe chinoise (Ctenopharyngodon idella), la célèbre carpe koi (Cyprinus carpio carpio) ainsi que la carpe noire (Mylopharyngodon piceus). En France, en Belgique et au Canada, lorsqu’on évoque la carpe, il s’agit généralement de la variété communément appelée carpe commune (Cyprinus carpio). C’est cette dernière qui fait l’objet de cet exposé.
Description de la carpe commune
En France, l’appellation “carpe” n’est pas régie par une certification officielle, ce qui peut laisser place à une certaine confusion quant à ce que l’on achète sur le marché. Cependant, cette espèce se distingue facilement par ses écailles dorées qui ornent ses flancs. Ces plaques, de forme fine, souple et parfaitement lisses, sont de type cycloïde. La coloration de son ventre varie du blanc crème à un jaune léger, tandis que le dos affiche une teinte sombre allant du gris vert au gris brun, dont la tonalité change selon le milieu dans lequel il vit, oscillant entre vert et brun.
Les individus de cette espèce mesurent généralement entre 50 et 60 cm, mais certains specimens peuvent atteindre une taille impressionnante d’1,20 mètre. Leur poids moyen tourne autour de 8 kg, avec une limite exceptionnelle de 44 kg chez un poisson pêché en France. Leur silhouette est allongée, légèrement comprimée sur les côtés, avec une tête non recouverte d’écailles. La nageoire dorsale est longue et souple, sans rayons épineux, tandis que la caudale est bien fournie avec un bord arrière échancré. La taille des nageoires pectorales et pelviennes augmente avec la vitesse du courant dans lequel le poisson évolue.
La position de ses deux yeux, situés en haut du crâne, confère à la carpe une vision panoramique presque complète de 98 degrés. Elle peut ainsi percevoir tout mouvement devant elle ou au-dessus de sa surface. Entre ses yeux et sa bouche, ses narines, équipées de sensibilité olfactive fine, lui permettent de repérer efficacement la nourriture. Sa bouche protractile, épaulée de quatre barbillons (deux courts, deux longs), lui est essentielle pour explorer son environnement, en détectant à la fois goût et toucher. Par ailleurs, sa capacité auditive est amplifiée par un complexe d’osselets appelé l’appareil de Weber, qui lui permet d’interpréter les sons environnants avec finesse.
Objet de nombreuses variétés en captivité, ce poisson présente parfois un corps plus robuste qu’en milieu sauvage. Toutefois, même à l’état naturel, la forme élancée ancestrale d’origine asiatique s’est modifiée avec le temps, notamment lors de son introduction en Europe par les Romains.
Au château de Fontainebleau, on évoque une légende concernant un étang rempli de carpes dites centenaires. Cependant, cette croyance n’est qu’une fiction. Bien que des carpes aient été introduites au XVIIe siècle, leur longévité réelle est limitée, avec un record d’environ 70 ans. La plus vieille carpe connue aurait vécu jusqu’à une soixantaine d’années, développant parfois une bosse caractéristique sur le dos en avançant en âge.
Localisation et habitat des carpes communes
Ce poisson préfère évoluer dans des eaux peu courantes, chaudes et peu profondes, avec un fond de nature molle ou vaseuse. Lors de la pêche, il est recommandé d’éviter les zones trop fréquentées, facilement reconnaissables à la végétation écrasée par de nombreux pêcheurs. En effet, la carpe conserve une mémoire olfactive et visuelle, évitant ainsi les lieux où elle ressent une menace ou une présence humaine constante. Très active lors des heures sombres, elle privilégie les milieux ombragés ou aquatiques riches en végétation comme les étangs bordés de nénuphars ou les zones envahies de roseaux. La présence d’arbres ou de buissons qui tombent dans l’eau constitue aussi un bon terrain de chasse pour attraper ces poissons puissants et méfiants.
Un comportement notable de la carpe est de sauter hors de l’eau en provoquant un bruit assourdissant, mais les raisons de cette réaction restent mystérieuses à ce jour.
Comment nourrit la carpe commune ?
La carpe est un organisme omnivore qui utilise ses dents pharyngiennes pour broyer sa nourriture. Son comportement de fouisseur lui permet de déraciner des végétaux ou de fouiller le fond à la recherche de débris végétaux, de mollusques ou d’autres petits invertébrés comme larves, vers ou crustacés. La présence d’écrevisses dans son environnement est particulièrement susceptible d’en influencer son régime, puisqu’elles constituent une de ses principales sources de nourriture. Occasionnellement, il peut aussi s’alimenter d’autres poissons ou de leurs œufs. Pour l’attirer, des appâts tels que le blé ou le maïs sont particulièrement efficaces.
Elle se montre active dès que la température de l’eau dépasse approximativement 8 à 10 °C. En période plus froide, notamment entre décembre et février, elle ralentit son activité, se regroupant au fond puis s’enfouissant parfois dans la vase pour préserver son énergie. La période hivernale est critique puisque la carpe puise dans ses réserves, inutile donc de la déranger, sous peine de mettre sa vie en danger.
Longévive et résistante, la carpe peut supporter dans des eaux polluées, ce qui lui vaut d’être considérée comme un bioaccumulateur. Elle peut concentrer dans ses organes des substances toxiques telles que métaux lourds, métalloïdes, PCB ou dioxines, ce qui soulève des enjeux importants en matière de consommation.
Mécanismes de reproduction de la carpe
Pour se multiplier, la carpe requiert une température d’eau d’environ 17-18°C, ce qui explique sa période de reproduction, généralement entre juin et juillet. Selon la localisation, cette période peut commencer dès mai. Lors de la saison de reproduction, les femelles déposent leur ovule après s’être rassemblées avec les mâles. Une femelle peut produire un nombre impressionnant de œufs, allant au minimum de 100 000 par kilogramme de poids corporel. Après incubation, qui dure entre trois et huit jours, les larves restent attachées à la végétation ou au fond pour une période de deux à trois jours, où elles seront vulnérables aux prédateurs comme le brochet ou la perche.
La pêche à la carpe
De nos jours, la pratique de la remise à l’eau après capture, appelée “no-kill”, est devenue la norme dans la majorité des eaux privées et publiques. Cette méthode vise à préserver la population de carpes et leur habitat, surtout parce que cette espèce évolue souvent dans des milieux contaminés, d’où leur capacité à bioaccumuler des polluants. La pêche à la carpe requiert une certaine intensité, car ces poissons sont robustes, lourds et dotés d’une force remarquable. Leur nature combattante oblige le pêcheur à faire preuve de patience et de maîtrise. Manipuler une carpe est une étape délicate qui doit être effectuée avec soin pour éviter tout stress ou blessure au poisson. Lorsqu’il est nécessaire de la sortir de l’eau, il convient de le faire rapidement et dans une posture protégée, par exemple en la portant accroupi. La remise à l’eau doit se faire doucement, en veillant à ce que le poisson se réoxygène pour préserver sa santé.