Le bec de l’engoulevent de Nuttall, court mais large, est complété par des vibrisses qui facilitent la capture d’insectes en vol. Cette créature, qui a une activité exclusivement nocturne, possède de grands yeux adaptatifs pour chasser à la tombée de la nuit. Ce qui distingue particulièrement cette espèce, c’est sa capacité exceptionnelle à hiberner : lorsque les températures chutent et que la nourriture devient rare, elle réduit considérablement son métabolisme en entrant dans un état de torpeur profonde. Cette adaptation lui permet de traverser l’hiver, et il peut même continuer à couver ses œufs tout en hibernant.
Qui est l’engoulevent de Nuttall ?
L’engoulevent de Nuttall, scientifiquement connu sous le nom de Phalaenoptilus nuttallii, appartient à la famille des caprimulgidés. La dénomination de cette famille trouve son origine dans le terme latin « caprimulgus », signifiant littéralement « téter la chèvre », en raison de la croyance populaire que ces oiseaux fréquentaient les étables pour téter directement les chèvres et endommager leur pis. En anglais, l’espèce est appelée « Common Poorwill », évoquant son chant caractéristique. L’espèce présente six sous-espèces, principalement différenciées selon leur localisation géographique, malgré des zones d’hivernage qui se superposent, comme nous le détaillerons plus tard :
- Phalaenoptilus nuttallii nuttallii
- Phalaenoptilus nuttallii californicus
- Phalaenoptilus nuttallii hueyi
- Phalaenoptilus nuttallii dickeyi
- Phalaenoptilus nuttallii adustus
- Phalaenoptilus nuttallii centralis
Comment reconnaître l’engoulevent de Nuttall ?
Ce volatile nord-américain se distingue par sa silhouette compacte, avec une queue et des ailes courtes, ainsi que des petites pattes fines. Sa tête volumineuse, dépourvue de cou, est équipée de grands yeux sombres, renforçant son aspect trapu. Son bec recourbé vers le bas est à la fois court et large, muni de vibrisses situées aux commissures. Son plumage, camouflé par des teintes variées de brun, gris, noir et blanc, présente des taches et des barres de rouge, lui permettant de se dissimuler efficacement. Il ne présente pas de différences visibles liées au sexe, mâles et femelles étant identiques à l’exception de légères variations, telles que des rectrices à pointe blanche ou chamois, et une taille légèrement supérieure chez les femelles. Leurs dimensions moyennes sont d’environ 20 cm pour la longueur, une envergure de 43 cm, et un poids qui tourne autour de 51 grammes.
Où trouve-t-on l’engoulevent de Nuttall dans le monde ?
Ce rapace nocturne peuple principalement la partie ouest de l’Amérique du Nord. Sa zone de reproduction s’étend du sud du Canada — notamment en Colombie-Britannique, Alberta et Saskatchewan — jusqu’au Mexique, en passant par la Californie, l’Arizona, le Colorado et le Texas. Pendant l’automne, entre septembre et novembre, les populations canadiennes migrent vers le sud, jusqu’au centre du Mexique, pour revenir au printemps, entre avril et mai. Les oiseaux du sud, quant à eux, migrent vers le nord durant la période de reproduction, de février à mars, puis retournent dans leur zone d’hivernage à l’automne. Certaines colonies résistent à l’année dans leur habitat, mais changent d’altitude selon les saisons, s’élevant en période de parade amoureuse pour revenir à des altitudes plus basses en hiver.
Quel habitat privilégie-t-il ?
Ce rapace préfère évoluer dans des environnements ouverts et arides, tels que les prairies, zones steppiques, forêts clairsemées, collines escarpées ou déserts. Son habitat idéal comporte souvent des zones à végétation peu dense ou courte, favorisant la visibilité pour la chasse. Il apprécie également les milieux riches en affleurements rocheux, particulièrement dans les zones où il peut se percher près du sol sur des arbres ou des rochers, dans le but d’observer et attendre sa proie. Pour la nidification, il sélectionne généralement des endroits abritant des résineux comme le pin ponderosa ou le douglas, évoluant souvent à des altitudes comprises entre 500 et 1000 mètres, avec des observations à plus de 2500 mètres.
Mode de vie nocturne et habitudes comportementales
Ce rapace est actif durant la nuit, passant une grande partie de la journée immobile au sol, dans des branches basses ou sous des souches, ou caché dans des cavités naturelles. En été, il adopte une attitude immobile sur ses perchoirs pour mieux résister à la chaleur extrême. Il possède une capacité remarquable à gérer la chaleur en haletant, grâce à sa large bouche très vascularisée, ce qui lui permet de maintenir une température corporelle jusqu’à 42°C alors que la température ambiante peut dépasser 48°C. Son activité principale débute au crépuscule, et il chasse la nuit en attendant que les insectes deviennent abondants.
Quelles sont ses préférences alimentaires ?
