L’écureuil gris, une espèce invasive provenant d’Amérique du Nord en expansion en France

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Crédit photo : David Iliff

Originaire des régions du nord de l’Amérique du Nord, l’écureuil gris a été introduit en Grande-Bretagne au XIXe siècle, où il engendre aujourd’hui des impacts écologiques et économiques significatifs. En compétition avec l’écureuil roux européen pour la nourriture, il contribue également à la propagation d’un virus parasitaire mortel pour cette espèce. Présent dans le nord de l’Italie, il s’approche désormais des frontières françaises, illustrant le statut inquiétant d’espèce exotique envahissante.

Origines et histoire de l’écureuil gris

Ce rongeur, connu sous le nom scientifique Sciurus carolinensis, vient de l’est de l’Amérique du Nord, couvrant une zone allant du golfe du Mexique jusqu’au sud du Québec, ainsi que de l’Ontario et du Manitoba. Sa présence en Europe résulte d’introductions humaines, notamment en Grande-Bretagne à la fin du XIXe siècle, par Lord Herbrand Russell, duc de Bedford, qui voulait en faire une espèce ornementale. Lorsqu’il a relâché ces spécimens dans ses terres de Woburn, il ne se doutait pas que cette initiative entraînerait une invasion biogéographique. De là, l’espèce a colonisé l’Écosse, l’Irlande et d’autres régions, sans réussir à s’établir en Australie, malgré des introductions similaires dans les années 1880.

L’état de présence en France

De rares individus ont été repérés, notamment un écureuil capturé dans un parc parisien en 2017, probablement relâché par erreur. Bien que l’écureuil gris ne soit pas encore une espèce présente à l’état sauvage en France, le risque d’arrivée dans les prochaines décennies reste élevé si sa prolifération n’est pas contrôlée. Des relâchers d’origine italienne, notamment dans les années 1940, 1960 et 1990, ont permis à cette espèce de s’étendre dans la péninsule italienne. Sa population y croît rapidement, ainsi que son aire de distribution, ce qui la rapproche d’un éventuel franchissement des frontières françaises, où ses effets nuisibles sur la biodiversité et les habitats locaux sont reconnus.

Son habitat naturel et ses préférences

Dans ses zones d’origine comme en Europe, l’écureuil gris évolue principalement dans des forêts de feuillus ou mixtes, mêlant feuillus et conifères. Il fréquente aussi bien les zones rurales que les espaces urbains, tels que jardins et parcs, où il fait partie intégrante du paysage naturel. Sa densité varie selon la disponibilité en ressources alimentaires, étant plus forte dans des régions riches en chênes, noisetiers ou noyers, ses principales sources de nourriture.

Comment l’identifier ?

Ce gros écureuil, plus imposant que ses homologues européens, réalise entre 23 et 30 cm de longueur (sans la queue) et pèse environ 500 g. Son pelage est d’un gris-brun oscillant entre des nuances claires et foncées. Son ventre est d’une teinte plus claire, allant du crème au blanc cassé. Un anneau de pigmentation agoutie entoure ses yeux, et ses oreilles, arrondies et simples, sont de couleur chamois à gris. Ses membres antérieurs sont légèrement plus courts que les postérieurs, ce qui lui confère une posture caractéristique. Ses yeux volumineux lui confèrent une vision précise, indispensable pour ses activités diurnes. Il ne présente pas de différence de sexe visible à l’œil nu.

Les impacts de son invasion

Ce rongeur est à l’origine de divers dégâts, qu’ils soient environnementaux ou sanitaires :

La compétition avec le rouge

En exploitant efficacement les ressources naturelles, l’écureuil gris entre en compétition directe avec l’écureuil roux pour la nourriture et l’espace. Sa masse plus importante lui donne un avantage en hiver ainsi qu’en reproduction. En Grande-Bretagne, cette concurrence entraîne un ralentissement de la croissance des jeunes roux, et une baisse de fertilité chez les femelles adultes, pouvant aboutir à un déclin drastique de cette espèce indigène si la compétition persiste.

