Les cygnes tuberculés : une présence en expansion ?

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Les cygnes tuberculés représentent une espèce d’oiseaux que l’on rencontre de plus en plus fréquemment lors de promenades au bord de l’eau. Il y a une dizaine d’années à peine, leur apparition était bien moins courante, surtout sur des plans d’eau privés où ils avaient été introduits intentionnellement. Cela suscite naturellement des interrogations : leur population est-elle en train de croître de manière excessive ? Sont-ils devenus trop nombreux ? Pour répondre à ces questions et mieux connaître cet oiseau, cet article explore leur biologie, leurs adversaires naturels et leur alimentation.

Comprendre le cygne tuberculé : ses spécificités et ses différences avec d’autres cygnes

Le nom scientifique du cygne tuberculé est Cygnus olor. La principale caractéristique qui lui donne son nom est la présence d’une excroissance noire appelée tubercule, située à la base de son bec, plus marquée chez les mâles. Son apparence est aussi marquée par un bec de teinte rougeâtre et un plumage blanc d’une pureté éclatante. On le surnomme souvent cygne muet en raison de son comportement généralement calme et silencieux, même si ses vocalisations variées sont utilisées pour communiquer, défendre son territoire ou alerter ses congénères en cas de danger.

Originaire d’Eurasie, cet oiseau figure parmi ceux qui, malgré leur poids conséquent, parviennent à voler. Un mâle pèse en moyenne un peu plus de 10 kilogrammes, tandis qu’une femelle pèse environ 8,5 kilogrammes. Les jeunes, quant à eux, ne dépassent pas 220 grammes à la naissance. Leur stature adulte peut atteindre entre 1,25 m et 1,70 m, ce qui dépasse largement la taille d’un enfant de cet âge. Leur envergure, impressionnante, varie entre 2 et 2,4 mètres. À titre de comparaison, leur taille est proche de celle du cygne chanteur, aussi présent en Eurasie, mais le cygne trompette, originaire d’Amérique du Nord, possède une envergure pouvant atteindre 3 mètres et un cou moins massif.

Lorsqu’il vole, le cygne tuberculé perd de son élégance habituelle à la surface de l’eau ; ses ailes produisent un bruit relativement fort et il se propulse en battant lentement ses ailes dans l’alignement de son cou tendu. Il peut s’envoler depuis l’eau ou depuis le sol, nécessitant une course d’au moins 8 mètres, voire jusqu’à 20 mètres. Une fois lancé, il peut atteindre des vitesses allant jusqu’à 80 km/h.

Qu’alimente le cygne tuberculé ?

Ce cygne préfère évoluer près de zones calmes avec des berges peu profondes, riches en végétation aquatique comme la roselière. Il tolère certains habitats riches en matières nutritives, dit eutrophiques, favorables au développement de végétaux, algues et bactéries qui contribuent au phénomène de désoxygénation de l’eau, éléments que l’oiseau consomme volontiers.

Il se nourrit principalement de plantes aquatiques en surfant à la surface ou en plongeant sa tête sous l’eau pour chercher sa nourriture. Il est également capable de fouiller dans les prairies humides pour récupérer des aliments. Ses menus complètent parfois par des mollusques, des insectes ou d’autres petits invertébrés. En hiver, il a tendance à former des groupes dans des zones marines abritées, comme les baies, lagunes ou estuaires, où il trouve de quoi manger. Lorsqu’il lui est difficile de s’alimenter, il peut se rabattre sur des céréales ou des plantes terrestres, et n’est pas farouche : il peut même manger du pain que lui tendent les promeneurs, bien qu’il devienne davantage agressif en période de nidification. La capacité d’adaptation de cet oiseau lui permet d’avoir une alimentation variée, ce qui favorise sa survie.

En matière de prédateurs, sa taille lui confère une certaine protection contre les mammifères terrestres. Cependant, certains grands rapaces, notamment, peuvent représenter des menaces pour lui. Les œufs et les jeunes cygnes, eux, sont plus vulnérables face à des prédateurs comme le renard, le raton laveur, la martre ou la corneille, qui n’hésitent pas à s’en prendre à eux.

Où vit-il et quelle est la situation de sa population ?

Présent à travers une large zone de l’Eurasie, du sud de l’Europe jusqu’à l’Asie centrale, le cygne tuberculé fréquente surtout les milieux humides, tels que les lacs, étangs et rivières à eaux calmes. La France, engagée dans la protection de ses zones humides, leur offre un habitat idéal, notamment grâce à des accords comme la convention de Ramsar. En Europe occidentale, leur nombre ne cesse d’augmenter, notamment pour les populations de cygnes pédonculés.

Mais cette croissance est-elle problématique ? Il est difficile de juger si la présence accrue de ces oiseaux devient envahissante. La notion d’espèce exotique envahissante (EEE) évoque ces espèces introduites par l’homme qui, par leur expansion, mettent en péril l’équilibre des écosystèmes locaux. La majorité des espèces ne sont pas envahissantes, et on estime qu’environ une sur mille peut devenir problématique. Lorsqu’une espèce colonise un territoire, elle peut concurrencer ou éliminer des espèces autochtones.

Ces oiseaux vivent généralement entre 10 et 20 ans, voire plus. Leur consommation quotidienne de végétation atteint jusqu’à 4 kg par jour. Lors de la reproduction, un couple peut produire une couvée de cinq à huit œufs, avec une fécondité élevée pour compenser la mortalité des jeunes. Dans certains cas, leur prolifération pourrait représenter une menace pour leur environnement, ce qui justifie une surveillance attentive.

Quels enjeux et risques liés à la présence du cygne tuberculé ?

Très territorial, chaque couple de cygnes occupe un espace d’environ 0,2 à 5 hectares, qu’il défend contre d’autres cygnes tuberculés, ainsi que contre d’autres oiseaux ou mammifères des zones humides, comme la Bernache du Canada (Branta canadensis). Ce comportement de défense est constant tout au long de l’année, mais reste plus marqué durant la saison de nidification, entre mars et août.

Il est crucial de surveiller et de gérer la population de ces oiseaux pour préserver l’équilibre écologique. Il ne faut pas encourager leur présence par la nourriture ou du matériel de nidification, et il est parfois possible de retirer les œufs ou les cygnes eux-mêmes si leur installation devient problématique. La consommation importante de végétation aquatique par ces oiseaux peut également être régulée via une gestion adaptée de leurs habitats et de leur nombre, avant que la situation ne devienne critique.

Malgré leur rôle dans certains écosystèmes, l’interaction humaine doit rester consciente de ses limites, afin de préserver la biodiversité. Le changement climatique, l’un des défis majeurs de notre époque, complique cette tâche. Il est essentiel d’intervenir avec discernement, en adaptant les actions à chaque contexte local, pour garantir la pérennité des milieux aquatiques et la survie des espèces qui y vivent.