Bec-en-sabot du Nil : un échassier doté d’un bec exceptionnel

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À la première rencontre avec le bec-en-sabot du Nil (Balaeniceps rex), ce qui frappe instantanément, c’est la disproportion entre ses proportions. Son bec, massif et démesuré, contraste fortement avec la finesse de ses membres. Contrairement à la silhouette élégante d’un flamant rose ou d’un héron cendré, cet oiseau affiche une posture particulière. Approchons-nous pour comprendre la fonction de cet outil exceptionnel.

Caractéristiques du bec-en-sabot du Nil

Les premiers Européens ont découvert et décrit ce spécimen fascinant à la fin du XIXe siècle. Son nom scientifique, Balaeniceps rex, le distingue comme l’unique représentant de sa famille, les Balaenicipitidae, et de son genre. Cet échassier peut mesurer entre 1 et 1,4 mètre de hauteur, avec une envergure allant de 2,3 à 2,6 mètres, et un poids oscillant autour de 4 à 7 kilogrammes. Lorsqu’il vole, ses ailes avancent lentement, le cou rentré et les pattes tendues, atteignant une vitesse comprise entre 35 et 48 km/h. Il est aussi capable de planer, utilisant les courants thermiques pour gagner rapidement de grandes altitudes.

Chez cette espèce, la distinction entre mâle et femelle est subtile : leur taille et leur bec sont presque identiques. Leurs plumages sont également très semblables, sans changement notable durant la période de reproduction, contrairement à de nombreux autres oiseaux. Les jeunes, quant à eux, arborent un plumage légèrement plus brun que celui des adultes.

Ils exhibent une robe majoritairement grise, avec un dessous plus clair que le dessus. Une petite crête de plumes peut apparaître à l’arrière de leur tête. La majorité des jeunes présentent un ton plus gris que leurs aînés. Les yeux, de couleur jaune à gris-blanc, sont proportionnellement grands, facilitant leur vision et leur capacité à repérer des proies à distance.

Ses longues pattes, équipées de pieds larges aux orteils longs et non palmés, lui permettent de se déplacer dans son environnement. La queue est également large, contribuant à sa stabilité.

Le bec et son régime alimentaire

Ce qui distingue ce bien nommé bec-en-sabot, c’est la taille de son bec, qui dépasse sa tête en longueur. Bien que son apparence ressemble à celle d’autres grands oiseaux comme les pélicans ou les cigognes, sa place dans la classification des oiseaux a été confirmée par des analyses ADN, le classant dans l’ordre des pélécaniformes.

Son bec, d’environ 24 cm de long sur 10 cm de large, se pare parfois de taches grisâtres. Sa coloration allant du jaunâtre au rosé lui donne son nom populaire de « bec-en-sabot ». Son extrémité mandibulaire est prolongée d’un crochet, qui lui sert à maintenir ses proies glissantes, à se toiletter ou à manipuler ses œufs lors de l’organisation du nid. Les bords tranchants du bec facilitent la découpe de ses aliments.

La forme spécifique de ce bec est parfaitement adaptée à la chasse dans des eaux troubles, peu profondes et encombrées de végétation. Contrairement aux hérons, il ne harponne pas ses proies avec son bec fin. Lorsqu’il repère une cible, il ouvre son bec en grand, la remplit sans distinction, puis éjecte le surplus d’un mouvement sec de la tête, laissant la proie mourir ou être prête à être avalée.

Cet oiseau, endémique d’Afrique, observe ses populations dans des zones telles que le Soudan, l’Ouganda (notamment dans le marais de Mabamba), le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie ou la Zambie. Il privilégie les habitats humides, calmes ou stagnants, comme les marais d’eau douce ou les savanes inondables, où la végétation dense de roseaux et de papyrus lui sert de cachette pour traquer ses proies.

Ses yeux, positionnés vers l’avant, lui donnent une excellente perception de la distance et lui permettent de repérer ses cibles avec précision. Son alimentation principale consiste en de grands poissons, notamment des tilapias, des poissons-chats ou des protoptères, en particulier lors des saisons sèches où ces derniers se refugient dans la boue. Il consomme aussi des amphibiens, des serpents d’eau, de jeunes crocodiles, ainsi que des mollusques, des tortues ou de petits varans. Il peut également s’attaquer à un oiseau tombé du nid, un rongeur ou même une carcasse, selon l’opportunité. La chasse se fait en position immobile, guettant jusqu’à ce qu’une proie se présente, puis en la capturant rapidement avec son bec. La lutte peut durer jusqu’à 10 minutes si la proie est lourde ou résistante.

Sa capacité à produire un claquement de bec tonitruant, parfois comparé à une mitraillette, intrigue beaucoup sur internet. Cela lui permet de communiquer avec ses congénères, accompagnant ce bruit d’un gémissement sourd dans certains cas.

Modes de reproduction du bec-en-sabot du Nil

Préférant vivre en solitaire, cet oiseau ne forme que rarement des couples stables, même s’il s’accouple pour la vie. Lors de la saison de reproduction, le mâle et la femelle chassent chacun de leur côté, dans des zones opposées, sur des territoires pouvant couvrir jusqu’à 5 km². Des regroupements temporaires sont possibles, surtout durant la saison sèche, lorsque la nourriture est abondante.

Le couple se rassemble au début de la saison sèche pour construire un nid, une structure pouvant atteindre 2 mètres de diamètre, élaborée conjointement par les deux partenaires. Ce nid, souvent réutilisé sur plusieurs années, sert à la fois pour la ponte et la croissance des jeunes. La période d’incubation, confiée aux deux adultes, dure environ 30 jours, généralement pour deux œufs, dont un seul survit habituellement à l’émergence. Le jeune reste sous la protection de ses parents jusqu’à l’âge adulte, une relation qui favorise la survie des individus. Bien que les prédateurs soient rares, les œufs peuvent être attaqués par des serpents ou des petits mammifères, tandis que les adultes peuvent être menacés par des crocodiles du Nil.

Les menaces pesant sur les becs-en-sabot du Nil

En 2002, on estimait leur nombre à moins de 10 000 dans le monde, incluant ceux en captivité. La principale menace provient de la dégradation de leur habitat, notamment l’assèchement des zones humides, souvent pour des raisons agricoles ou à cause du changement climatique. La reduction des eaux et la destruction des habitats naturels compliquent leur chasse, et leur rareté dans la nature s’accroît. Leur vulnérabilité est accentuée par le trafic illicite, où ils sont vendus pour leur viande ou pour intégrer des collections en zoo. En dépit de protections légales dans certains pays, leur statut est toujours considéré comme vulnérable, nécessitant des efforts de conservation.