Les oiseaux de la famille des corvidés sont souvent mal perçus. Parmi eux, les oiseaux noirs, comme les corbeaux, se distinguent par leur comportement et leur apparence, ce qui leur a valu une image négative depuis des siècles parmi les populations occidentales. Leur régime alimentaire de charognards ainsi que leur cri peu agréable renforcent cette réputation de nuisibles. Toutefois, cette image est-elle réellement justifiée ou est-ce une perception erronée quant à leur impact sur l’homme ?
Il existe plusieurs espèces de corbeaux
Lorsqu’on observe rapidement la faune locale, on peut faire l’amalgame entre différents oiseaux noirs, sans faire distinction fine. Pourtant, dans le règne aviaire, seul deux corvidés « vrais » portent officiellement le nom de corbeaux. La différence réside notamment dans leur taille, leur morphologie et leur comportement.
Le premier de ces deux véritables corbeaux, le grand corbeau (Corvus corax), possède une envergure impressionnante atteignant 1,30 mètre, ce qui en fait l’oiseau à voler le plus imposant parmi les passereaux. Il privilégie les habitats en montagne ou sur les falaises maritimes, et sa queue, en forme de coin, constitue une caractéristique distinctive.
En comparaison, le corbeau freux (Corvus frugilegus) ne dépasse pas 47 cm de long. Souvent confondu avec la corneille noire qui lui ressemble par sa teinte sombre, il peut toutefois se différencier par ses comportements terrestres : le corbeau freux se déplace en marchant, contrairement à la corneille qui se déplace en petits sauts. Leur bec est également un indice, celui du corbeau étant fin, gris et pointu, alors que celui de la corneille est plus arqué et d’un noir profond.
La corneille noire, plus courante en zone urbaine, est souvent aperçue fouillant dans les poubelles. Cependant, le corbeau freux commence à s’adapter et à se faire davantage voir dans les environnements urbains chaque année.
La question de la légitimité à éliminer les corbeaux
La législation protège le grand corbeau depuis l’arrêté ministériel du 29 octobre 2009, qui inscrit cette espèce parmi celles à préserver sur tout le territoire national. La chasse ou la disparition volontaire de cette espèce sont donc interdites, car elle demeure rare et fréquente principalement des zones peu perturbées par l’humain.
En revanche, le corbeau freux possède un régime alimentaire très varié. Son alimentation inclut des graines, des fruits, des légumes, des insectes, ainsi que des petits animaux comme des œufs ou des oisillons, voire des déchets.
La législation permet la destruction de cette espèce dans une période spécifique, généralement entre la fin de la saison de chasse et le 31 mars, avec possibilité de prolongation jusqu’au 10 juin ou même jusqu’au 31 juillet si les activités agricoles ou autres sont menacées. Toute intervention nécessite une autorisation préfectorale, à condition qu’aucune autre solution ne soit efficace. La capture ou le piégeage du corbeau freux sont autorisés toute l’année, dans tous les endroits, sauf pour la destruction des nids. Les lois concernant la corneille sont identiques à celles du corbeau freux.
Le cadre juridique autour des corbeaux en France
La réglementation qualifie le corbeau freux comme une espèce « susceptible d’occasionner des dégâts », une terminologie ayant remplacé la mention « nuisible » lors de la loi sur la biodiversité en 2016. Cette évolution linguistique a permis de mieux reconnaître leur rôle écologique, en soulignant que leur présence n’est pas toujours néfaste. Certains défenseurs de la nature voient en cette nouvelle appellation une étape positive, car elle met en avant la nécessité de considérer l’impact de chaque espèce dans l’équilibre global de la biodiversité. En pratique, suite à des études sur leur population, le corbeau freux et la corneille ont été exclus des listes d’espèces pouvant faire l’objet d’abattages dans certains départements, comme la Haute-Loire.
Les dégâts causés par le corbeau freux
En milieu rural, les colonies de corbeaux freux peuvent rassembler plusieurs centaines de milliers d’individus, notamment pendant la période hivernale. Leur regroupement massif peut causer de sérieux soucis aux cultivateurs, surtout lorsque ces oiseaux s’installent dans des champs en pleine maturité.
Les cultures céréalières à rotation rapide, comme le maïs, sont particulièrement vulnérables. Les corbeaux y recherchent les graines en germination, pouvant retirer les pousses entières du sol et causer des pertes économiques importantes. Pour limiter ces dégâts, les agriculteurs adaptent leurs techniques agricoles en retardant la saison de semis, en enterrant plus profondément leurs semences ou en utilisant des produits dissuasifs. Des dispositifs comme des appâts, des effaroucheurs, ou la diffusion de cris d’oiseaux effrayés permettent aussi de réduire leur présence dans les champs, même si ces méthodes sont parfois peu efficaces à long terme. La cohabitation devient donc de plus en plus compliquée dans les zones rurales.
Par ailleurs, l’urbanisation grandissante rapproche ces oiseaux des zones habitées, créant des tensions avec l’homme et perturbant l’équilibre écologique local.
La gestion de la population des corbeaux : un équilibre délicat
Au-delà de leur nuisance, il est reconnu que ces oiseaux possèdent une intelligence remarquable. Capables d’utiliser des outils dans leur environnement naturel ou lors d’expériences en laboratoire, ils prouvent une capacité d’adaptation et de résolution de problèmes.
Bien qu’on leur reproche souvent de s’attaquer aux œufs et aux jeunes oiseaux d’autres espèces, les recherches indiquent que leur influence sur ces populations est généralement faible. Leur rôle dans l’écosystème est également bénéfique, puisqu’en se nourrissant de carcasses, ils contribuent à limiter la propagation des maladies.
Il devient donc essentiel de préserver un certain équilibre, car des actions excessives visant à réduire leur nombre peuvent entraîner des conséquences négatives pour leur survie. Les corbeaux freux, en participant à cette régulation naturelle, ont leur place dans la complexité des écosystèmes, tant que leur présence ne devient pas ingérable ou nuisible à long terme.