Depuis des millénaires, le corbeau symbolise le mystère et les mythes dans de nombreuses cultures, depuis l’Antiquité avec ses peuples polythéistes jusqu’aux traditions européennes, asiatiques ou amérindiennes. En réalité, ce nom générique recoupe une quarantaine d’espèces appartenant à la famille des corvidés. Dans cet exposé, nous nous concentrerons sur l’une des espèces les plus célèbres : le grand corbeau.
Qui est le grand corbeau ?
Le grand corbeau (Corvus corax) appartient à l’ordre des passériformes, la même famille que la corneille, le geai ou la pie. Sa taille varie entre 52 et 69 centimètres, avec une envergure pouvant atteindre 1,60 m, faisant de lui le plus grand des oiseaux de cette classe. C’est également le plus lourd parmi ses cousins, pesant en moyenne entre 700 g et 1,7 kg. Les femelles sont en général un peu plus petites que les mâles, et la diversité de ses sous-espèces se traduit par de légères variations morphologiques.
Quelles sont ses particularités physiques ?
Cet oiseau possède une silhouette robuste enveloppée d’un plumage noir profond, souvent rehaussé de reflets bleutés ou violets sous la lumière. Son cou affiche des plumes hérissées, probablement pour dissuader ses prédateurs ou impressionner ses rivaux. Ses ailes et sa queue sont larges et puissantes, tandis que son bec noir, légèrement courbé, lui confère un aspect impressionnant. Les pattes et l’iris de ses yeux sont tout aussi sombres. Le jeune corbeau, quant à lui, se distingue par une apparence plus élancée, un bec moins robuste et une livrée entièrement noire sans reflet, avec un iris bleu gris. Son plumage adulte s’acquiert environ 140 jours après sa naissance.
Où trouve-t-on le corbeau dans le monde ?
La présence du grand corbeau se limite exclusivement à l’hémisphère nord. On le repère en Amérique du Nord, en Arctique, dans l’ensemble de l’Europe, en Afrique du Nord, sur les Îles Canaries et dans la majorité des régions asiatiques. Il s’adapte à des environnements très variés : des étendues désertiques brûlantes du Maghreb aux climats tempérés en Amérique du Nord, en Europe ou en Asie centrale, sans oublier les régions glaciales du Groenland. Sa capacité à prospérer en haute altitude est remarquable puisque l’on le rencontre jusqu’à 5000 m dans l’Himalaya ou sur l’Everest, ainsi que dans des zones montagneuses et forêts d’Amérique centrale comme le Mexique ou le Guatemala.
Quel type d’habitat privilégie-t-il ?
Généralement, le grand corbeau préfère les zones proches des côtes ou celles où s’étendent de vastes massifs boisés, où il peut trouver suffisement de nourriture. Bien qu’il ne rechigne pas à s’approcher de zones rurales, il évite les zones urbaines très densément peuplées. En France, il niche souvent dans des arbres imposants ou, de préférence, dans des sites rupestres. Il construit ses nids dans des falaises difficiles d’accès afin d’éviter toute perturbation et privilégie souvent les milieux montagneux tels que les Pyrénées, les Alpes ou le Jura, mais aussi les falaises côtières en Bretagne ou en Normandie.
Que consomme le grand corbeau ?
Par sa capacité d’adaptation et son ingéniosité, le grand corbeau profite d’une alimentation variée. Sa principale source est la nourriture morte (nécrophage), comprenant des cadavres d’animaux, ainsi que des insectes et larves présentes sur les carcasses qu’il déniche. Il fréquente souvent les zones où siègent d’autres charognards, comme les vautours. Il n’hésite pas à suivre les troupeaux de loups pour récupérer les restes de leur chasse ou à fouiller des carcasses de bétail abandonnées ou celles laissées sur la route. Occasionnellement, il complète son repas avec des déchets humains ou se montre capable de s’attaquer à des animaux plus petits ou faibles, comme des micromammifères, des reptiles ou de jeunes oiseaux. Il pille également les nids situés sur les falaises maritimes et consomme parfois des fruits ou des céréales, bien que ces éléments restent minoritaires dans son régime.
Quel est son mode de vie ?
