Les esturgeons regroupent différentes espèces de poissons qui ne se rencontrent qu’au sein de l’hémisphère nord. Ces géants aquatiques peuvent atteindre des tailles comprises entre 3 et plus de 5 mètres, et leur squelette est composé uniquement d’os, sans la présence d’écailles comme on peut en voir chez d’autres poissons. Leur chair savoureuse et leurs œufs, précieux pour la fabrication du caviar — cet or noir apprécié mondialement — en font des cibles très recherchées. Parmi eux, l’esturgeon d’Europe est aujourd’hui extrêmement menacé, mais il subsiste encore dans certains secteurs de l’estuaire de la Gironde, où la reproduction naturelle se maintient.
caractéristiques de l’esturgeon d’Europe
Ce spécimen, désigné scientifiquement sous le nom d’Acipenser sturio, appartient à la famille des Acipenseridae. Son cycle de vie est particulier : il émerge en eaux douces, s’aventure en mer, puis remonte vers les eaux douces pour se reproduire. On parle à ce titre de poissons potamotoques ou encore d’anadromes. Grâce à sa capacité à survivre dans des habitats à salinité variable — que ce soit en eaux douce ou salée — il possède des adaptations spécifiques. Aujourd’hui, il est encore visible dans l’estuaire de la Gironde, dernière zone à la fois sauvage et naturelle où cette espèce peut se reproduire dans le cycle naturel.
Son profil distinctif inclut une coloration gris-brunâtre ou cendrée sur le dos, avec un ventre jaune. La reconnaissance de cet animal repose notamment sur ses quatre barbillons sensoriels proches de sa bouche, ainsi que sur son museau en forme de longue pointe. Son corps élancé est orné de cinq rangées de plaques osseuses, et ses nageoires caudales présentent une asymétrie caractéristique, semblable à celle du requin.
Sa taille peut impressionner : un adulte peut mesurer entre 3 et 4 mètres, pour un poids avoisinant les 500 kilogrammes. En pleine maturité, il change de régime : il chasse les autres poissons en naviguant au fond des eaux marines, ce qui en fait un prédateur redoutable et un élément clé de son écosystème.
cycle de vie et reproduction de l’esturgeon d’Europe
Ce poisson passe par plusieurs phases distinctes : de l’enfance en eaux douces, à la jeunesse en estuaire, puis à l’état subadulte en milieu marin, avant de redevenir reproducteur en eaux douces. La période de reproduction débute dès que l’esturgeon remonte le fleuve jusqu’aux zones de fraie, généralement entre mai et juin. Ces zones, situées en eaux peu profondes et à température d’environ 14°C, voient la femelle déposer ses œufs sur un fond de gravier. La quantité d’œufs peut représenter environ 10 % de son poids — soit plusieurs centaines de milliers, pouvant atteindre jusqu’à 2 millions pour les plus grosses femelles — mais celles-ci doivent attendre plusieurs années avant de pouvoir à nouveau se reproduire.
La fécondation des œufs est rapide : leur incubation, selon la température de l’eau, dure de 5 à 7 jours. Après l’éclosion, les alevins, très petits (une dizaine de millimètres), restent dans la zone de fraie jusqu’à la fin de la première année, après quoi ils migrent vers les eaux marines. Ce déplacement, qui peut durer de 2 à 3 ans, leur permet de se nourrir principalement de petits invertébrés et de débris organiques du fond.
Les jeunes esturgeons, encore immatures sexuellement, effectuent chaque année la « Mouvée de la Saint-Jean », une migration remontant l’estuaire dès le mois de mars. Ils évoluent alors durant plusieurs mois dans des eaux dont la température avoisine 20°C, à une profondeur minimale de 5 mètres. Lorsque vient l’hiver, ils restent à proximité de l’embouchure, sans s’éloigner de plus de 30 kilomètres.
Ceux qui atteignent leur maturité sexuelle, généralement vers l’âge de 10 à 12 ans pour les mâles et 15 à 20 ans pour les femelles, se dirigent vers des zones plus profondes — sableuses et situées à une centaine de kilomètres de l’échangeur — où l’eau atteint 40 à 80 mètres de profondeur, propice à leur reproduction.
un animal en danger critique d’extinction
L’espérance de vie de l’esturgeon d’Europe peut atteindre environ 80 ans, mais sa situation est alarmante. Fier de rester parmi les poissons les plus menacés en Europe, il subit la pression de la pêche commerciale et du braconnage, notamment en raison de ses œufs, qui alimentent une industrie lucrative du caviar. La pollution, l’augmentation de la température dans ses zones de reproduction, ainsi que l’installation de nombreux barrages sur les cours d’eau, contribuent également à sa déclin. Aujourd’hui, il ne reste que quelques centaines d’individus sauvages, ce qui rend la survie de cette espèce très fragile.
Le cycle de reproduction du sturio est très lent, ce qui complique la conservation : un mâle doit attendre 10 à 12 ans pour atteindre la maturité sexuelle, tandis que la femelle ne peut se reproduire qu’à partir de 15 à 20 ans. Face à ces enjeux, cette espèce est protégée depuis 1982 afin de prévenir son extinction totale.