Les chauves-souris dites vampires ne relèvent pas d’une saga terrifiante, car elles existent bel et bien et se nourrissent de sang. Principalement, elles s’attaquent à des animaux domestiques tels que les bovins et les chevaux, mais leur régime inclut aussi des chèvres, des moutons, des porcs et des volailles. Ces mammifères atypiques comptent aujourd’hui trois espèces reconnues, qui ne sont pas uniquement hématophages mais aussi venimeuses. Leur venin a pour rôle d’empêcher la coagulation du sang, et leur morphologie leur confère la capacité de s’attaquer à des proies bien plus imposantes qu’elles. Voici le portrait du seul mammifère qui se nourrit exclusivement de sang.
Quelles sont les trois espèces de chauves-souris vampires ?
Les chauves-souris vampires font partie de la famille des desmodontidés. Leurs trois représentants principaux se distinguent par leur taille, leur denture et leur apparence :
Le vampire commun (Desmodus rotundus)
Ce spécimen se reconnaît à son pelage clairsemé, arborant un dos brunâtre et un ventre plus pâle. Son envergure ne dépasse pas 18 cm, pour une taille totale d’environ 9 cm, et il ne pèse que jusqu’à 40 grammes. Ses ailes, sombres, comportent un dessous gris ou blanc-brun, et son nez présente des excroissances dermiques qui forment des bourrelets au-dessus des narines. Son museau, réduit, accueille de longues incisives et canines sans émail pour assurer leur tranchant. Il possède la particularité d’avoir le nombre de dents le plus faible parmi ses congénères, 20 en tout. La lèvre inférieure est profondément échancrée, et sa tête relativement grande est équipée d’oreilles courtes et pointues.
Le vampire à pattes velues (Diphylla ecaudata)
Cette espèce doit son nom à ses pattes recouvertes de poils. Elle a une taille plus modeste que le vampire commun, oscillant entre 7 et 9 cm, avec un poids allant jusqu’à 40 g. Son pelage présente des tonalités allant du rougeâtre au brun presque noir. Avec 26 dents, elle possède une denture plus fournie que ses homologues, ce qui lui donne une capacité accrue de consommation sanguine.
Le vampire à ailes blanches (Diaemus youngi)
C’est la plus rare des trois, avec une morphologie similaire à celle du vampire commun, mais en plus petit : environ 8 cm de long et un poids situé entre 35 et 45 g. Son pelage prend une teinte brune, rehaussée par des bords d’ailes blancs et une pointe de patagium également claire. Elle détient 22 dents, et ses incisives inférieures présentent une légère courbure. Moins étudiée, cette espèce demeure peu connue du grand public.
Où évoluent les chauves-souris vampires ?
Ces trois espèces vivent principalement dans de vastes forêts tropicales du continent américain. Leur répartition couvre une zone allant du Mexique jusqu’aux plaines méridionales de l’Argentine, en traversant le Chili, le Pérou, l’Uruguay ou le Brésil. On peut aussi croiser des chauves-souris vampires à Trinité-et-Tobago. Elles cherchent des refuges dans des endroits obscurs comme des grottes, des arbres creux, des caves ou des bâtiments abandonnés. Leur vie coloniale peut regrouper de quelques dizaines à plusieurs milliers d’individus, souvent en compagnie d’autres espèces de chauves-souris dans leurs sites de nidification.
Sur quelles espèces se nourrissent les chauves-souris vampires ?
Le vampire commun privilégie principalement le sang de gros mammifères d’élevage, tels que les bovins ou les chevaux. Il peut également s’alimenter sur des animaux domestiques comme les chèvres, moutons ou porcs, ainsi que sur la faune sauvage, notamment les tapirs. Des cas rares ont été signalés où des morsures ont été portées à des humains. Les zones de prédilection pour les morsures sont souvent l’épaule, le cou, la base des cornes ou des oreilles, le museau, les pattes, la queue, ainsi que les zones génitales ou anales. La chauve-souris à ailes blanches, quant à elle, préfère le sang des oiseaux, notamment des poules, comme l’ont montré des études en captivité dans les années 1950. La chauve-souris à pattes velues semble aussi privilégier les oiseaux dans ses choix alimentaires.
Comment ces chauves-souris prélèvent-elles leur sang ?
