Surnommé cheval de mer, le hippocampe est un poisson marin dont la silhouette singulière intrigue. Ce vertébré possède une diversité de dizaines d’espèces différentes. Son mode de reproduction est pour le moins inhabituel, puisque les œufs sont incubés dans une poche ventrale située chez le mâle, ce qui est peu courant dans le règne animal. Cependant, cette créature marine est malheureusement victime du commerce illicite et fait face à une menace sérieuse d’extinction.
Quelle nature d’animal est l’hippocampe ?
Les premiers fossiles des hippocampes remonteraient à environ 40 millions d’années, attestant de leur grande ancienneté. Ces poissons appartiennent à la famille des syngnathidés, eux-mêmes classés dans le groupe des poissons gastérostéiformes. Ces derniers se distinguent notamment par la présence de nageoires rayonnées. Leur silhouette évoque la tête et le cou d’un équidé, ce qui leur a valu le nom de cheval de mer. À l’heure actuelle, on recense 44 espèces différentes d’hippocampes, qui portent le nom scientifique Hippocampus. Leur dénomination latine provient de la fusion des mots grecs « hippos » (cheval) et « kampos » (poisson marin).
Quelles sont la taille et la morphologie d’un hippocampe ?
La longueur varient selon l’espèce et l’âge, allant du plus petit au plus grand. L’hippocampe pygmée (Hippocampus zosterae) ne mesure en moyenne que 1,5 à 2,5 cm, vivant dans les eaux peu profondes des Caraïbes et des côtes floridiennes. En revanche, l’hippocampe géant (Hippocampus ingens) peut atteindre jusqu’à 35 cm de long et évolue dans les eaux tropicales de l’océan Indien et du Pacifique. En France, on peut observer des hippocampes comme celui à long bec, qui atteint 12 à 16 cm, ou encore le commun, dont la taille oscille entre 7 et 13 cm.
Comment reconnaître un hippocampe ?
La forme unique de l’hippocampe ne permet pas de le confondre avec d’autres poissons. Certains traits caractéristiques communes à toutes les espèces incluent :
- Un corps légèrement aplati sur les côtés, courbé vers le haut ;
- Une tête dotée d’une crête triangulaire, avec éventuellement des filaments dermiques au-dessus des yeux ;
- Un corps protégé par une série d’anneaux osseux, généralement 11 ou 12 sur le tronc et 34 ou 35 sur la queue ;
- Une nageoire dorsale composée de 16 à 18 rayons ;
- Une nageoire anale à 4 rayons ;
- Une bouche tubulaire permettant d’aspirer ses proies ;
- Une queue préhensile qui lui sert à s’accrocher à la végétation ou aux coraux ;
- Deux yeux mobiles pouvant bouger indépendamment, essentiels pour repérer ses petites proies telles que crustacés ou micro-organismes.
Quelles autres particularités présentent-ils ?
Le dimorphisme sexuel est très marqué lors de la période de reproduction : le mâle possède une poche incubatrice qui peut être molle ou rebondie selon le stade de vie. La femelle, elle, conserve une silhouette fine et une peau à anneaux. Ce poisson possède également des plaques ossues sous la peau, formant une armure protectrice aux formes angulaires. Une caractéristique étonnante concerne leurs yeux, qui disposent d’une fovéa, une zone spécialement adaptée pour percevoir les détails avec précision, augmentant leur acuité visuelle par rapport à la plupart des autres poissons. Malgré ces différences morphologiques, ils partagent avec la majorité des poissons des éléments fondamentaux, comme leurs branchies pour respirer, leurs nageoires et leur squelette intérieur. Leur peau, quant à elle, ne possède pas d’écailles.
Comment se défendent-ils dans leur environnement ?
Très vulnérables en raison de leur déplacement lent et de leur absence d’armes défensives, les hippocampes comptent principalement sur le camouflage pour échapper à leurs prédateurs. Leur capacité à changer de coloration — homochromie — leur permet de se fondre dans la végétation marine, qu’il s’agisse de sable, d’algues ou d’autres supports. Leur robe peut imiter la teinte du fond environnant, enrichie de taches, rayures ou marbrures, rendant leur ligne invisibles pour les autres animaux qui rôdent dans leur habitat.
Où peut-on observer ces poissons ?
Les hippocampes fréquentent principalement les zones marines tempérées et tropicales du monde entier, à l’exception des régions polaires. Ils préfèrent se tenir près du littoral, jusqu’à une profondeur d’environ 50 mètres, évitant les eaux aux grands changements de température. Leur habitat favori inclut les herbiers d’posidonie ou de zostère, qui leur fournissent un abri parfait. Ces végétaux, dotés de petites fleurs, s’enracinent dans des sédiments meubles, et la présence d’algues en surface crée un environnement riche. Ces prairies sous-marines préfèrent les fonds sableux ou rocheux protégés des courants violents, mais certains hippocampes peuvent aussi évoluer dans les estuaires ou des zones plus boueuses, où leur rayon d’action reste très limité. Certains vivent entierement dans de petites zones pendant toute leur vie.
