Parmi toutes les espèces de fous réparties dans le monde, seul le Fou de Bassan réside en Europe. Cet oiseau marin emblématique est le plus massif que l’on peut observer facilement au large des côtes françaises. Si vous souhaitez en apprendre davantage, notre article vous présente l’essentiel à connaître sur cet animal hors du commun.
L’origine du nom et ce qui rend cet oiseau si singulier
Que traduit exactement l’appellation « Fou de Bassan » (Morus bassanus) ? Quelle est son origine ?
Le terme « Bassan » dérive du nom de l’île Bass Rock, située dans le Golf d’Édimbourg. Cet oiseau, en effet, trouve ses racines dans le Nord de l’Écosse, où cette île a été habitée par une colonie de fous dès le Vème siècle après J.-C.
Quant au mot « Fou », il évoque la façon dont l’oiseau pratique la pêche. Son comportement peut sembler absurde à nos yeux, mais il est en réalité très réfléchi. La dénomination scientifique Morus bassanus intègre d’ailleurs ce trait : le terme latin morus traduit par « extravagant » ou « fou ».
Ce qui distingue cet oiseau, c’est sa méthode de chasse unique. Il repère un groupe de poissons à vol d’oiseau, puis plonge en piqué, souvent d’une hauteur pouvant dépasser 30 mètres, grâce à une vision acérée. Avant de plonger, il replie ses ailes le long de son corps et traverse la surface de l’eau à grande vitesse – pouvant atteindre 100 km/h – sans se blesser, en évitant de couper ses ailes. Lors de cette plongée, il atteint des profondeurs de 6 à 7 mètres, puis remonte en piquant à nouveau le banc de poissons, qu’il saisit avant de remonter à la surface, où il consomme sa proie. Doté de pattes palmées, il nage avec aisance et se nourrit principalement de maquereaux, capelans, sardines ou harengs. Un Fou de Bassan peut ingérer entre 400 et 700 grammes de nourriture par jour.
L’homme a souvent puisé dans le monde animal pour élaborer des innovations technologiques. Le profil aérodynamique de cet oiseau, très efficace pour percer l’eau, aurait inspiré la conception du Concorde lors de sa création.
Cependant, son envol peut être laborieux si les vents ne sont pas suffisamment favorables. Il doit généralement prendre de la hauteur en s’élançant depuis une falaise pour décoller. Une fois en vol, cet oiseau est un excellent planeur, grâce notamment à une envergure atteignant 1,80 mètre.
Un style si particulier
La tête du Fou de Bassan arbore une coloration jaune vif à l’arrière, plus intense durant la période de reproduction. Son cou est particulièrement long et puissant, tandis que son bec, robuste, présente une forme pointue parfaitement alignée avec la courbe de la tête. Ses yeux, d’un bleu clair très distinctif, accentuent son aspect singulier. Même lorsqu’il est posé, son corps arbore une silhouette fine, élancée et élégante. Ses longues ailes blanches, aux extrémités noires, complètent cette apparence remarquable.
Difficile de le confondre avec une autre espèce. Le mâle a tendance à être légèrement plus petit que la femelle, mais cette différence est peu visible à l’œil nu. Les jeunes, dès la première année, présentent un plumage brun foncé uniforme, mais leur bec a déjà la couleur gris clair caractéristique. Leur plumage blanc ne se développera complètement qu’après environ quatre ans.
Une présence remarquée dans son habitat
Le Fou de Bassan appartient à ces oiseaux qui forment des couples monogames, se regroupant pour la vie après atteindre leur maturité sexuelle vers l’âge de 5 à 6 ans. Jusqu’à cette étape, les jeunes mènent une vie solitaire.
La réserve naturelle des Sept-Iles, dans les Côtes d’Armor, accueille une importante colonie de Fous de Bassan. La plus grande colonie se trouve à l’île de Bonaventure, au Québec, dans le Golfe du Saint-Laurent.
Sur l’île Rouzic, ce sont plus de 20 000 couples qui nichent d’octobre à fin janvier, avec une densité pouvant atteindre 180 oiseaux pour 100 mètres carrés. La communication se fait par des cris, souvent perçus comme une intense cacophonie. Cette forte concentration crée des soucis pour d’autres espèces d’oiseaux partageant cet espace, comme les mouettes tridactyles, guillemots de Troïl ou fulmars, qui peuvent être dissuadés ou chassés. De plus, la dégradation de l’environnement par les fientes des Fous de Bassan affecte la végétation locale et colonise certains sites d’autres oiseaux, notamment les macareux moines, qui sont en danger d’extinction.
Certains adultes entreprennent des migrations saisonnières, principalement en hiver. Ils restent proches des colonies, tout en pouvant se déplacer vers des zones plus tempérées comme le Golfe de Gascogne ou la Méditerranée.
Chaque année, les couples reviennent déposer leurs œufs sur le même site, réutilisant leur nid constitué de bois flotté, de débris divers, d’algues et de guano. La parade nuptiale précède généralement la ponte d’un seul œuf, souvent en avril ou mai, qui sera couvé durant 40 jours. L’éclosion intervient en juin, et les jeunes seront nourris par leurs parents durant environ 12 semaines, principalement avec des orphies et des lanzons. Les parents parcourent souvent de longues distances, de 600 à 1 000 km, dans un rayon de 100 km autour du nid pour leur approvisionnement. À la fin de cette période, à environ 4 kg, les jeunes quittent la colonie pour apprendre à survivre seul, mais leur taux de mortalité élevé – 80 % lors de leur première année – rend leur avenir incertain. Un couple peut espérer une reproduction pendant environ quinze années, mais en moyenne, seuls trois de leurs jeunes atteindront l’âge adulte pour se reproduire.
La faible taille des colonies et la vulnérabilité de l’espèce révèlent la fragilité de cette population. Elle a subi des pertes importantes en raison des marées noires et des déversements de pétrole. Aujourd’hui, le Fou de Bassan bénéficie d’une protection renforcée, notamment via la Convention de Berne. Pourtant, la surpêche demeure une menace constante, laissant planer une incertitude quant à son avenir.