La prédation sur les oiseaux

Ce quadrupède n’hésite pas à s’attaquer aux œufs ou aux jeunes oiseaux nichés, nuisant ainsi à la biodiversité aviaire locale.

La transmission de maladies

Originaire d’Amérique du Nord, l’écureuil gris héberge divers parasites externes (tiques, poux, acariens) et internes (vers et protozoaires), ainsi que des agents pathogènes responsables de maladies comme la tularémie, la leptospirose, ou encore la fièvre Q. En Grande-Bretagne, il constitue un porteur sain du parapox-virus, potentiellement mortel pour l’écureuil roux.

Les nuisances écologiques

En Europe, il fragilise les arbres par écorçage, favorisant l’installation d’insectes et de champignons pathogènes, ce qui menace la santé des forêts, aussi bien feuillues que résineuses. En milieux urbains, ses dégâts se manifestent par la dégradation des jardins, le rongement de câbles ou l’intrusion dans des bâtiments, avec des coûts économiques et sanitaires associés.

Mode de vie et comportement

Ce rongeur diurne se déplace avec aisance au sol et dans les arbres, même si son poids supérieur à celui de l’écureuil roux limite sa vélocité dans la canopée. Bien qu’occupé principalement à chercher de la nourriture durant l’automne et le printemps (jusqu’à 70 % de son activité), il reste moins actif en hiver sans véritable hibernation. Son organisation sociale repose sur une hiérarchie claire : les mâles dominent les femelles, et les adultes prennent le dessus sur les jeunes. La territorialité est marquée par des jets d’urine ou des sécrétions odorantes, facilitant la délimitation de son espace vital.

Son alimentation

Omnivore, l’écureuil gris consomme une diversité de nourritures, incluant fruits, noix, glands, bourgeons, fleurs, graines, écorce et sève. En été, il ajoute à son régime des insectes, œufs et même de jeunes oiseaux ou amphibiens. Lors de l’automne, il stocke des réserves alimentaires, qu’il retrouve grâce à ses capacités olfactives et visuelles, pour bénéficier de ressources durant l’hiver.

Reproduction et cycle de vie

Les femelles deviennent fertiles entre 10 et 16 mois, et peuvent continuer à se reproduire jusqu’à 8 ans, tandis que les mâles atteignent leur maturité sexuelle plus tôt, à 8-11 mois. L’accouplement a lieu deux fois par an, en hiver et en été, chaque période durant environ trois semaines. La période fertile de la femelle est très courte (environ 8 heures), durant laquelle elle peut s’accoupler avec plusieurs mâles, généralement celui dominant. La gestation dure entre 40 et 44 jours, et à l’approche de la mise bas, la femelle devient agressive et s’isole pour élever ses petits.

La croissance des petits écureuils

Une portée typique comprend entre 1 et 6 jeunes, nés sans poil, sourds et aveugles, pesant une dizaine de grammes. Leur développement est rapide : après trois semaines, leur pelage apparaît, et leur queue devient fournie à 4 semaines. Leurs yeux s’ouvrent vers la fin de la première semaine, et ils commencent à explorer leur environnement vers l’âge de deux mois. La mère stoppe l’allaitement vers 3 mois, et les jeunes atteignent leur poids adulte vers 8-9 mois. La mortalité est élevée lors du départ du nid, surtout à cause des risques liés à la dispersion. La plupart des femelles ont une seule portée par an, mais en cas de bonne nourriture, une troisième portée peut survenir.

Son statut de conservation

En Amérique du Nord, les prédateurs naturels tels que serpents, rapaces ou carnivores terrestres régulent ses populations. Cependant, en Europe, la présence humaine et la chasse en font une espèce invasive, considérée comme l’une des 100 plus problématiques pour la biodiversité par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Dans certains pays européens, la gestion inclut le tir et le piégeage, mais en Italie, la lutte contre cette invasion a été suspendue suite à des pressions d’associations de défense animale. Sa longévité à l’état sauvage est d’environ 10 à 15 ans, dépassant parfois 20 ans en captivité, si aucune menace directe ne pèse sur lui.