Le grand corbeau a une vie principalement sédentaire, s’étendant sur un territoire qu’il occupe toute sa vie. Il vit souvent en couple ou seul, mais en dehors de la saison de reproduction, il devient plus sociable et peut rejoindre d’autres corvidés ou couples pour partager la nourriture dans des dortoirs collectifs. La territorialité est très marquée durant la nidification, avec des comportements agressifs contre les intrus. Les jeunes corbeaux, quant à eux, restent généralement en groupe toute l’année avant de s’établir seuls ou en couples pour leurs premières reproductions vers l’âge de deux à trois ans.
Quelles sont ses capacités ?
La grande intelligence du corbeau lui permet de communiquer avec une précision étonnante. Par exemple, lorsqu’il découvre une ressource alimentaire trop volumineuse pour lui seul, il alerte ses congénères pour qu’ils l’aident à la consommer, tout en repoussant d’éventuels compétiteurs. Il s’avère également capable d’attirer des meutes de loups à proximité des carcasses pour faciliter leur ouverture. Sa mémoire exceptionnelle lui confère la faculté de se remémorer des cachettes de nourriture – parfois plusieurs mois après – ce qui lui permet de chaparder en période de disette ou de retrouver ses provisions.
Comment se forment les couples de corbeaux ?
La fidélité est une caractéristique essentielle du comportement du grand corbeau : une fois formé, le couple reste uni tout au long de sa vie. La quête de partenaires commence par des rituels nuptiaux où le mâle réalise des acrobaties aériennes afin de prouver ses capacités de chasseur à la femelle. En deuxième étape, ils choisissent un site de nidification, qu’ils s’approprient et défendent farouchement pour assurer leur subsistance.
Comment se reproduisent-ils ?
Après avoir sécurisé leur territoire, le couple construit un nid dans une cavité rocheuse ou dans un arbre élevé, en utilisant des branches, des feuillages, renforcés par de la terre ou des racines. Pour conserver la chaleur nécessaire à l’incubation, ils garnissent l’intérieur du nid avec des fourrures, de la paille ou du foin. La femelle pond entre 3 et 7 œufs, qu’elle couve seule environ trois semaines. À l’éclosion, les deux parents nourrissent les poussins en leur apportant des aliments régurgités, pendant environ un mois. Les jeunes restent proches du nid jusqu’à 5 ou 7 semaines, puis poursuivent leur apprentissage auprès des adultes pendant plusieurs mois. Leur maturité sexuelle intervient généralement vers l’âge de deux ans, après quoi ils peuvent former leur propre couple.
Le grand corbeau est-il en danger ?
En haut de la chaîne alimentaire, le grand corbeau est relativement peu exposé à ses prédateurs. Cependant, ses jeunes sont vulnérables à certains carnassiers comme le hibou grand-duc ou des mustélidés. De longue date, l’espèce a été persécutée en raison de croyances ou de pratiques agricoles, l’accusant des prélèvements sur le bétail ou les œufs d’élevage, ce qui a fortement contribué à sa raréfaction en France. Depuis l’interdiction de sa chasse, ses populations ont progressivement repris. Pendant qu’elle est abondante dans de nombreux massifs montagneux, ses effectifs sont en augmentation, notamment dans les plaines cette fois protégées. À l’échelle mondiale, sa répartition est large et variée, et il est fréquemment observé comme une espèce commune ou localement très présente. La classification de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) considère aujourd’hui le corbeau comme une espèce présentant un statut de conservation « préoccupation mineure ».
Le corbeau est-il protégé ?
En France, cet oiseau bénéficie de mesures strictes de protection, notamment via l’arrêté du 17 avril 1981 et de l’arrêté ministériel du 29 octobre 2009, qui réglementent son statut et ses droits de séjour. La convention de Berne, à laquelle tendent signez Tendances et animaux, en fait également une espèce protégée, inscrite à l’annexe III. Malgré ses effectifs en progression, le grand corbeau demeure sensible à plusieurs dangers : perturbations lors de la période de reproduction dues à l’augmentation des activités de loisir en zones naturelles, ou encore les destructions volontaires par tir ou empoisonnement, même si celles-ci ont fortement diminué. L’espérance de vie moyenne de ces oiseaux est d’environ 15 ans, avec des cas exceptionnels pouvant dépasser 40 ans.