Quelles espèces d’hippocampes peut-on trouver en France ?
La région du bassin d’Arcachon abrite la majorité des hippocampes en France, notamment dans des zones proches des parcs à huîtres. D’autres populations sont repérées en lagune de Thau, au lac d’Hossegor, dans l’étang de Leucate ou encore dans le golfe du Morbihan. La France voit principalement deux types d’hippocampes :
- Hippocampus hippocampus (hippocampe commun) : il fréquente surtout les fonds de sable ou les milieux rocheux, où il s’accroche aux algues ou autres supports avec sa queue préhensile. Il préfère les zones lagunaires ou peu profondes, jusqu’à 50 mètres, généralement en Méditerranée.
- Hippocampus guttulatus (hippocampe à long bec) : partageant des habitats similaires, il évolue aussi dans les herbiers de posidonie ou de zostère, ainsi que dans les zones riches en algues, et se rencontre aussi bien en Méditerranée que dans l’Atlantique.
Quels aliments consomment-ils ?
Malgré leur silhouette fragile, ces poissons prédateurs se nourrissent exclusivement de matières animales vivantes. Leur menu souvent composé de zooplancton et de petits crustacés benthiques, comme les amphipodes ou les crevettes, leur fournit leur énergie quotidienne. Ils peuvent aussi ingérer des larves de décapodes ou des œufs de poissons. Leur stratégie de chasse repose sur la station et le camouflage : ils repèrent leurs proies grâce à leurs yeux mobiles, puis aspirent rapidement avec leur museau tubulaire tout ce qui se trouve à proximité, rejetant les déchets via leurs ouïes.
Comment se passe la reproduction chez l’hippocampe ?
Ces animaux ont une reproduction monogame, qui sort de l’ordinaire. Après une parade nuptiale, la femelle dépose ses ovocytes dans la poche ventrale du mâle à l’aide d’un appendice appelé ovipositeur. La fécondation et l’incubation ont lieu à l’intérieur du corps du mâle, qui joue ainsi le rôle d’un utérus, en fournissant oxygène et nutriments tout en évacuant les débris. Après environ 28 jours, le mâle expulse ses petits, qui naissent en général en nombre variant de quelques dizaines à plusieurs centaines, selon l’espèce. Les jeunes hippocampes vivent d’abord en phase planctonique, ce qui leur augmente leur vulnérabilité. Leur croissance est remarquablement rapide : ils passent de 5 mm à environ 4 cm en un mois. Ils atteignent leur maturité sexuelle entre le cinquième et le huitième mois, pour une espérance de vie maximale d’environ 4 ans.
Pourquoi l’hippocampe est-il en danger ?
Parmi ses principaux prédateurs figurent de grands poissons carnivores, des requins, des raies, ainsi que certains oiseaux et tortues marines. L’estimation exacte de leur population est compliquée, ce qui amène l’Union internationale pour la conservation de la nature (Tendances et animaux) à classer près de 60 % des espèces comme étant en situation précaire. La principale menace provient de l’activité humaine, notamment :
- Le braconnage et le commerce illégal : en Asie, certains pensent à tort que l’hippocampe possède des vertus médicinales ou qu’il aurait des pouvoirs magiques, ce qui engendre une forte chasse clandestine. Le poisson est séché ou réduit en poudre pour être vendu dans le marché noir ou comme souvenir touristique, malgré un taux élevé de mortalité lors de la capture ou de la mise en vente. La vente d’hippocampes en captivité reste aussi limitée étant donné leur faibles chances de survivre en environnement artificiel.
- La destruction de leur habitat : la surpêche, la pollution, l’urbanisation côtière et les effets du changement climatique contribuent à la dégradation constante des zones où ils vivent.
- La capture accidentelle : de nombreux hippocampes se retrouvent piégés dans de grands filets destinés à d’autres poissons ou crustacés. En Méditerranée, cette espèce est considérée comme quasi-menacée à cause de ces prises accessoires et des dommages liés aux pratiques de chalutage ou de dragage.
L’hippocampe bénéficie-t-il de protections officielles ?
En raison de sa vulnérabilité, cet animal est protégé par plusieurs accords internationaux et réglementations nationales, notamment :
- La Convention sur le commerce international des espèces de faune et flore sauvages menacées d’extinction (CITES) ;
- La Convention de Berne, en annexe II ;
- La convention de Barcelone, dans le cadre du protocole sur les réserves naturelles et la biodiversité en Méditerranée ;
- La Convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l’Atlantique nord-est.
La vente d’hippocampes doit impérativement provenir de sources réglementées et traçables, dans une optique de pêche durable. Malgré ces mesures, il demeure une forte activité de contrebande. En réalité, une grande proportion de ces poissons, environ 95 sur 100, seraient exportés illégalement depuis des pays qui ont pourtant interdit leur commercialisation. Il est estimé que chaque année, environ 20 millions d’individus sont prélevés clandestinement dans les eaux mondiales.