Ce chasseur nocturne se nourrit principalement d’insectes, notamment de coléoptères et de papillons de nuit (lépidoptères). Les autres types d’insectes constituent une minorité dans son régime. Sa sélection de proies se fait en fonction de leur taille, généralement entre 5 et 7 millimètres, afin d’optimiser son approvisionnement en énergie. Cette préférence pour certains insectes contribue à maximiser leur efficacité de chasse, qui s’effectue majoritairement à l’affût, en guettant au sol ou sur un perchoir bas. Lors des nuits avec une lune brillante, son activité de chasse semble augmenter, car la luminosité facilite la détection de ses proies. En période de reproduction, il doit chasser intensément pour répondre à ses besoins énergétiques, effectuant entre 200 et 300 vols nocturnes pour ingérer environ 9,7 g d’aliment, ce qui est essentiel pour maintenir ses réserves et soutenir ses petits.
Comment se prémunit-il contre ses prédateurs ?
Son activité nocturne lui confère un avantage en évitant la majorité des prédateurs diurnes. Lorsqu’il repère un danger, il diminue ses vocalisations pour ne pas attirer l’attention. Son élégant plumage cryptique et son comportement immobile lorsqu’il est posé, sont ses meilleures stratégies de camouflage. La dispersion régulière de ses œufs et des petits, tous les deux jours, limite leur visibilité aux prédateurs. Pendant la nidification, ses parents restent immobiles jusqu’à ce qu’un intrus s’approche à proximité, puis ils se précipitent en criant ou en ébouriffant leurs plumes pour distraire ou faire fuir le danger. Parfois, ils adoptent une attitude silencieuse et menaçante, battant des ailes ou émettant des grognements pour dissuader l’ennemi.
La particularité de l’hibernation chez l’engoulevent de Nuttall
Ce qui rend cette espèce unique chez les oiseaux, c’est sa capacité à entrer en état d’hibernation. La première observation de ce phénomène remonte à 1947-1948, lorsqu’un individu sauvage a été retrouvé en torpeur durant au moins 85 jours. Des études ultérieures en laboratoire ont confirmé cette capacité, qui apparaît comme une réponse à des conditions environnementales difficiles, telles que la pénurie de nourriture ou des températures extrêmes. En hibernant, l’oiseau réduit ses fonctions vitales : son rythme respiratoire et cardiaque ralentissent, sa température corporelle se rapproche de celle de son environnement. Lorsqu’une hausse de température ambiante survient, il sort de son état de torpeur, devenant à nouveau actif. Des cas de couvaison durant l’hibernation ont également été documentés, bien que cette stratégie puisse affecter la survie des œufs et augmenter leur risque d’abandon.
Processus de reproduction de l’engoulevent de Nuttall
Les couples de cette espèce sont monogames pour une seule saison de reproduction. Au printemps, le mâle chante du crépuscule jusqu’à l’aube pour attirer une femelle et défendre son territoire contre ses rivaux. Ce chant intense, qui demande une dépense énergétique considérable — jusqu’à cinq fois son métabolisme de repos —, explique la perte de poids saisonnière. Contrairement à d’autres oiseaux, aucun nid n’est construit ; ils déposent leur progéniture dans de petites dépressions creusées sur le sol ou trouvées sur des rochers ou des souches, en laissant la responsabilité de l’incubation aux deux parents.
Élevage des jeunes
La ponte contient généralement entre deux et quatre œufs de couleur chamois, incubés à tour de rôle par les deux adultes. La couvée dure environ 3 semaines, avec un couvain principalement assuré par le parent qui se relaye, notamment la journée par la femelle et la nuit par le mâle. Après l’éclosion, ils sont nourris avec des insectes régurgités, jusqu’à ce qu’ils prennent leur envol entre 20 et 23 jours. Une seconde couvée peut être ajoutée en juillet ou août, dans un nid proche du premier. Pendant cette période, le mâle continue de nourrir la première famille pendant que la femelle se charge de la nouvelle couvée.
L’engoulevent de Nuttall est-il menacé ?
Ce petit oiseau doit faire face à de nombreux prédateurs, issus aussi bien du ciel que du sol, notamment le grand-duc d’Amérique, le petit-duc des montagnes, des coyotes, des pinsons, ainsi que des serpents comme le crotale ou le serpent des pins, ou encore des mammifères comme les renards, la moufette rayée ou le blaireau. Heureusement, il n’est pas considéré comme en danger d’extinction actuellement. Selon la classification de l’Union internationale pour la conservation de la nature (Tendances et animaux), il est classé en catégorie « préoccupation mineure » et ne figure pas dans les annexes de la CITES. La difficulté d’étudier son espèce en raison de ses mœurs nocturnes explique en partie le manque de données précises concernant sa longévité, mais des individus marqués ont été observés vivre au moins 3 ans dans la nature.