La célèbre fable écrite par Jean de La Fontaine, Le rat des villes et le rat des champs, illustre à travers deux animaux emblématiques la différence entre la vie urbaine et celle à la campagne. Au-delà de leur environnement distinct, ces deux rongeurs ne sauraient être confondus. Mais qu’est-ce qui permet de les différencier concrètement ? Notre article vous fournit une analyse détaillée.
Deux ratons issus de genres différents
Bien que tous deux appartenant à la famille des muridés, comme les souris ou les gerbilles, le rat des champs et celui des villes appartiennent à des catégories distinctes. Leur appartenance au genre Rattus rassemble à lui seul une cinquantaine d’espèces, majoritairement originaires d’Asie du Sud-Est, d’Indonésie, de Papouasie-Nouvelle-Guinée et d’Australie. Toutes peuvent simplement être appelées « rats ».
En Europe, les deux principales espèces de rats sont le rat des champs, scientifique rattus rattus, également connu sous le nom de rat noir ou rat des greniers, et le rat des villes, identifié comme rattus norvegicus. Ce dernier, souvent appelé surmulot ou rat d’égout, a conquis le continent au XVIIIe siècle, plus tardivement que le rat des champs qui était déjà présent. Aujourd’hui, le rat des villes a envahi rapidement les zones urbaines, reléguant le rat des champs aux espaces extérieurs comme les banlieues ou les parcs. Dans les milieux ruraux, le rat des champs reste maître des lieux, s’adaptant parfaitement à ces environnements. Des études génétiques ont révélé que ces deux espèces ne sont pas proches parentes, leur plus proche cousine étant le rattus nitidus.
Comment différencier ces rongeurs par leur aspect ?
Il est légitime de se demander si une distinction visuelle est possible entre ces deux rats lors d’une rencontre fortuite. La réponse est oui, puisque chacun présente des traits morphologiques caractéristiques.
Le rat des champs se distingue par une silhouette élancée, avec une queue fine et plus longue que son corps. Sa queue mesure généralement entre 20 et 25 cm, tandis que la longueur de son corps oscille entre 15 et 20 cm. À l’inverse, le rat des villes possède une silhouette plus corpulente, une queue presque aussi longue que son corps, mais plus épaisse. En termes de poids, le rat des champs ne dépasse pas 230 g, alors que son homologue urbain peut atteindre entre 250 et 500 g, avec des différences notables entre mâles et femelles.
Les têtes diffèrent aussi : celles du rat des champs arborent des oreilles et des yeux proportionnellement plus grands, tandis que ceux du rat des villes présentent des petits yeux et oreilles en harmonie avec leur faciès. Le museau du rat des champs est pointu, alors que celui du rat urbain a une forme plus épaisse. Enfin, distinguer ces deux espèces par leur pelage peut être difficile, mais le ventre du rat des champs apparaît généralement plus clair.
Pour une identification plus précise, un regard attentif à leurs pattes peut être révélateur. La femelle du rat des champs ne possède que 4 doigts aux pattes avant, contre 5 pour celles du rat des villes. De même, le nombre de mamelles diffère : 5 chez la femelle du rat des champs et 6 chez celle du rat des villes.
Les comportements distincts de chacun
En matière d’activités nocturnes, ces deux rats partagent le fait de se mouvoir principalement dans l’obscurité, mais leur mode de vie diffère. Le rat des champs, doté d’une meilleure vue, privilégie les régimes à base de graines, alors que le rat des villes, plus adaptatif, adopte une alimentation opportuniste, incluant volontiers de la viande. Il est également très actif dans la recherche de nourriture, en exploitant largement l’odorat.
Ce dernier ne supporte pas l’humidité, préférant s’abriter sous des buissons ou en hauteur, notamment dans les arbres ou les greniers. Il vit en petits groupes d’environ une cinquantaine d’individus. À l’inverse, le rat des villes recherche l’humidité en creusant des tunnels ou en s’installant dans des caves et égouts. Expert nageur, il construit ses nids dans des matériaux récupérés et ses colonies peuvent atteindre plusieurs milliers d’individus, organisés en sociétés hiérarchisées. Son comportement peut devenir agressif, et il n’hésite pas à attaquer des animaux plus gros ou à mordre l’homme. Voilà peut-être une explication à sa longévité, pouvant aller jusqu’à 3 ans, alors que le rat des champs ne vit généralement pas plus d’un an.
Une cohabitation complexe entre rats et humains
Depuis la nuit des temps, les rats vivent près des hommes, proliférant dans leurs locaux. Aujourd’hui, leur population est à peu près équivalente à celle de l’humanité, avec environ 5 milliards d’individus pour chaque groupe. La prolifique nature des rats, capables de produire en une année une soixantaine de petits issus d’une seule femelle, entraîne une croissance rapide des colonies en l’absence de prédateurs ou d’intervention humaine. Une telle explosion démographique pose de nombreux problèmes.
Les rats peuvent nuire à la biodiversité locale en éliminant des espèces moins compétitives, tout en causant des dégâts matériels importants. Leur présence représente également un risque sanitaire majeur, notamment par la transmission de maladies graves. La peste, tristement célèbre dans l’histoire européenne, n’est pas directement transmise par les rats, mais par leurs puces. Cependant, d’autres maladies, telles que la leptospirose ou la salmonellose, sont véhiculées par leurs excréments, touchant millions de personnes chaque année, et pouvant entraîner des décès. La nécessité de maîtriser leurs populations reste donc essentielle, surtout pour protéger les plus fragiles.
Malgré leur réputation nuisible, les rats jouent aussi un rôle écologique important. En étant de véritables éboueurs naturels, ils contribuent au nettoyage des déchets, notamment en consommant une partie importante des ordures urbaines, comme c’est le cas à Paris où leur ingestion quotidienne de déchets dépasse parfois 800 tonnes. Ils participent également à l’entretien des réseaux d’égouts, évitant leur congestion et simplifiant leur entretien.