Parmi les caprinés sauvages, le bouquetin est facilement reconnaissable à ses cornes longues, épaissies d’anneaux concentriques. Autrefois, ces attributs impressionnants étaient souvent exhibés en tant que trophées, contribuant presque à la disparition de cette espèce. Grâce à une politique de réintroduction et à une protection renforcée, le bouquetin a retrouvé les falaises des montagnes alpines, où il évolue désormais en toute liberté sur les parois rocailleuses du massif alpin.
Profil du bouquetin des Alpes
Le bouquetin des Alpes, aussi appelé Capra ibex, appartient à la famille des bovidés et à l’ordre des artiodactyles. Il se distingue par sa silhouette robuste et ses membres solides, adaptés à la vie en haute montagne. Après avoir subi une forte chute démographique à cause d’une chasse intensive, il ne subsistait plus que quelques dizaines d’individus dans certaines zones proches du massif du Mont Blanc et du Grand Paradis en Italie. Toutefois, grâce à une série de mesures de conservation et de réintroductions démarrées dans les années 1960, ainsi qu’à la migration naturelle de populations voisines, ses effectifs ont considérablement augmenté.
Adhérence exceptionnelle en terrain escarpé
Ce mammifère est parfaitement adapté à l’environnement rocheux grâce à sa structure physique. Ses pattes épaisses et musclées sont équipées de sabots dotés de cornes très dures qui assurent une prise remarquable sur la pierre. La plante du pied comporte un coussinet antidérapant et absorbant, tandis que ses griffes rugueuses facilitent la descente en pente raide. L’absence de séparation entre ses doigts leur permet d’établir une véritable prise sur les surfaces rocheuses accidentées.
Les emblématiques cornes du bouquetin des Alpes
Les mâles arborent de hautes cornes recourbées vers l’arrière, ornées de stries indiquant leur âge. Ces cornes, pouvant dépasser un mètre de longueur et peser environ 5 kg par paire, servent à signaler la puissance et la dominance lors des combats spectaculaires entre mâles. Les femelles, en comparaison, ont des cornes plus courtes, d’une trentaine de centimètres, sans nodosités apparentes, et leur poids varie généralement entre 100 et 300 grammes.
Les cornes comme indicateurs d’âge
Les cornes du bouquetin croissent tout au long de leur vie, leur taille annuelle étant influencée par divers facteurs comme la météo ou l’état de santé. La lecture du nombre de sillons sur les cornes permet d’estimer leur âge. Les jeunes, appelés cabris, portent des cornes de moins de 15 cm. Chez les adultes mâles, la croissance peut être mesurée ainsi : deux ans environ 20 cm, trois ans 40 cm, quatre ans 50 cm, et cinq ans ou plus, des cornes dépassant 60 cm.
Son alimentation
Le bouquetin privilégie une alimentation composée principalement d’herbes, de graminées, de rameaux de genévriers ou de rhododendrons. Il consomme également du trèfle, des bourgeons de jeunes arbres comme le framboisier ou la myrtille. Au printemps, il descend dans les vallées pour profiter des premières pousses. L’été, il remonte en altitude, attiré par la végétation plus abondante et de meilleure qualité. Il boit très peu, se contentant souvent de la rosée ou de la neige. Vraiment friand de sel, il recherche souvent des sources naturelles ou des blocs de sel disponibles lors des périodes d’estive. En hiver, ses ressources alimentaires étant rares, il puise dans ses réserves de graisse, pouvant perdre jusqu’à un tiers de son poids chez la femelle ou la moitié chez le mâle.
Répartition géographique
Ce mammifère évolue sur tout l’arc alpin, présent en France, Suisse, Liechtenstein, Italie, Allemagne, Autriche et Slovénie. En France, on retrouve 18 populations réparties dans sept départements, notamment en Haute-Savoie, Savoie, Isère, Drôme, Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence et Alpes-Maritimes. Plus de la moitié des individus vivent en Savoie, principalement dans le massif de la Vanoise.
Habitat et territoires favorables
Le bouquetin préfère évoluer dans des milieux ouverts et évite la forêt. Il affectionne particulièrement les zones rocheuses escarpées, souvent orientées vers le sud, où ses sabots lui offrent une accroche parfaite. Au printemps, il descend dans les zones basses pour profiter des nouvelles pousses, puis remonte en altitude à mesure que la végétation pousse. Pendant l’été et l’automne, il fréquente des terrains variés à plus de 2500 mètres d’altitude. En hiver, il peut être aperçu jusque vers 3000 mètres, sur des pentes ensoleillées. Son territoire s’étend généralement sur environ 20 km².
Une journée dans la vie du bouquetin
Lorsque la nourriture se fait rare en automne et hiver, il consacre beaucoup de temps à la recherche de nourriture, parfois toute la journée lors de mauvaises conditions météorologiques. Pendant la saison chaude, les mâles sortent dès l’aube et restent actifs jusqu’au coucher du soleil, trouvant refuge dans des endroits à bonne visibilité pour éviter les prédateurs. Les femelles, plus vigilantes, répartissent leur alimentation tout au long de la journée, consacrant moins de temps au repos.
Vie sociale et comportements
Le bouquetin est une espèce sociable, peu farouche et assez joueur, surtout chez les jeunes et les mâles. Bien qu’il préfère vivre en groupes séparés selon le sexe, il rejoint les autres lors de la période de rut, qui dure de novembre à mi-janvier. Ensuite, les mâles et les jeunes se dispersent, formant des groupes pouvant compter jusqu’à une centaine d’individus.
Reproduction et cycle de vie
Ce mammifère polygame peut se reproduire dès l’âge de 18 mois, mais l’accouplement n’aura lieu qu’à partir de sa troisième ou quatrième année. La période de reproduction se déroule en hiver, où les mâles s’affrontent à coups de cornes pour établir leur hiérarchie et accéder aux femelles. Après une gestation de 165 à 170 jours, un seul cabri naît, les naissances gémellaires étant rares. Le petit est capable de suivre sa mère dès le troisième jour et reste allaité environ deux à trois mois.
Menaces et conservation
En bonne santé, les adultes sont peu vulnérables face aux prédateurs naturels, mais les jeunes ou affaiblis peuvent faire l’objet d’attaques d’aigles ou de loups lors de leurs déplacements en basse altitude. Protégé en France depuis 1981, le bouquetin des Alpes n’est plus en danger critique d’extinction. Sa chasse est interdite ou réglementée dans plusieurs pays européens. Néanmoins, il demeure sensible à certaines maladies comme la kérato-conjonctivite ou la lymphadénite caséeuse, qui peuvent causer d’importantes pertes. La longévité moyenne de l’espèce tourne entre 15 et 20 ans.