La chasse nocturne des chauves-souris vampires repose sur leur capacité à localiser leurs victimes grâce à l’écholocalisation et à leur odorat. Lorsqu’une proie est endormie, la chauve-souris se pose doucement sur son corps et cherche une zone où les poils ou les plumes sont clairsemés. Elle se déplace avec agilité, semblable à une araignée, pour percer la peau avec ses incisives longues et tranchantes, qui ne possèdent pas d’émail. La blessure est indolore, ce qui évite que la victime ne réagisse. La chauve-souris commence alors à lécher le sang, en maintenant la zone ouverte, et peut même mordre de nouveau ou enfoncer sa langue pour prélever un maximum de sang, ce qui dure généralement entre 9 et 40 minutes, pendant lesquelles elle retire environ 20 millilitres de sang.
Quelles adaptations ont permis aux chauves-souris vampires de survivre avec ce régime ?
Pour s’adapter à leur alimentation exclusivement sanguine, ces trois espèces ont développé plusieurs caractéristiques spécifiques. Parmi elles :
- Une capacité à courir sur le sol ou le corps de leurs victimes, une aptitude nécessaire pour chasser en milieu naturel. Leur vitesse peut atteindre 1,2 mètres par seconde, ce qui leur permet d’approcher rapidement leur cible.
- Une utilisation sophistiquée de leurs sens : la vue, l’odorat, l’ouïe, ainsi que l’écholocalisation, leur permettant de localiser précisément une proie. Leur nez possède également des capteurs infrarouges qui détectent la chaleur corporelle, facilitant l’identification des vaisseaux sanguins proches de la surface de la peau.
- Des incisives longues, triangulaires et tranchantes, spécialement conçues pour percer la peau résistante des grands mammifères. Leur mâchoire possède également de grosses canines situées en arrière, tandis que leurs incisives inférieures, écartées, facilitent le mouvement de leur langue.
- Une langue longue capable de s’enfoncer profondément dans la blessure. Dès qu’une veine est percée, ses rebords se replient en formant un conduit permettant d’aspirer le sang par succion, aidée par des rainures latérales qui maximisent le flux.
- Une capacité à ingérer d’importantes quantités de sang, pouvant aller jusqu’à 56 grammes, soit plus que leur propre poids. Pour éviter de rester fixées à leur victime, leur système urinaire libère une forte proportion d’eau, leur permettant de se libérer rapidement après le repas.
Pourquoi la chauve-souris vampire possède-t-elle du venin ?
Le venin de la chauve-souris, contrairement à celui du serpent, ne vise pas à tuer sa proie. Il possède plutôt un rôle anticoagulant, grâce à une substance appelée draculine contenue dans sa salive. Cette enzyme empêche la coagulation du sang, maintenant la blessure ouverte pour que la chauve-souris puisse continuer à se nourrir. Les molécules présentes empêchent aussi la formation de caillots et contiennent des agents microscopiques qui tuent certains microbes, assurant un repas propre. D’autres protéines dilatent les vaisseaux sanguins pour augmenter le flux dans la plaie. La continuité de la saignée permet au vampire de boire plus longtemps et plus abondamment.
La chauve-souris vampire représente-t-elle une menace pour l’humain ?
Les ennemis naturels des chauves-souris vampires incluent certains rapaces nocturnes (tels que la chouette effraie ou la chevêche des terriers), ainsi que certains serpents comme les boas ou les couleuvres arc-en-ciel, ou encore des chats domestiques. En raison de leur régime sanguinaire, elles peuvent être vectrices de parasites comme la trypanosomose ou transmettre la rage. Chaque année, elles causent la mortalité de nombreux animaux dans leur aire de répartition, notamment lors d’épidémies. Par exemple, entre 1925 et 1935 à Trinité-et-Tobago, une importante épidémie a causé la mort de 89 personnes et de nombreux bétails. En 2015, au Pérou, des morsures de chauves-souris ont causé la mort de plusieurs enfants par transmission du virus de la rage. Malgré cela, leur contact avec l’homme reste rare, principalement dû à la disparition de leur habitat et au recul de leurs proies naturelles. À titre de comparaison, les maladies transmises par les moustiques, elles,, provoquent plus de 800 000 décès par an.