Avant de répondre précisément à cette question, il est essentiel de clarifier la notion de « sauvage ». Depuis toujours, les chevaux occupent une place particulière dans l’histoire humaine, étant parmi les premiers animaux à avoir été domestiqués. Mais peut-on encore considérer qu’il existe des chevaux en liberté totale à l’état sauvage ? C’est ce que cet article s’efforcera d’éclaircir.
Cheval sauvage : quelle réalité se cache derrière ce terme ?
Un cheval considéré comme sauvage vit indépendamment de l’intervention humaine, sans être domestiqué ni apprivoisé. Comparé à ses homologues domestiques qui vivent à nos côtés, sa vie se déroule dans la nature. Par exemple, le cheval préhistorique, qui n’a jamais été soumis à la domestication, représente la véritable essence du cheval sauvage.
En revanche, aujourd’hui, l’expression « chevaux sauvages » désigne souvent des descendants d’anciennes populations domestiquées, qui ont retrouvé la liberté après avoir été relâchés ou échappé à la captivité. Ces animaux conservent une remarquable capacité d’adaptation à leur environnement naturel. Parmi eux, les Mustangs d’Amérique, le cheval de Camargue, le Brumby australien ou encore le cheval de Namibie sont couramment désignés comme chevaux sauvages.
À noter que certains de ces « chevaux sauvages » sont considérés comme des espèces invasives dans leur milieu d’accueil. Par exemple, en Australie, les troupeaux de Brumbies sont souvent abattus, notamment par hélicoptère, afin de préserver l’équilibre écologique local.
Existe-t-il réellement encore des chevaux sauvages à l’échelle mondiale ?
La réponse à cette question est généralement négative. Des études scientifiques ont démontré que ceux que l’on qualifie de chevaux sauvages sont en réalité issus de races domesticées, relâchées dans la nature il y a plus de cinq millénaires. Aucun cheval n’a été en permanence totalement indépendant de l’homme, à un moment ou un autre. Lorsqu’un animal domestic échappe à son enclos ou qu’il abandonne volontairement la civilisation, on parle alors de marronnage ou de féralisation, ce qui signifie qu’il devient un cheval « féral ». Ces individus sont souvent appelés chevaux marrons.
Parmi les représentants de ces populations féraux, le cheval de Przewalski est le plus emblématique, même si d’autres comme le Tarpan ont disparu. La tentative de reconstituer une race proche du Tarpan a abouti à la création d’un nouveau groupe nommé Heck, que l’on ne peut pas considérer comme sauvage, puisqu’il résulte de croisements intentionnels.
Aujourd’hui, on dénombre encore 12 groupes de chevaux marrons évoluant à l’état naturel, tels que :
- le Brumby
- le Chincoteague
- le cheval de l’île de Cumberland
- l’Exmoor
- le Kondudo
- le poney de l’île Sable
- le cheval de Namibie
- le cheval de l’île de Shackleford
- le cheval du delta du Danube
- le Kaimanawa
- le Misaki
- le Mustang
De plus, plusieurs espèces de chevaux issus de populations marronnes existent simultanément à l’état sauvage et domestiqué. Au total, on en compte une dizaine, notamment :
- le Camargue
- le Dartmoor
- le Konik
- le Sorraia
- le Welsh mountain
- le Dülmen
- l’Ostovul Moldova Veche
- le Garrano
- le New Forest
- le Poney Galicien
Découvertes surprenantes dans le monde équin
Un tournant majeur dans l’étude du cheval est survenu en février 2018, lorsque des chercheurs ont révélé dans la revue Tendances et animaux qu’il ne resterait actuellement aucune véritable population de chevaux sauvages. Cette assertion a suscité un vif débat chez les spécialistes. Comment est-ce possible ? Depuis la découverte en 1879 du cheval de Przewalski en Mongolie, considéré à l’époque comme le dernier représentant sauvage, on pensait qu’il s’agissait d’un animal qui avait échappé à la domestication. En réalité, ces équidés seraient issus de descendants de chevaux domestiqués il y a plusieurs millénaires, qui auraient simplement retrouvé leur liberté en s’échappant.
Une équipe de chercheurs, notamment issus du Muséum national d’Histoire naturelle et du CNRS, ont exploré les steppes d’Asie centrale, notamment au sein du village de culture Botaï. Grâce à des analyses génomiques comparant l’ADN de chevaux de cette région à celui d’anciens os et dents, ils ont découvert que le cheval de Przewalski descend en fait de ces populations anciennes domestiquées. En d’autres termes, cette race n’a jamais été véritablement sauvage, mais représente plutôt les ancêtres de nos chevaux modernes qui ont été dispersés à travers le monde.
Focus sur le cheval de Przewalski
Ce spécimen se distingue par une tête robuste, des oreilles longues, des yeux placés en position haute, un corps puissant et une gorge épaisse. Il peut atteindre environ 1,20 m au garrot et peser jusqu’à 300 kg. Il ne peut ni être domestiqué ni monté en tant qu’animal de selle.
Découvert pour la première fois en 1879 par l’explorateur polonais Nikolaï Mikhaïlovitch Prjevalski en Dzoungarie, il était longtemps considéré comme disparu, notamment en raison de sa chasse intensive pour sa viande. Cependant, contrairement à ce qu’on croyait, cette espèce n’est pas totalement éteinte, même si ses effectifs ont fortement diminué dans la seconde moitié du XXe siècle, notamment en raison de la chasse. La plupart de ces animaux se retrouvent aujourd’hui en captivité dans différents zoos, principalement pour préserver la race et en assurer la réintroduction dans leur habitat naturel.
De nombreux programmes de sauvegarde ont été mis en place, notamment dans le parc national de Hustai en Mongolie, où la population a pu s’étoffer à plus de 300 individus en liberté. Ces efforts ont permis de reloger quelques spécimens dans des réserves naturelles en Europe, comme au Domaine des grottes de Han en Belgique ou dans le Parc national des Cévennes. Malgré des débuts difficiles où les chevaux peinaient à survivre, les opérations de réintroduction ont montré des résultats positifs, assurant la présence actuelle d’environ 330 Przewalskis en liberté.
Une nouvelle terminologie pour une meilleure compréhension
Selon Beth Shapiro, biologiste à l’université de Santa Cruz en Californie, il serait judicieux de remplacer l’expression « cheval sauvage » par « cheval naturel ». Cette distinction refléterait mieux l’histoire et l’évolution de ces animaux. Même si dans l’usage courant, « cheval sauvage » désigne des groupes vivant en totale liberté, la réalité montre que la plupart sont en fait des descendants de chevaux domestiques ayant repris la vie en liberté, comme les Mustangs américains ou d’autres populations réparties à travers le monde, que ce soit en Europe, en Asie, ou dans d’autres continents.